Une chose est sûre, il ne laisse pas indifférent. S’il suscite chez certains de l’empathie, chez d’autres, c’est tout le contraire. Mais pour son originalité, Sam l’Africain, c’est une vie qui mérite d’être peinte. Tableau.
17 juin dernier, aéroport du Gatl. Un homme descend difficilement de son véhicule de type 4X4 vêtu d’une culotte et d’une chemise manches longues cousues dans un tissu local. Une paire de chaussures royales akan, une coiffe cousue dans une étoffe de l’ouest et une canne en main. Avec peine, il essaie d’ajuster le pagne qui lui sert de couverture. « Attends que je mette bien mon pagne de peur que les gens ne s’aperçoivent que je suis un ‘’adaptable’’ (copie, ndlr) », lance-t-il à un ami venu vers lui. Des rires fusent des environs. Et, de renchérir : « La canne m’a été offerte par un vieil homme lors d’une tournée dans le nord ». La démarche lourde (110 kilos, ce n’est vraiment pas facile à déplacer), il se dirige vers le tarmac de l’aéroport. Après avoir séjourné pendant une dizaine de jours au Maroc, le président de la République, Laurent Gbagbo, rentre au pays. Et, comme plusieurs autres personnes, l’homme vient l’accueillir. A l’arrivée du président, dans la haie dressée le long du tapis rouge, il ne passe pas inaperçu, malgré son 1, 62 m. Sa couleur blanche est remarquable dans ce lot de peaux couleur d’ébène. Laurent Gbagbo lui serre la main. Echange longuement avec lui. Ils semblent vraiment se connaître. Qui est donc cet homme blanc qui est un ami du chef de l’Etat ?
Africain par ses trois femmes
Plus connu sous le pseudonyme de Sam l’Africain, il se nomme, à l’état civil, Jichi Sam Mohamed. « Le surnom l’Africain m’a été donné par des amis à Séguéla. Ils ont voulu saluer l’intensité de mon intégration dans la communauté. Je partais avec eux dans leurs champs, je participais à toutes leurs activités culturelles », explique-t-il. Quand survint la crise armée, Sam l’Africain a décidé de soutenir les actions du président Laurent Gbagbo. La Nouvelle alliance de la Côte d’Ivoire pour la patrie (Nacip) venait de naître. « Je suis né au Libéria. C’est en Afrique. Je suis un fils du continent africain. Il est de mon devoir de défendre les intérêts de ma famille et de mon origine. C’est la moindre des choses que je puisse faire », justifie-t-il son engagement auprès du pouvoir. Pour être Africain, le moins qu’on puisse dire, c’est que Sam l’est. Son origine libanaise, de par son père, n’enlève rien à cela. Et, il le revendique. Parce qu’il est née sur cette terre. Un 24 octobre 1963 au Libéria, à Mono Riva, d’une mère libano-guinéenne.
Son lien avec le continent est si fort, qu’il s’est matérialisé dans sa vie conjugale. Pas à une mais à trois reprises. Depuis 1971 qu’il est arrivé en Côte d’Ivoire, à Séguéla plus précisément, Mohamed a eu le temps de devenir polygame à trois femmes ivoiriennes : une koyaka (celle-ci vit avec lui depuis 26 ans), une gouro et une autre baoulé. Et, comme inspirées par la même source, chacune de ses femmes a su trouver dans l’argument culinaire, un moyen de séduction. Finalement, l’africanité de Sam transparaît dans ses mets préférés. Au point où, c’est un véritable agenda qui a été arrêté pour satisfaire à ses envies gastronomiques. Normal, il ne faut surtout pas faire de jalouse. Dimanche, foutou de bananes à la sauce graine. Lundi, des feuilles de patates. Au menu les mardis, des feuilles de manioc. Si vous êtes un amateur de la sauce à base de feuilles de ‘’kplala’’, faites coïncider votre visite avec le mercredi. Continuez-vous de penser que le titre ‘’Africain’’ est une imposture ? Et si l’on vous disait que Sam est aussi un enfant du Dho ? (rite initiatique en pays koyaka) : « Je détiens, comme tous mes frères initiés, les secrets mystiques hérités de notre formation ».
