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Politique Publié le vendredi 2 avril 2010 | Nuit & Jour

Plume libre - Cinquante ans de questionnements …

1960 - 2010. Cinquante ans que le père de la nation, feu le président Félix Houphouët-Boigny aura prononcé cette phrase : « En ce jour béni du 7 août 1960, je proclame l’indépendance de la République de Côte d’Ivoire ». Une phrase magique, transcendantale, pleine d’espérance… Comme l’exprime le tout premier vers de l’hymne national de ce pays. Et cette espérance, le Bélier de Yamoussoukro lui a donné âme et corps trente-trois années durant sur cette terre d’Eburnie. Sous sa houlette forgée dans une intelligente conjugaison entre sagesse africaine du meilleur cru et vision obsessionnelle du progrès héritée du moule occidental où il a été façonné, Félix Houphouët-Boigny a bâti et fait de la Côte d’Ivoire un formidable modèle de développement qui a fait envie et école dans le monde entier. Malheureusement, son aura n’aura guère irrigué la seconde génération d’hommes politiques ivoiriens qui lui ont succédé. Depuis sa mort, il n’y a plus en Côte d’Ivoire qu’une ambition (obsessionnelle et destructrice) pour le pouvoir et aucune vision pour le pays. Le délestage électrique actuel (conjugué à de terribles coupures d’eau) en est, entre moult autres dérives, l’expression achevée. Tous les sens et la pensée obsessionnellement focalisés sur les moyens à mettre en œuvre pour conserver le pouvoir à tout prix, quatre années, oui quatre années durant, les dirigeants ont solidement rabattu les oreilles sur les appels insistants de la Cie et des opérateurs économiques relatifs à l’entretien des barrages électriques et au renforcement des unités de production qui étaient devenus d’une prégnante nécessité. Délivré de cette obsession de la lutte pour le pouvoir par l’effet de son limogeage, Léon Emmanuel Monnet pouvait enfin se rendre compte de ce qui était sa mission dix (10) années durant en tant que ministre des Mines et de l’Energie. Lors de la passation des charges avec Augustin Kouadio Komoé, il pouvait ainsi dire en substance : « monsieur le ministre, il est urgent de trouver une solution au délestage électrique, parce que les Ivoiriens ne sont pas habitués à cette situation ». A son successeur donc de trouver solution en deux ou trois mois à une situation à laquelle lui n’a pas jugé utile de répondre en 4 ans. Vraiment révoltant ! Mais on l’aura compris : cette dérive est devenue consubstantielle de la gouvernance en Côte d’Ivoire depuis la mort du Sage de l’Afrique. Parce que pour tous ses successeurs, détention du pouvoir d’une part et développement du pays et bien-être du peuple d’autre part, s’excluent mutuellement. Depuis 20 ans donc, en Côte d’Ivoire, on conquiert le pouvoir uniquement pour le pouvoir lui-même. Et non plus pour déployer en la mettant en œuvre une vision de progrès du peuple et du pays. Dans cette logique de destruction, quel sens peut donc recouvrir le cinquantenaire d’indépendance politique que l’on veut célébrer en Côte d’Ivoire ? S’il s’agit de célébrer le compte numérique de 50 années depuis le jour magique du 07 août 1960, alors il n’y a pas de problème. Mais, s’il s’agit de marquer un symbole, de donner à ce cinquantenaire un sens historique dans la marche du peuple ivoirien, que peut-on et doit-on alors célébrer en cette année 2010 ? Parce que divisé depuis 7 ans par la crise armée du 19 septembre 2002, le territoire national n’a toujours pas été effectivement réunifié ; deux administrations et deux armées continuent de régir le nord et le sud du pays ; les institutions de l’Etat, délégitimées par le blocage des élections depuis 5 ans, ne sont plus l’émanation de la volonté populaire et donc, les Ivoiriens ne s’y reconnaissent plus de façon unanime ; la Constitution, en raison de l’interminable transition politique, a perdu toute force au profit d’accords de paix qui ne sont que l’expression exclusive de la volonté des acteurs politiques, à l’exclusion du peuple, etc. Que signifie et vaut alors un cinquantenaire célébrer dans un tel environnement socio-politique, militaire, économique, culturel, etc ? A l’évidence, la Côte d’Ivoire aurait eu à montrer plus de fierté et de dignité au monde si elle avait célébré son trentenaire en 1990. Parce que là où elle aurait brandi un formidable modèle de développement et de progrès tous azimuts, pour son cinquantenaire, ce pays n’a que destruction, ruines, violences politiques meurtrières, régression tous azimuts et regrets à montrer. Est-ce cela que nous devons célébrer ?

Michel Dia


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