"Guy-André Kieffer, six ans hors d`état d`informer", c`est en substance le grand message de Reporters Sans Frontières à l`occasion du sixième anniversaire de la disparition du journaliste à Abidjan en Côte d`Ivoire. Dans cette interview qu`il nous a accordée, le frère du disparu, Bernard KIEFFER, n`attend qu`une seule chose : que la vérité soit faite afin de boucler définitivement ce dossier. Car des éléments de preuve existent et convergent tous vers le palais présidentiel ivoirien.
Il y a six ans qu`on n`a pas de nouvelles de votre frère Guy André KIEFFER. Vous avez entrepris plusieurs démarches. A quel niveau êtes-vous avec vos démarches pour la découverte de la vérité dans cette affaire ?
Nos démarches sont portées par les juges Patrick Ramaël et Nicolas Blot, le deuxième juge d`instruction qui a été associé au premier dans cette affaire. Et nous leur faisons tous confiance pour mener à bien cette affaire. Une instruction qui est longue, qui est difficile, qui est compliquée et qui se passe dans un pays étranger et qui a rencontré quelques difficultés dans son bon déroulement. Mais on n`a jamais cessé d`avancer et on fait plus que jamais confiance aux juges pour la mener jusqu`à son terme. C`est-à-dire jusqu`à la vérité complète.
Vous venez d`énumérer des mots : long, difficile, complexe. A quel niveau se situent-ils ?
Les difficultés ont été, par exemple, dans le fait que les juges Ramaël et Nicolas Blot n`ont pas pu entendre tous les protagonistes de ce dossier, ou alors n`ont pu les entendre qu`après de très longues démarches et des réclamations répétées. Donc, on ne peut pas dire qu`il y a toujours eu spontanéité très forte quand il s`est agi pour les juges d`entendre les témoins et les acteurs de ce dossier. Voilà pourquoi, cette affaire est longue. Elle est difficile parce que ce n`est pas facile d`enquêter dans un pays étranger. On est obligé de passer par des procédures locales. Ce que je conçois d`ailleurs parce que ce serait pareil s`il y avait une affaire ivoirienne en France. Donc c`est compliqué. Mais ça avance, ça prendra le temps que ça prendra, on n`est pas pressé. On veut savoir la vérité et on attendra le temps qu`il faut. On ne lâchera pas.
On a suivi des reportages où avec des témoins, l`on a procédé à des recherches du corps. Quelle a été la suite de ces investigations? Ou alors, ces témoins n`ont pas de crédibilité ?
Ce sont des pistes qui nous arrivent et le juge vérifie à chaque fois. Ce sont des informations qui sont parfois bonnes, parfois pas bonnes. Et le juge Ramaël a toujours dit qu`il voulait s`assurer que des portes devaient être ouvertes ou fermées.
Quand une piste est bonne, la porte est ouverte, donc il continue et il creuse. Quand elle ne l`est pas, il referme la porte. Là, dans le cas que vous évoquez, il avait des informations qui donnaient à penser que le corps était localisé dans un endroit particulier. Et un témoin avait des indications précises. Des fouilles ont eu lieu et elles ont montré que le corps n`était pas là. C`est une porte qui s`est donc refermée. Mais il y en a d`autres. Et il y en aura d`autres.
Ne pensez-vous que ces genres de situations jettent un peu le discrédit sur le dossier ? Ce qui conforterait d`ailleurs vos adversaires dans leur position.
Pas du tout. Nous sommes dans une enquête et le moindre indice doit être pris au sérieux jusqu`à ce qu`il apporte un plus ou non aux investigations.
Votre avocat, Me Alexis GUBLIN, rassure que vous n`avez jamais été aussi près de la vérité. Aujourd`hui, quelles sont les pistes qui vous confortent dans cette position ?
Toutes les informations que nous avons depuis le début nous conduisent à tourner autour du palais présidentiel. Ce n`est pas quelque chose qui me fait particulièrement plaisir. Mais c`est le constat que l`on peut faire à la lecture du dossier. Les informations sont concordantes. Elles donnent à penser que l`affaire a été commanditée au plus haut niveau de l`Etat ivoirien. Et tous les témoignages qu`on a eus depuis le début de cette affaire nous conduisent vers cette piste-là. Donc, le juge fera le tri entre les bons et les mauvais témoignages, les bonnes et les fausses informations et on verra ce qu`il en ressortira.