Auréolé de ce lien fort avec l’Afrique en général, et la Côte d’Ivoire en particulier, le président de la Nacip milite pour vendre les idées de Laurent Gbagbo. Dans la zone aussi bien sous le contrôle des Forces nouvelles que celle du sud, il multiplie les meetings pour appeler à soutenir le candidat de la mouvance présidentielle. Sans craindre les dangers. Comme à Vavoua où le 14 décembre 2009, après les avoir critiqués, il a été pris à parti par des éléments de l’ex-rébellion. Mais le véritable coup dur, depuis son engagement, à l’en croire, reste l’incendie de sa quincaillerie à Koumassi. « J’avais l’une des plus grandes quincailleries de Koumassi. Je cherche à reprendre mes activités », confie-t-il. A vrai dire, ça urge. Dans la mesure où, selon lui, il finance ses activités politiques sur fonds propre. Sans le soutien de son candidat. Oui, oui, il le dit la main sur le cœur. « Le président Gbagbo est encore vivant, allez lui demander s’il m’a jamais donné un rond », coupe-t-il court. Mais, pour ce qui est donc de la source actuelle de financement de ses activités, Sam est évasif : « J’ai dit que je fais des affaires. Nous n’allons pas rentrer dans les détails». Plus que la perte de ses biens, ce qui l’a le plus peiné suite à l’incendie de son magasin, ce sont les commentaires tout autour. «Tous mes amis qui m’appelaient pendant que mon magasin brûlait me disaient de ne pas m’en faire parce que le président Gbagbo allait me donner les moyens de tout reprendre », se désole-t-il. Pendant cette période, Sam a énormément souffert selon son entourage. Au point où, à en croire Abri Alfred Rémi, fondateur avec lui de la Nacip, il a failli se suicider. Malgré ces difficultés, Sam l’Africain dit ne rien regretter de son engagement. Sa plus grande satisfaction, la mobilisation des populations dans les localités qu’il visite. Il n’est pas rare qu’on le baptise d’un nom du terroir. Comme dans le village du ministre Dano Djédjé, où il a reçu le nom du fondateur de la localité. «Ce sont des noms en langue. J’avoue que c’est trop difficile à retenir. Je les oublie », confesse-t-il. Il soutient qu’au-delà du matériel, sa plus grande richesse réside en ceci : Etre un homme qui compte dans SON pays.
Un père de famille comblé
Selon ses proches, M. Jichi est un homme facile à vivre. La colère ne fait pas partie de son tempérament. A Port Bouët, où il réside, il a même été le président du quartier : « Son bilan a été satisfaisant avec la construction d’un terrain de maracana ». Ne soyez pas quelqu’un qui « raisonne mal », ayez comme qualités l’humilité et la générosité, et c’est sûr que votre cohabitation avec lui sera excellente. A 47 ans révolus, Sam a six enfants (trois filles et trois garçons) dont l’aîné est âgé de vingt-neuf ans et la cadette de onze ans. Il a trois petits enfants. A la maison, tout va bien jusqu’à ce qu’il y ait un mauvais résultat scolaire. Là… « Je n’aime pas les mauvais résultats scolaires des enfants », reconnaît-il. Pas parce qu’il a lui-même fait de longues études. Mais par souci de leur donner les armes pour un avenir radieux. Car, l’Africain de Gbagbo n’a pas été à l’école. Sans remords, il assure que cela n’a pas influencé négativement ses chances de succès. « J’ai été technicien industriel pour des machines hydrauliques. Je travaille avec l’ordinateur. Je sais écrire. Allez-y comprendre quelque chose pour quelqu’un qui n’a pas été à l’école. Je pense que la plus grande école est celle de la vie. Celle dans laquelle on ne finit jamais d’apprendre », essaie-t-il de convaincre.
Si Jichi Sam Mohamed s’entend bien avec les Africains, c’est loin d’être le cas pour ce qui est de ses relations avec les Libanais. Les affaires n’aiment pas le bruit. Pourtant, les sorties politiques de Sam font un tel vacarme qu’elles dérangent ses cousins. Cela ne semble toutefois pas le préoccuper le moindre du monde. « Aussi bien avant que pendant mon combat, je ne les ai jamais fréquentés. Je n’ai même pas d’ami parmi eux. Ceux avec qui j’ai un quelconque contact sont des partenaires d’affaires. Rien de plus », confie le Libanais, ami de Blé Goudé, Kima Emile et Ouattara Largaton.
Jichi Sam Mohamed dit l’Africain est très optimiste pour son pays, la Côte d’Ivoire et pour son continent, l’Afri?que. Il pense que la terre, berceau de l’humanité, ne sortira des difficultés que lorsque ses fils auront changé de mentalité. Qu’ils se seront mis au-dessus des guerres et autres comportements qui freinent son développement. « Les pays africains ne fabriquent pas d’armes de guerre. Pourtant, ce sont eux qui les utilisent pour s’entretuer. Je demande à mes frères de se respecter, de respecter leur dignité et de ne pas mettre l’argent au-dessus de leur honneur ». Tel est son cri de cœur.
