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Société Publié le vendredi 14 mai 2010 | Nord-Sud

Le Bureau de la Fipem à propos de l’échec du hadj en 2006 : “Nous avons été traités de voleurs”

Dans la première partie de cette interview, dont la suite vous sera proposée demain, les membres du bureau de la Fédération ivoirienne pour l’organisation du pèlerinage (Fipem) expliquent les raisons pour lesquelles leurs structures n’ont pas encore adhéré au projet de Bureau ivoirien du hadj de la oumra, initié par le Conseil supérieur des imams (Cosim).

Mise au point

Loin de nous l’intention de livrer la communauté musulmane à une quelconque risée. Nord-Sud Quotidien n’a pas, non plus, la moindre volonté de remuer le couteau dans la petite plaie des incompréhensions internes de cette communauté. Il a juste jugé nécessaire d’apporter sa modeste contribution à sa guérison, de peur qu’elle ne s’infecte davantage.
Nous avons souhaité, à travers ce débat contradictoire, créer un petit forum de ‘’vérité-réconciliation’’ ou chacun pourrait vider son cœur, mieux comprendre l’autre, et faire vers lui, le pas nécessaire. Il y va aussi de l’information des fidèles musulmans ou non, qui ont entendu beaucoup de choses, qui finissent parfois par s’enfermer dans une position, tout en ignorant la réalité. Merci à la Fipem et au Cosim pour leur compréhension et leur sens de paix.

l Lors de votre conférence de presse du 23 avril, vous avez déclaré que la rétrocession de l’organisation du hadj à la communauté musulmane doit se faire dans une concertation avec les pouvoirs publics. Pouvez-vous être plus précis ?
Diallo Ibrahima (président de la Fipem) : Je voudrais rappeler un souvenir, un peu douloureux. Celui du hadj 2006 bis, qui a abouti, entre guillemets, à un échec en Côte d’Ivoire. Je voudrais aussi qu’on se souvienne de toutes les conséquences qui s’en sont suivies. Dont entre autres la volonté de l’Etat de venir en aide à la communauté musulmane, en donnant l’occasion à tous ceux qui n’avaient pas pu faire le voyage de pouvoir le faire. C’était un soulagement pour l’ensemble de la communauté musulmane en général, et pour les organisateurs du hadj en particulier. L’Etat, dans ces conditions, a choisi un interlocuteur qui, en son temps, fut le Conseil supérieur des imams (Cosim). C’est dans ce cadre, qu’à une rencontre avec le chef de l’Etat le 5 mai (2007), le président du Cosim, le Cheikh Boikary Fofana, a demandé à l’Etat de Côte d’Ivoire de prendre en charge l’organisation du pèlerinage à La Mecque. Il a donc donné le pèlerinage à l’Etat. C’était de la responsabilité du Cosim qui a pris cette initiative, seul, je dirais. L’Etat a accepté de venir en aide aux pèlerins qui n’avaient pas pu effectuer le pèlerinage l’année précédente. Il y a eu co-organisation Etat-Cosim. Je me rappelle qu’au lancement du hadj, le ministre de tutelle avait mis l’accent sur les circonstances de l’intervention de l’Etat, tout en précisant que le rôle de l’Etat n’était pas d’organiser le hadj pour la communauté musulmane et qu’il n’avait décidé de le faire qu’à la demande du Cosim. Trois années sont passées. Peut-être que les choses ne sont pas passées comme l’entrevoyait le Cosim, mais l’Etat a fait l’organisation en s’appuyant sur les compétences de la communauté musulmane. Chaque année, il a toujours indiqué son intention de se retirer du hadj, le moment venu, à la demande de la communauté musulmane. Pour répondre précisément à votre question, après avoir fait ce rappel qui me paraissait nécessaire, je dirai que dès lors que l’Etat s’est engagé à organiser au nom de la communauté et avec elle, nous savons aussi que les choses ne se sont pas passées très bien avec le Cosim. Il y a eu quelques divergences.

Quelles divergences ?
Des divergences entre autres sur certains aspects du hadj : l’organisation des vols, le financement du hadj. L’Etat a mis à la disposition de la communauté un budget et il est apparu que le Cosim a souvent demandé un bilan financier à l’Etat. Cela a été source d’incompréhensions. Tout le monde le sait. Nous avons estimé que, dans un climat pareil, pour demander à l’Etat de rétrocéder le hadj à la communauté musulmane, il faut que celle-ci se concerte elle-même et qu’on soit prêt à recevoir le hadj et à l’organiser, ne serait-ce que dans les mêmes conditions que l’Etat le faisait. Cela nécessitait pour nous une concertation.

Comment doit-elle se faire ?
La communauté est assez structurée. La preuve, nous avons une fédération. Elle n’a été officialisée peut-être que seulement au mois d’octobre, sinon, elle existe depuis longtemps. Cheikh Boikary le sait, puisqu’après l’échec du hadj, il nous a invités pour entendre la part de vérité de chaque structure. Ce qui signifie qu’il y a des interlocuteurs avec qui il aurait pu se concerter par rapport au hadj. Mais depuis cette rencontre, il n’y a pas eu d’autres. Le Cosim a géré seul certains aspects du hadj avec l’Etat. Dans ces conditions, nous disons que s’il y a un problème entre le Cosim et l’Etat, et que le Cosim décide de récupérer le hadj, nous ne pouvons nous associer à cette décision, compte tenu des rapports qui ont été tissés entre le Cosim et l’Etat en dehors des autres structures. C’est pourquoi nous parlons d’une concertation pour qu’ensemble, nous puissions envisager ce qui peut être fait et quelle procédure mettre en place pour une bonne organisation du hadj.