A quel niveau êtes-vous avec les cas Tony Oulaï et Michel Légré ?
Tony Oulaï a été remis en liberté provisoire parce que tout simplement, il était détenu depuis deux ans et demi. Et qu`en France, on ne maintient pas quelqu`un en détention sans jugement éternellement. C`est uniquement une question de procédure. Il est sous contrôle judiciaire. Quant à Michel Légré, il est toujours mis en examen par la justice française et la justice ivoirienne aussi. C`est toujours l`un des protagonistes importants de ce dossier que le juge, probablement, souhaiterait réentendre à un moment donné. Pour l`instant, il est en Côte d`Ivoire et la Côte d`Ivoire n`a pas accepté qu`il soit remis temporairement à la justice française pour être auditionné ici à Paris.
Voilà une affaire où sont impliquées les autorités judiciaires de deux Etats, la France et la Côte d`Ivoire. On s`attendait à une réelle collaboration entre ces deux pays pour que la vérité éclate. Malheureusement, ce n`est pas le cas. Comment justifiez-vous cela ? Ne pensez-vous que les gens en font une affaire d`Etat où votre frère a été un mouton de sacrifice ?
Moi, je n`ai pas très envie de rentrer dans ce débat parce qu`on ne demande pas au président Sarkozy, ni au président Gbagbo de mener l`enquête. On demande à la justice française de faire son travail. Et c`est ce qu`elle fait. Et on demande à la justice ivoirienne de collaborer. Et c`est ce qu`elle fait. Mais avec plus ou moins de conviction. Quand le procureur Tchimou dit que Guy André est vivant et qu`il est caché à l`étranger, on ne peut pas dire qu`il aide beaucoup à l`avancement de l`enquête. C`est tout ce que je dirais, moi. C`est une affaire judiciaire qui est menée par les autorités judiciaires. Si les autorités politiques se mobilisent pour nous aider, on n`y verra que des avantages. Ce qu`on ne veut pas, c`est qu`elles entravent le dossier et qu`elles compliquent l`avis du juge.
N`empêche qu`elles n`ont pas caché leur volonté de faire de cette affaire une affaire personnelle. Surtout du côté du président Sarkozy qui l`a exprimé lorsqu`il vous a reçus.
Le président Sarkozy n`en fait pas une affaire personnelle. Il a dit c`est une priorité pour la France. Ce qui n`est pas tout à fait la même chose. C`est encore plus fort d`ailleurs. Nous, on y a vu un engagement fort. Mais maintenant, il faut que cet accompagnement politique nous aide et surtout aide le juge à mener ses investigations. Il ne faut pas que ce soit simplement une déclaration, un affichage sans suite.
Depuis cette déclaration, avez-vous eu des réactions permettant l`avancée de l`enquête ?
Après que le président nous ait reçus, le juge Ramaël a continué ses investigations. Il a entendu Simone Gbagbo, il a entendu Bohoun Bouabré, il y a eu le témoignage du Major Gossé, l`année dernière. J`ai dit tout à l`heure qu`il y avait d`autres pistes qui étaient en cours d`examen qui confortent ce qu`on sait déjà. Et tout cela suit son cours. Et le fait que Jean Tony Oulaï ait été remis en liberté va redonner un peu d`oxygène aux juges qui vont avoir un peu plus de temps pour mener à bien leurs investigations
Un message à l`endroit des autorités judiciaires et même politique des deux pays ?
Nous attendons que la vérité émerge d`un côté comme de l`autre. Si les autorités judiciaires convergent pour travailler ensemble, ce sera forcément mieux. Et on souhaite que maintenant, au plus vite que cette instruction soit close et qu`on sache où est passé Guy André. Il ne s`agit pas simplement de renvoyer devant les juges les exécutants et les commanditaires puisqu`on tient aussi à ce qu`il y ait des commanditaires, pas simplement des exécutants. Et nous voulons aussi récupérer Guy André, mort ou vif. Et je crains que ce soit mort. On veut simplement savoir exactement ce qui est arrivé et ce qu`est devenu notre frère.
