«L’indépendance n’a pas été octroyée à l’Afrique, comme certains le clament ; elle a été le fruit de la lutte acharnée de ses peuples. La célébration de ce cinquantenaire est sa fête, il n’est pas opportun que la France s’y invite». Ces propos sont de l’historienne et écrivaine malienne docteur Adame Ba Konaré, épouse de l’ex-chef de l’Etat du Mali et ex- président de la Commission de l’Union africaine (UA), Alpha Omar Konaré. Il s’agit d’une prise de position qui ne surprend guère les observateurs comme nous qui suivons le combat que mènent certaines intellectuelles africaines pour l’émancipation du continent noir. Adame Ba Konaré fait partie, avec Simone Ehivet Gbagbo, Aminata Traoré, etc., de ces dignes femmes du continent qui disent haut ce que certains pensent bas et appellent à rompre avec «l’Afrique de papa». Une Afrique des quatorze pays subsahariens, ex-colonies françaises, qui n’ont jamais eu leur propre voix, leur avis personnel, les dirigeants qu’ils ont librement choisis, leur politique économique personnelle. Tout était décidé depuis Paris. Depuis 1960, c’est l’Elysée qui impose les dirigeants de son choix, régente le tissu économique, contrôle les matières premières, parle au nom de ces pays à l’ONU…Tout pays qui tente de se soustraire à ce schéma est l’objet de représailles. Paris et ses services ainsi que ses mercenaires le plongent dans une instabilité épouvantable. C’est le sort que subit la Côte d’Ivoire sous Laurent Gbagbo, ce Président ivoirien qui refuse d’intégrer la Françafrique. Même si des faits historiques montrent que, dans de nombreux pays africains, les populations se sont élevées contre le système colonial français. Des luttes qui furent des adjuvants dans la course vers les indépendances. Mais, à l’analyse, ces indépendances ont été octroyées par De Gaulle, quelque peu agacé. En s’invitant avec couverts et grelots à la célébration du cinquantenaire de l’indépendance de ces pays francophones d’Afrique subsaharienne, Paris transmet clairement le message selon lequel «les indépendances étaient un leurre». Si indépendance, il y a ; elle a été tout simplement octroyée par la France. Au grand dam de l’historienne et écrivaine Adame Ba Konaré. Cependant, l’ex-Première dame du Mali a raison lorsqu’elle s’offusque de la présence envahissante de la France dans la célébration du cinquantenaire. Les temps ayant progressivement changé sur le continent avec pour preuve l’évolution des mentalités, il apparaît inadmissible que Paris veuille encore tenir les pays africains par la main. Même quand il s’agit d’organiser leur fête, la commémoration de leurs 50 ans d’histoire. Contrairement à ce que dit l’ex-ministre français Jacques Toubon, il faut tourner la page. Il faut surtout tourner celle de la Françafrique pour ouvrir la page de l’indépendance vraie des pays africains. Celle de la refondation comme le veut la Côte d’Ivoire. Vu sous cet angle, c’est à un gâchis de la fête que Paris s’adonne en faisant main basse sur le cinquantenaire des pays francophones subsahariens. Didier Depry didierdepri@yahoo.fr
Politique Publié le samedi 3 avril 2010 | Notre Voie