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Politique Publié le vendredi 21 mai 2010 | Notre Voie

Après leur acceptation du report de la marche du 15 mai / Sokouri Bohui : “Pour la paix, Bédié et Ouattara doivent respecter leur engagement sur la vérification de la liste électorale”

© Notre Voie Par Cecom RDR
Sortie de crise: ADO a reçu le président Gbagbo
Lundi 17 mai 2010. Abidjan, Cocody. Résidence du Dr Alassane Dramane Ouattara. Le président du RDR reçoit le président Laurent Gbagbo
Dans sa causerie de ce jour, le député Martin Sokouri Bohui revient sur la rencontre du chef de l’Etat avec ses principaux opposants, Bédié et Ouattara.


Notre Voie : Dans vos causeries de la semaine dernière, vous aviez félicité les leaders de l’opposition, notamment Bédié et Ouattara pour avoir reporté la marche qui était prévue pour se tenir le 15 mai. Une semaine après, comment peut-on interpréter l’acte de ces deux leaders ?

Martin Sokouri Bohui : Je ne sais pas pourquoi vous revenez sur cette question. Je vous l’ai déjà dit. Moi, mon combat, c’est que les acteurs politiques doivent privilégier l’intérêt de la Nation au détriment de l’intérêt égoïste et personnel. Bédié et Ouattara sont allés dans ce sens. Je les en félicite donc encore d’autant que le président Bédié lui-même a précisé l’objectif de cette marche qui était, selon lui, une marche insurrectionnelle qui devrait aboutir à des pertes en vies humaines. Selon lui, les jeunes voulaient coûte que coûte en découdre avec le régime en place. C’est pour cette raison qu’il n’a pas voulu donner sa caution à cette marche.


Alassane Ouattara, recevant, quant à lui, les jeunes du Rdr avant-hier, a indiqué que la date de la marche était mal choisie. C’est la preuve que ces deux leaders ont compris, pour une fois, qu’on peut être de partis différents et se mettre d’accord sur l’essentiel. C`est-à-dire ce qui peut sauver la Nation. Je l’avais dit la dernière fois, je le répète, c’est un acte de haute portée politique que je salue une fois de plus et tous les acteurs politiques devraient également le saluer. Parce que moi, je rêve d’une Côte d’Ivoire où tous les fils du pays, quel que soit leur appartenance politique, se donnent la main quand il s’agit de sauver la Nation. Vu qu’il faut que le pays existe pour que nous puissions faire la politique. Si c’est cela que Bédié et Ouattara ont enfin compris pour reporter la marche du 15 mai dernier afin de permettre que les assemblées annuelles de la Bad se tiennent dans un climat de sérénité, je leur tire mon chapeau. Le retour de la Bad était pour la Côte d’Ivoire un évènement important. Le repli de cette institution financière sur Tunis depuis le déclenchement de la guerre en 2002 a causé d’énormes préjudices à notre pays. Mais, cela dit, avaient-ils réellement le choix ? Je ne le crois pas. Car, s’ils avaient maintenu cette marche malgré la démarche du chef de l’Etat -démarche empreinte de courtoisie et d’humilité-, et que cette marche avait empêché ou ne serait-ce que même gêné un tant soit peu la tenue des assemblées annuelles de la Bad, ils auraient signé leur arrêt de mort politique. Car, tous les Ivoiriens les auraient définitivement catalogués comme étant les vrais ennemis de la République. En reportant donc la marche du 15 mai, Bédié et Ouattara ont sauvé leur carrière politique pour quelque temps encore, si tant est qu’ils sont sincères. Si ce n’est pas le cas, je voudrais leur dire qu’ils ont là l’occasion de se ressaisir. M’adressant d’abord à Bédié, je voudrais dire que lorsqu’on a été président de la République et qu’on est aujourd’hui opposant à 76 ans, on devrait être sage. En d’autres termes, Bédié aurait pu être aujourd’hui un recours pour les hommes politiques. Il ne doit donc pas suivre de façon aveugle la politique guerrière de Ouattara. Le faisant, il conduit le Pdci tout droit dans le mur. C’est ce que le président Gbagbo a voulu dire en indiquant à Jeune Afrique que Bédié s’est tiré une balle dans le pied en s’alliant à Ouattara. En ce qui concerne Ouattara lui-même, je voudrais lui faire que reconnaître son erreur n’est jamais synonyme de faiblesse. J’ai lu, dans certains journaux, qu’il aurait dit au président de la République qu’il n’est pas l’auteur du coup d’Etat de 2002 qui s’est muée en rébellion. Ce n’est pas en disant cela qu’il va se disculper vis-à-vis des Ivoiriens. Car tout le monde sait que c’est lui l’auteur de ce coup d’Etat manqué. Et certains chefs de guerre l’ont clairement dit et continuent même de le dire. Ce sont d’ailleurs ces chefs de guerre attachés à Ouattara qui refusent aujourd’hui le désarmement. En niant l’évidence, non seulement Ouattara risque de se mettre à dos tous ceux qui ont risqué leur vie pour lui. Mais aussi, il se ridiculise aux yeux des Ivoiriens qui le rejettent déjà parce qu’ils savent que c’est lui qui a envoyé la guerre dans ce pays. L’essentiel pour lui n’est donc pas de nier les faits qui sont établis, mais de les reconnaitre, les assumer et présenter des excuses au peuple, si toutefois il veut que les Ivoiriens le prennent un jour au sérieux.


