Dans l’interview qu’il a accordée au magazine Jeune Afrique du lundi 5 avril, le Premier ministre, Guillaume Soro, a tenu des propos qui risquent de le perdre s’il n’y prend garde. Le Premier ministre Guillaume Soro a longuement parlé au magazine Jeune Afrique de cette semaine. La lecture de cette interview appelle un certain nombre de remarques. La première remarque est que Soro manque d’humilité et s’offre un costume qui n’est pas du tout à sa mesure. «Grâce à moi, la Côte d’ivoire a évité le pire», déclare-t-il. Le Secrétaire général des Forces nouvelles (FN) fait ainsi allusion à son refus de démissionner quand le président de la République a dissous la Commission Electorale Indépendante (CEI) et le gouvernement. «L’opposition vient de produire un communiqué appelant à contrer par tous les moyens le chef de l’Etat. Le pays est à deux doigts d’une nouvelle guerre civile. Pour éviter un bain de sang, je décide donc de rester en m’accrochant à un bout de phrase du discours du président, quand il affirme vouloir conserver le cadre de l’accord politique de Ouagadougou». Pour Soro donc, le fait de n’avoir pas démissionné, suite à la dissolution de la CEI et du gouvernement l’autorise à conclure qu’il a évité le pire à la Côte d’Ivoire. De quoi parle Soro Guillaume ? Qu’est-ce qu’il y a de pire que la guerre que les Forces nouvelles ont envoyée dans ce pays en complicité avec Alassane Ouattara? Faut-il rappeler au Secrétaire général des FN que cette tentative de putsch qui s’est transformée en rébellion armée et au nom de laquelle il est à la primature a causé des milliers de morts. Elle a fait de nombreux mutilés, des femmes violées et disloqué un grand nombre de familles. Qu’est-ce qu’il y a, par ailleurs, de pire que le pillage des ressources économiques du pays et du vol organisé dans les zones sous contrôle de la rébellion ? C’est Soro et ses complices qui ont envoyé le pire en Côte d’ivoire avec la guerre et le pillage des ressources du pays dans leurs zones de contrôle. C’est justement pour régler tous ces problèmes qu’il a été nommé Premier ministre et non pour autre chose. En acceptant le poste de Premier ministre, Guillaume Soro devrait avoir conscience que sa mission, c’est de réunifier le pays par le désarmement, le redéploiement de l’administration et l’unicité des caisses de l’Etat. Au lieu de cela, il fait du dilatoire en affirmant que le désarmement n’est pas un préalable à l’organisation de l’élection présidentielle. Et pourtant l’accord politique de Ouagadougou dont il est signataire indique sans ambiguïté que le désarmement doit être achevé deux mois avant la date fixée pour l’élection. Parlant justement du désarmement, le premier ministre se plaint de ce que l’ambassadeur Alcide Djédjé ne lui ait pas montré le contenu du message qu’il a lu devant les instances de l’ONU. Mais enfin, Soro se donne un costume qui est trop gros pour lui. Un ambassadeur est le représentant du président de la République et non du Premier ministre, fut-il un Premier ministre issu d’une rébellion armée. Et puis, quand Guillaume Soro affirme qu’il n’a pas signé d’accord avec l’entourage du président Gbagbo, comment doit-on comprendre cela ? M. Soro sait-t-il vraiment comment fonctionne un chef d’Etat ? En effet, un chef d’Etat, bien qu’il soit libre dans ses mouvements et décisions, n’est pas un électron libre. Il est d’abord issu d’une organisation politique qui est la base politique sur laquelle il repose. Ensuite, il a une équipe qui travaille pour lui. En outre, Soro Guillaume minimise le trafic illicite des produits agricoles vers les pays limitrophes par ses hommes. «Si une partie du cacao du nord transite par le Burkina Faso pour être évacuée via le port de Lomé, c’est avant tout, parce que les opérateurs économiques y trouvent, toutes taxes comprises, leur compte, et non parce qu’on leur aurait interdit de l’envoyer à Abidjan», insinue Soro. Pour le locataire de la primature, c’est parce que le cacao serait mieux vendu ailleurs qu’en Côte d’Ivoire que les opérateurs économiques préfèrent aller vers les pays voisins. Qu’un simple citoyen le dise, on le comprendrait, bien que cela soit grave. Mais que ça soit le Premier ministre lui-même qui le dise, c’est écœurant, désespérant. Car même si cela était vrai, le devoir de Soro Guillaume en tant que Premier ministre de la Côte d’Ivoire, c’est de protéger l’économie de ce pays. En réalité, ces prétendus opérateurs économiques sont des membres des Forces nouvelles qui achètent le kilogramme de cacao à un prix dérisoire (300 FCFA/KG) pour le revendre à un prix plus rémunérateur au port de Lomé (Togo). C’est donc un véritable hold up que les FN organisent contre les paysans des zones qu’ils contrôlent. C’est un crime économique contre l’Etat de Côte d’Ivoire. Enfin en ce qui concerne le cas Beugré Mambé, en même temps que Soro reconnaît que le sieur Mambé a fauté et qu’il a, par conséquent, demandé sa démission, il dit qu’il ne croit pas qu’il ait commis une faute de façon intentionnelle. De même alors qu’il dit aussi que le camp présidentiel a des raisons de s’inquiéter, il s’oppose à l’audit de la liste électorale. A quelle logique obéit un tel raisonnement ? En réalité, Guillaume Soro n’a plus le contrôle de ses troupes. Notamment la branche militaire des Forces nouvelles. Il veut donc sauver sa peau en organisant une fraude électorale au profit de Ouattara, le vrai patron de la rébellion. Boga Sivori bogasivori@yahoo.fr
Politique Publié le mercredi 7 avril 2010 | Notre Voie
Dans une interview à Jeune Afrique - Soro soutient le pillage de l’économie
© Notre Voie Par DRSortie de crise: les accords politiques de Ouagadougou mis à rude épreuve
Photo d`archives. Le premier ministre Guillaume Kigbafory Soro