Bamba K. Inza
17 juin dernier, aéroport du Gatl. Un homme descend difficilement de son véhicule de type 4X4 vêtu d’une culotte et d’une chemise manches longues cousues dans un tissu local. Une paire de chaussures royales akan, une coiffe cousue dans une étoffe de l’ouest et une canne en main. Avec peine, il essaie d’ajuster le pagne qui lui sert de couverture. « Attends que je mette bien mon pagne de peur que les gens ne s’aperçoivent que je suis un ‘’adaptable’’ (copie, ndlr) », lance-t-il à un ami venu vers lui. Des rires fusent des environs. Et, de renchérir : « La canne m’a été offerte par un vieil homme lors d’une tournée dans le nord ». La démarche lourde (110 kilos, ce n’est vraiment pas facile à déplacer), il se dirige vers le tarmac de l’aéroport. Après avoir séjourné pendant une dizaine de jours au Maroc, le président de la République, Laurent Gbagbo, rentre au pays. Et, comme plusieurs autres personnes, l’homme vient l’accueillir. A l’arrivée du président, dans la haie dressée le long du tapis rouge, il ne passe pas inaperçu, malgré son 1, 62 m. Sa couleur blanche est remarquable dans ce lot de peaux couleur d’ébène. Laurent Gbagbo lui serre la main. Echange longuement avec lui. Ils semblent vraiment se connaître. Qui est donc cet homme blanc qui est un ami du chef de l’Etat ?
Africain par ses trois femmes
Plus connu sous le pseudonyme de Sam l’Africain, il se nomme, à l’état civil, Jichi Sam Mohamed. « Le surnom l’Africain m’a été donné par des amis à Séguéla. Ils ont voulu saluer l’intensité de mon intégration dans la communauté. Je partais avec eux dans leurs champs, je participais à toutes leurs activités culturelles », explique-t-il. Quand survint la crise armée, Sam l’Africain a décidé de soutenir les actions du président Laurent Gbagbo. La Nouvelle alliance de la Côte d’Ivoire pour la patrie (Nacip) venait de naître. « Je suis né au Libéria. C’est en Afrique. Je suis un fils du continent africain. Il est de mon devoir de défendre les intérêts de ma famille et de mon origine. C’est la moindre des choses que je puisse faire », justifie-t-il son engagement auprès du pouvoir. Pour être Africain, le moins qu’on puisse dire, c’est que Sam l’est. Son origine libanaise, de par son père, n’enlève rien à cela. Et, il le revendique. Parce qu’il est née sur cette terre. Un 24 octobre 1963 au Libéria, à Mono Riva, d’une mère libano-guinéenne.
Son lien avec le continent est si fort, qu’il s’est matérialisé dans sa vie conjugale. Pas à une mais à trois reprises. Depuis 1971 qu’il est arrivé en Côte d’Ivoire, à Séguéla plus précisément, Mohamed a eu le temps de devenir polygame à trois femmes ivoiriennes : une koyaka (celle-ci vit avec lui depuis 26 ans), une gouro et une autre baoulé. Et, comme inspirées par la même source, chacune de ses femmes a su trouver dans l’argument culinaire, un moyen de séduction. Finalement, l’africanité de Sam transparaît dans ses mets préférés. Au point où, c’est un véritable agenda qui a été arrêté pour satisfaire à ses envies gastronomiques. Normal, il ne faut surtout pas faire de jalouse. Dimanche, foutou de bananes à la sauce graine. Lundi, des feuilles de patates. Au menu les mardis, des feuilles de manioc. Si vous êtes un amateur de la sauce à base de feuilles de ‘’kplala’’, faites coïncider votre visite avec le mercredi. Continuez-vous de penser que le titre ‘’Africain’’ est une imposture ? Et si l’on vous disait que Sam est aussi un enfant du Dho ? (rite initiatique en pays koyaka) : « Je détiens, comme tous mes frères initiés, les secrets mystiques hérités de notre formation ».