N.V. : Ce qui a marqué tous les observateurs de la vie politique ivoirienne, c’est la démarche du président de la République qui est allé vers ses opposants. Comment le camp présidentiel a accueilli ce nouveau dialogue interivoirien ?

M.S.B. : Tout le monde a parlé d’un acte d’humilité et de grandeur d’esprit de la part du président Laurent Gbagbo. Et c’est exact. En allant au domicile de ses opposants, le président Gbagbo a contraint Bédié et Ouattara au dialogue et à la retenue. Si nous étions sur un terrain de football, on aurait dit que le président de la République, tel un attaquant qui a seul le secret de son art et sur qui repose l’espoir d’un pays, vient de marquer un but d’anthologie qui libère tout un peuple. Le chef de l’Etat a posé-là le geste qui sauve. Il vient une fois de plus de démontrer tout son génie politique. Qu’on l’aime ou pas, tout le monde reconnaît qu’il est un grand homme politique. Comme le dirait le citoyen lambda, Gbagbo est vraiment fort. Malgré l’entêtement de certains opposants qui font inutilement du bruit, ce geste d’humilité du président Gbagbo a été salué par tous les acteurs politiques nationaux et la communauté internationale, notamment toutes les chancelleries et toutes les institutions internationales qui suivent avec intérêt le processus de paix ivoirien.


N.V. : Est-ce qu’on peut donc dire qu’on entre dans une autre ère faite de décrispation ?

M.S.B. : Evidemment, parce qu’au-delà du report de cette marche qui est une véritable bouée de sauvetage, le président Gbagbo a obtenu des deux principaux leaders du Rhdp la vérification de la liste électorale. Si ces derniers sont vraiment sincères, les fraudeurs seront extraits de la liste électorale de sorte que tout le monde aura confiance en la liste définitive qui sortira du contentieux électoral. La voie sera dès lors ouverte pour aller à des élections justes et transparentes qui auront lieu au moins deux mois après le désarmement.

Je souhaite seulement que le président Bédié et le Premier ministre Ouattara respectent leur engagement pris avec le chef de l’Etat après l’acceptation du report de la marche. Car, là aussi, il s’agit de se mettre ensemble pour sauver notre pays. Seules des élections transparentes peuvent nous éviter une autre guerre.

Maintenant que tous les acteurs politiques sont tombés d’accord pour la vérification de la liste électorale, il revient à la Commission électorale indépendante (Cei) de réfléchir rapidement sur le mode opératoire qui permettra de vérifier la situation de chaque pétitionnaire inscrit sur la liste provisoire. Cette opération permettra de mettre tous les acteurs politiques en confiance après la vaste opération de fraude découverte sous Mambé. Car, pour nous, Majorité présidentielle, s’il nous est démontré que tous ceux qui sont inscrits sur la liste provisoire sont Ivoiriens, nous n’avons aucun problème. Dans tous les pays au monde, seuls les nationaux ont le droit de voter.


N.V. : Dans toute cette atmosphère d’apaisement depuis la visite du président aux deux leaders, où on en est-on avec le désarmement ?

M.S.B. : Nos frères qui ont pris les armes sont dans de bonnes dispositions pour les déposer. Très bientôt, l’encasernement va être lancé au cours d’une grande cérémonie qui aura lieu à Korhogo en présence du président de la République. Les préparatifs de cette cérémonie vont bon train. Les choses traînent toutefois un peu parce que, d’une part, il y a un problème de moyens, et, d’autre part, certains chefs de guerre proches d’Alassane Ouattara font de la résistance. Le président Laurent Gbagbo et le Premier ministre Alassane Ouattara s’étant rencontrés, j’espère qu’ils ont dû aborder aussi la question du désarmement. En tout état de cause, je pense que le Premier ministre Ouattara se doit, dans cet élan de décrispation, de donner des instructions aux chefs de guerre qui ne jurent que par lui, pour qu’ils déposent les armes. C’est en faisant pression sur ses chefs de guerre pour que ceux-ci déposent les armes qu’il sera utile à la Nation et non en niant, devant le président de la République, qu’il n’est pas l’auteur de la tentative du coup d’Etat du 19 septembre 2002 qui s’est transformée en rébellion.

Entretien réalisé par Boga Sivori
bogasivo@yahoo.fr
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