Le Cosim ne vous a-t-il jamais approchés dans ce sens ?
Pas en ma connaissance. Je ne sais pas si les autres responsables d’associations (présents à l’entretien) ont des éléments de réponse pour nous éclairer.

l Avez-vous approché le Cosim pour lui soumettre cette idée ?
Nous avons rencontré le Cosim plusieurs fois. Dès la création de la Fipem, le Cosim a été la première structure à qui nous avons adressé un courrier pour lui annoncer la création de la fédération. Nous avons envoyé un 2e courrier pour demander au Cosim de nous accorder une audience. Nous lui avons adressé un 3e courrier pour encore demander une audience afin de lui présenter nos objectifs.

Pouvez-vous en rappeler les dates ?
Nous avons fait l’AG constitutive le 29 octobre 2009. La semaine suivante, le courrier d’information est parti. Juste après, c’était le pèlerinage. Nous nous sommes rendus à La Mecque. Sur place, je me suis fait fort de rencontrer le représentant officiel du Cosim, Cissé Abdoul Karim, pour échanger avec lui sur notre vision et nos objectifs. Je l’ai informé du courrier que nous avions adressé au Cosim. Au retour du hadj, nous nous sommes dit que nous pouvions maintenant rencontrer facilement le cheikh. Nous avons envoyé un courrier en janvier, n’ayant pas eu de retour, un mois après, nous avons envoyé un autre courrier.

Vous n’avez jamais eu de réponse.
Seul le courrier d’information a eu une réponse. Le Cosim a dit qu’il prenait acte et qu’il souhaitait que cela marche. Nous avons trouvé cette réponse positive. Elle était polie et courtoise. Mais, les deux courriers de demande d’audience sont restés sans suite. Nous avons procédé donc à l’entame de nos activités. Nous avions voulu faire un séminaire d’anticipation sur l’organisation à mettre en place au cas où l’Etat déciderait par exemple de rétrocéder le hadj à la communauté. Le cheikh y a envoyé son représentant. Et c’est le jour de l’ouverture de ce séminaire que le cheikh, à travers son représentant, a demandé à nous rencontrer. C’était le 27 mars. Nous sommes allés à trois. Le secrétaire général, moi-même et le doyen Méïté. Le cheikh lui-même nous a reçus. Il nous a parlé de la cohésion de la communauté, du rassemblement en son sein et tous les combats qu’elle a menés. Il nous a surtout demandé de le soutenir pour un projet d’organisation du hadj qu’il aurait déposé à la présidence et pour lequel un décret devrait être éminemment signé.

Quelle a été votre réponse ?
Nous lui avons dit que nous prenions acte et que nous irions rendre compte aux autres membres de la fédération. A la réunion d’information, ceux-ci étaient surpris devant notre compte-rendu puisqu’il nous demandait de soutenir un projet que nous ne connaissions pas.

En 2009, n’avez-vous pas été invités à participer au séminaire de la Riviera-Palmeraie au cours duquel le projet d’organisation a été élaboré ?
Dosso Mamadou (1er vice-président) : Lorsque vous invitez des personnes à un séminaire, dans un contexte particulier, il faut tenir compte de vos rapports avec ces personnes. Quels étaient les rapports du Cosim avec les associations qui étaient invitées ? Le Cosim, en la personne de plusieurs imams, traitaient les associations membres de la Fipem de voleurs, de truands. De personnes qui ont volé les pèlerins et qui les ont empêchés d’aller accomplir le hadj.

Avez-vous les preuves de ce que vous dites ?
Je l’ai évoqué en présence du cheikh le 2 juin 2007. Je lui ai dit : notre problème avec vous, c’est que quand vous êtes venus, vous avez insulté. Sa réponse a été ceci : nous demandons au Cni (Ndlr : Conseil national islamique) de venir répondre de la gestion du hadj et cela ne se fait pas. Et moi de réagir en disant: non cheikh, quand nous demandons au Cni de venir vous rendre compte, nos gestionnaires du hadj disent que parmi les imams du Cosim, il y a des démarcheurs d’autres organisations et qu’il n’est pas très sérieux de venir rendre compte à ses concurrents, pour ainsi dire, dans l’organisation du hadj. Voilà le contexte qui prévalait. A savoir que le Cosim, partenaire de l’Etat, est contre les autres organisations regroupées en fédération et qui, elles, étaient traitées de voleuses.

Est-ce pour cette raison que vous avez refusé de participer au séminaire ?
Tout doux. Ce n’est pour cela que nous ne sommes pas venus. Nous sommes invités à un séminaire où il était déjà question de l’organisation du hadj par la communauté. Nous n’avons pas compris qu’à ce séminaire on invite les membres de la Fipem accusés, deux ans plus tôt, d’avoir volé l’argent des pèlerins.

Interview réalisée par Cissé Sindou, Bamba K. Inza et Sanou Amadou
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