Auréolé de ce lien fort avec l’Afrique en général, et la Côte d’Ivoire en particulier, le président de la Nacip milite pour vendre les idées de Laurent Gbagbo. Dans la zone aussi bien sous le contrôle des Forces nouvelles que celle du sud, il multiplie les meetings pour appeler à soutenir le candidat de la mouvance présidentielle. Sans craindre les dangers. Comme à Vavoua où le 14 décembre 2009, après les avoir critiqués, il a été pris à parti par des éléments de l’ex-rébellion. Mais le véritable coup dur, depuis son engagement, à l’en croire, reste l’incendie de sa quincaillerie à Koumassi. « J’avais l’une des plus grandes quincailleries de Koumassi. Je cherche à reprendre mes activités », confie-t-il. A vrai dire, ça urge. Dans la mesure où, selon lui, il finance ses activités politiques sur fonds propre. Sans le soutien de son candidat. Oui, oui, il le dit la main sur le cœur. « Le président Gbagbo est encore vivant, allez lui demander s’il m’a jamais donné un rond », coupe-t-il court. Mais, pour ce qui est donc de la source actuelle de financement de ses activités, Sam est évasif : « J’ai dit que je fais des affaires. Nous n’allons pas rentrer dans les détails». Plus que la perte de ses biens, ce qui l’a le plus peiné suite à l’incendie de son magasin, ce sont les commentaires tout autour. «Tous mes amis qui m’appelaient pendant que mon magasin brûlait me disaient de ne pas m’en faire parce que le président Gbagbo allait me donner les moyens de tout reprendre », se désole-t-il. Pendant cette période, Sam a énormément souffert selon son entourage. Au point où, à en croire Abri Alfred Rémi, fondateur avec lui de la Nacip, il a failli se suicider. Malgré ces difficultés, Sam l’Africain dit ne rien regretter de son engagement. Sa plus grande satisfaction, la mobilisation des populations dans les localités qu’il visite. Il n’est pas rare qu’on le baptise d’un nom du terroir. Comme dans le village du ministre Dano Djédjé, où il a reçu le nom du fondateur de la localité. «Ce sont des noms en langue. J’avoue que c’est trop difficile à retenir. Je les oublie », confesse-t-il. Il soutient qu’au-delà du matériel, sa plus grande richesse réside en ceci : Etre un homme qui compte dans SON pays.
Un père de famille comblé
Selon ses proches, M. Jichi est un homme facile à vivre. La colère ne fait pas partie de son tempérament. A Port Bouët, où il réside, il a même été le président du quartier : « Son bilan a été satisfaisant avec la construction d’un terrain de maracana ». Ne soyez pas quelqu’un qui « raisonne mal », ayez comme qualités l’humilité et la générosité, et c’est sûr que votre cohabitation avec lui sera excellente. A 47 ans révolus, Sam a six enfants (trois filles et trois garçons) dont l’aîné est âgé de vingt-neuf ans et la cadette de onze ans. Il a trois petits enfants. A la maison, tout va bien jusqu’à ce qu’il y ait un mauvais résultat scolaire. Là… « Je n’aime pas les mauvais résultats scolaires des enfants », reconnaît-il. Pas parce qu’il a lui-même fait de longues études. Mais par souci de leur donner les armes pour un avenir radieux. Car, l’Africain de Gbagbo n’a pas été à l’école. Sans remords, il assure que cela n’a pas influencé négativement ses chances de succès. « J’ai été technicien industriel pour des machines hydrauliques. Je travaille avec l’ordinateur. Je sais écrire. Allez-y comprendre quelque chose pour quelqu’un qui n’a pas été à l’école. Je pense que la plus grande école est celle de la vie. Celle dans laquelle on ne finit jamais d’apprendre », essaie-t-il de convaincre.
Si Jichi Sam Mohamed s’entend bien avec les Africains, c’est loin d’être le cas pour ce qui est de ses relations avec les Libanais. Les affaires n’aiment pas le bruit. Pourtant, les sorties politiques de Sam font un tel vacarme qu’elles dérangent ses cousins. Cela ne semble toutefois pas le préoccuper le moindre du monde. « Aussi bien avant que pendant mon combat, je ne les ai jamais fréquentés. Je n’ai même pas d’ami parmi eux. Ceux avec qui j’ai un quelconque contact sont des partenaires d’affaires. Rien de plus », confie le Libanais, ami de Blé Goudé, Kima Emile et Ouattara Largaton.
Jichi Sam Mohamed dit l’Africain est très optimiste pour son pays, la Côte d’Ivoire et pour son continent, l’Afri?que. Il pense que la terre, berceau de l’humanité, ne sortira des difficultés que lorsque ses fils auront changé de mentalité. Qu’ils se seront mis au-dessus des guerres et autres comportements qui freinent son développement. « Les pays africains ne fabriquent pas d’armes de guerre. Pourtant, ce sont eux qui les utilisent pour s’entretuer. Je demande à mes frères de se respecter, de respecter leur dignité et de ne pas mettre l’argent au-dessus de leur honneur ». Tel est son cri de cœur.
Bamba K. Inza