“Après les indépendances: où en est l’Afrique ?”, tel est le thème autour duquel la chaîne de télévision publique française France 3 a organisé un débat en direct, le mercredi 2 juin 2010. La première chaîne de la télévision ivoirienne a diffusé, hier dimanche, ce débat pour ses téléspectateurs. Les mensonges d’Etat français ont hanté cette émission à travers, par exemple, le rôle véritable de l’armée française dans la crise en Côte d’Ivoire. Au nombre des invités africains et européens de ces échanges francs sur France 3 figuraient la star ivoirienne du reggae, Alpha Blondy ; le célèbre écrivain camerounais Emmanuel Boundzéki Dongala, auteur du roman à succès “Jazz et vin de palme”; et l’ex-ministre français, Jacques Toubon, nommé en juin 2009 par le chef de l’Etat français Nicolas Sarkozy, secrétaire général pour la France du cinquantenaire des indépendances africaines. Au-delà de l’atmosphère parfois électrique, parfois brouillon dans laquelle s’est déroulé le débat, les interventions des uns et des autres ont permis de comprendre que la Françafrique, cette nébuleuse politico-économique créée par le général De Gaulle et Jacques Foccart pour le triomphe des intérêts de la France sur le continent africain, est vomie par les nouvelles générations de leaders d’opinion africains. Le chassé-croisé entre Alpha Blondy et Jacques Toubon à propos de la crise en Côte d’Ivoire fut une parfaite illustration. “Mais… mais, chez vous, l’armée française a séparé les belligérants. Elle a empêché des tueries”, lance Jacques Toubon à Alpha Blondy qui rétorque instantanément : “Non, non…, Monsieur Toubon ! L’armée française a plutôt aggravé la situation en commettant des tueries”. Jacques Toubon ignore-t-il le rôle exécrable que l’armée française a joué dans la situation en Côte d’Ivoire depuis septembre 2002 ou a-t-il adopté exprès, en bon françafricain, une posture dubitative ? Pour avoir été ministre sous Jacques Chirac, l’ex-chef d’Etat français ne saurait être ignorant, à notre avis, sur toute la ligne. Son attitude pleine de gêne après la diffusion du clip de la chanson “Armée française” d’Alpha Blondy, lors de l’émission, apparaissait révélatrice de son état d’âme. D’autant que ce clip présentait les horreurs commises par l’armée française à Abidjan en novembre 2004. Les soldats de l’opération Licorne avaient tiré à balles réelles sur des manifestants ivoiriens aux mains nues devant l’Hôtel Ivoire. Faisant des dizaines de morts et de nombreux blessés. “Armée française, allez-vous en ! Allez-vous en de chez nous ! Nous ne voulons plus d’indépendance sous haute surveillance”, chantait Alpha Blondy dans ce clip. Qu’est-ce qui s’est réellement passé en Côte d’Ivoire en novembre 2004 ? Qui a donné l’ordre de bombarder la base militaire française de Bouaké ? Les soldats français célébrés aux Invalides à Paris sont-ils morts lors de ce bombardement ? Autant de questions qui demeurent jusqu’à ce jour sans réponse. L’opinion publique française ignore toute la vérité sur les événements de novembre 2004 en Côte d’Ivoire. Le pouvoir français continue de lui servir une version des faits qui est visiblement loin de la réalité. Des mensonges d’Etat qu’a brandis mercredi, Jacques Toubon sur le plateau de France 3. Des mensonges qu’évidemment, l’Ivoirien Alpha Blondy n’a pas voulu accompagner. Des mensonges d’Etat qu’à Paris, les parents des soldats français morts ne veulent plus “ingurgiter”. Sans doute édifiés par des indices troublants, ils ont relancé l’affaire du bombardement de Bouaké via la justice française. La vérité sera-t-elle enfin connue ? Question à mille sous. En attendant, la juge d’instruction du Tribunal aux armées de Paris, Florence Michon, a entendu, le 7 mai 2010, en tant que témoin, Michèle Alliot-Marie, ministre française de la Défense au moment des faits. Les mensonges d’Etat français enveloppent la situation de crise en Côte d’Ivoire. Un son de cloche identique vis-à-vis des relations entre la France et l’Afrique. Rien n’a changé et ne changera d’ailleurs jamais. L’ordre ancien, la Françafrique, demeure. Il a tout simplement changé de parure pour donner l’apparence d’une mutation. Mais de Georges Pompidou à Nicolas Sarkozy, les messes françafricaines sont pareilles. Même objectif, même folklore. Du 31 mai au 1er juin dernier, le 25ème sommet Afrique-France tenu à Nice (France) a changé à la gloire de “l’empire français” sous des dehors de “partenariat” franco-africain mal inspiré.
Didier Depry didierdepri@yahoo.fr
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