Interview réalisée à Paris
par Eugène YOBOUET
Correspondant permanent en France
Il y a six ans qu`on n`a pas de nouvelles de votre frère Guy André KIEFFER. Vous avez entrepris plusieurs démarches. A quel niveau êtes-vous avec vos démarches pour la découverte de la vérité dans cette affaire ?
Nos démarches sont portées par les juges Patrick Ramaël et Nicolas Blot, le deuxième juge d`instruction qui a été associé au premier dans cette affaire. Et nous leur faisons tous confiance pour mener à bien cette affaire. Une instruction qui est longue, qui est difficile, qui est compliquée et qui se passe dans un pays étranger et qui a rencontré quelques difficultés dans son bon déroulement. Mais on n`a jamais cessé d`avancer et on fait plus que jamais confiance aux juges pour la mener jusqu`à son terme. C`est-à-dire jusqu`à la vérité complète.
Vous venez d`énumérer des mots : long, difficile, complexe. A quel niveau se situent-ils ?
Les difficultés ont été, par exemple, dans le fait que les juges Ramaël et Nicolas Blot n`ont pas pu entendre tous les protagonistes de ce dossier, ou alors n`ont pu les entendre qu`après de très longues démarches et des réclamations répétées. Donc, on ne peut pas dire qu`il y a toujours eu spontanéité très forte quand il s`est agi pour les juges d`entendre les témoins et les acteurs de ce dossier. Voilà pourquoi, cette affaire est longue. Elle est difficile parce que ce n`est pas facile d`enquêter dans un pays étranger. On est obligé de passer par des procédures locales. Ce que je conçois d`ailleurs parce que ce serait pareil s`il y avait une affaire ivoirienne en France. Donc c`est compliqué. Mais ça avance, ça prendra le temps que ça prendra, on n`est pas pressé. On veut savoir la vérité et on attendra le temps qu`il faut. On ne lâchera pas.
On a suivi des reportages où avec des témoins, l`on a procédé à des recherches du corps. Quelle a été la suite de ces investigations? Ou alors, ces témoins n`ont pas de crédibilité ?
Ce sont des pistes qui nous arrivent et le juge vérifie à chaque fois. Ce sont des informations qui sont parfois bonnes, parfois pas bonnes. Et le juge Ramaël a toujours dit qu`il voulait s`assurer que des portes devaient être ouvertes ou fermées.
Quand une piste est bonne, la porte est ouverte, donc il continue et il creuse. Quand elle ne l`est pas, il referme la porte. Là, dans le cas que vous évoquez, il avait des informations qui donnaient à penser que le corps était localisé dans un endroit particulier. Et un témoin avait des indications précises. Des fouilles ont eu lieu et elles ont montré que le corps n`était pas là. C`est une porte qui s`est donc refermée. Mais il y en a d`autres. Et il y en aura d`autres.
Ne pensez-vous que ces genres de situations jettent un peu le discrédit sur le dossier ? Ce qui conforterait d`ailleurs vos adversaires dans leur position.
Pas du tout. Nous sommes dans une enquête et le moindre indice doit être pris au sérieux jusqu`à ce qu`il apporte un plus ou non aux investigations.
Votre avocat, Me Alexis GUBLIN, rassure que vous n`avez jamais été aussi près de la vérité. Aujourd`hui, quelles sont les pistes qui vous confortent dans cette position ?
Toutes les informations que nous avons depuis le début nous conduisent à tourner autour du palais présidentiel. Ce n`est pas quelque chose qui me fait particulièrement plaisir. Mais c`est le constat que l`on peut faire à la lecture du dossier. Les informations sont concordantes. Elles donnent à penser que l`affaire a été commanditée au plus haut niveau de l`Etat ivoirien. Et tous les témoignages qu`on a eus depuis le début de cette affaire nous conduisent vers cette piste-là. Donc, le juge fera le tri entre les bons et les mauvais témoignages, les bonnes et les fausses informations et on verra ce qu`il en ressortira.
A quel niveau êtes-vous avec les cas Tony Oulaï et Michel Légré ?
Tony Oulaï a été remis en liberté provisoire parce que tout simplement, il était détenu depuis deux ans et demi. Et qu`en France, on ne maintient pas quelqu`un en détention sans jugement éternellement. C`est uniquement une question de procédure. Il est sous contrôle judiciaire. Quant à Michel Légré, il est toujours mis en examen par la justice française et la justice ivoirienne aussi. C`est toujours l`un des protagonistes importants de ce dossier que le juge, probablement, souhaiterait réentendre à un moment donné. Pour l`instant, il est en Côte d`Ivoire et la Côte d`Ivoire n`a pas accepté qu`il soit remis temporairement à la justice française pour être auditionné ici à Paris.
Voilà une affaire où sont impliquées les autorités judiciaires de deux Etats, la France et la Côte d`Ivoire. On s`attendait à une réelle collaboration entre ces deux pays pour que la vérité éclate. Malheureusement, ce n`est pas le cas. Comment justifiez-vous cela ? Ne pensez-vous que les gens en font une affaire d`Etat où votre frère a été un mouton de sacrifice ?
Moi, je n`ai pas très envie de rentrer dans ce débat parce qu`on ne demande pas au président Sarkozy, ni au président Gbagbo de mener l`enquête. On demande à la justice française de faire son travail. Et c`est ce qu`elle fait. Et on demande à la justice ivoirienne de collaborer. Et c`est ce qu`elle fait. Mais avec plus ou moins de conviction. Quand le procureur Tchimou dit que Guy André est vivant et qu`il est caché à l`étranger, on ne peut pas dire qu`il aide beaucoup à l`avancement de l`enquête. C`est tout ce que je dirais, moi. C`est une affaire judiciaire qui est menée par les autorités judiciaires. Si les autorités politiques se mobilisent pour nous aider, on n`y verra que des avantages. Ce qu`on ne veut pas, c`est qu`elles entravent le dossier et qu`elles compliquent l`avis du juge.
N`empêche qu`elles n`ont pas caché leur volonté de faire de cette affaire une affaire personnelle. Surtout du côté du président Sarkozy qui l`a exprimé lorsqu`il vous a reçus.
Le président Sarkozy n`en fait pas une affaire personnelle. Il a dit c`est une priorité pour la France. Ce qui n`est pas tout à fait la même chose. C`est encore plus fort d`ailleurs. Nous, on y a vu un engagement fort. Mais maintenant, il faut que cet accompagnement politique nous aide et surtout aide le juge à mener ses investigations. Il ne faut pas que ce soit simplement une déclaration, un affichage sans suite.
Depuis cette déclaration, avez-vous eu des réactions permettant l`avancée de l`enquête ?
Après que le président nous ait reçus, le juge Ramaël a continué ses investigations. Il a entendu Simone Gbagbo, il a entendu Bohoun Bouabré, il y a eu le témoignage du Major Gossé, l`année dernière. J`ai dit tout à l`heure qu`il y avait d`autres pistes qui étaient en cours d`examen qui confortent ce qu`on sait déjà. Et tout cela suit son cours. Et le fait que Jean Tony Oulaï ait été remis en liberté va redonner un peu d`oxygène aux juges qui vont avoir un peu plus de temps pour mener à bien leurs investigations
Un message à l`endroit des autorités judiciaires et même politique des deux pays ?
Nous attendons que la vérité émerge d`un côté comme de l`autre. Si les autorités judiciaires convergent pour travailler ensemble, ce sera forcément mieux. Et on souhaite que maintenant, au plus vite que cette instruction soit close et qu`on sache où est passé Guy André. Il ne s`agit pas simplement de renvoyer devant les juges les exécutants et les commanditaires puisqu`on tient aussi à ce qu`il y ait des commanditaires, pas simplement des exécutants. Et nous voulons aussi récupérer Guy André, mort ou vif. Et je crains que ce soit mort. On veut simplement savoir exactement ce qui est arrivé et ce qu`est devenu notre frère.
Interview réalisée à Paris
par Eugène YOBOUET
Correspondant permanent en France