Le processus de sortie de la crise par l’élection présidentielle vient d’entamer un tournant décisif pour la Majorité présidentielle. C’est dans la vérification et le contentieux ouverts sur la liste provisoire que se trouve le salut de tous ceux qui ont bataillé dur pour le maintien et la dignité de la République. S’ils ratent cette double étape, leur échec électoral et politique est assuré. Par leur manque de vigilance. Le procureur de la République près le Tribunal de Première instance d’Abidjan a sonné la fin, le lundi 19 juillet dernier, de la mauvaise récréation dans le combat de La Majorité présidentielle (LMP) pour faire réélire Laurent Gbagbo au premier tour de la présidentielle à venir. Au bout d’un mois exact (19 juin-19 juillet) d’une enquête administrative commanditée par le chef de l’Etat, M. Raymond Tchimou a conclu, chiffres, témoignages et pièces à l’appui, à l’absence de tout délit politique, tribaliste ou financier commis par le ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro. Aussitôt, dans une déclaration pondue le même jour sous la plume de son Secrétaire général et porte-parole, Sylvain Miaka Ouretto, le Front populaire ivoirien (FPI) reprend les termes de son premier communiqué du 10 juin relatif à cette affaire. Le parti au pouvoir “appelle les militantes, militants et sympathisants à se mobiliser dans la sérénité et à poursuivre avec détermination l’exécution du mot d’ordre pour des listes électorales propres et pour des élections libres, justes et transparentes en vue de la victoire éclatante du président Laurent Gbagbo au premier tour de la prochaine élection présidentielle”. Le ministre lui-même, victime de tous les quolibets et railleries pendant un mois, ne dit pas autre chose à ses sympathisants partis spontanément le soutenir à son cabinet : “Considérez qu’il ne s’est rien passé. Vous devez toujours considérer qu’il ne s’est rien passé. L’essentiel, c’est d’aller aux élections et réélire le candidat Laurent Gbagbo. Pour cela, il faut qu’on aille travailler” (Notre Voie n°3636, page 3). Message perçu 5 sur 5. Le mercredi dernier, Dr. Issa Malick Coulibaly, directeur national de campagne (DNC) du candidat Laurent Gbagbo a invité les Directeurs départementaux de campagne de son candidat pour “les mobiliser et les mettre en ordre de bataille”. C’est tant mieux ! Car, pendant plus d’un mois, du 2 juin au 19 juillet, les partisans du président Gbagbo se sont donné en un pitoyable et immature spectacle politique dans cette affaire du négociateur présidentiel de l’Accord politique de Ouagadougou (APO). En tout cas, pendant ce long trou noir mensuel, la promotion des actes et du programme de gouvernement de Laurent Gbagbo a été presque totalement mise en berne. Chaque sortie des membres de l’entourage présidentiel était auto polluée par de petites phrases indécentes prononcées en faveur de l’accusé ou contre ses détracteurs. A présent que l’enquête judiciaire a clos le débat, les partisans de la Majorité présidentielle doivent, en principe, se réveiller. Car, sous le tintamarre de leur conflit interne sans fondement, la bataille de l’opposition pour truquer la liste électorale face au camp présidentiel “mobilisé pour une liste électorale propre” n’a pas cessé. L’opposition a même gagné du terrain. De 5,7 millions d’électeurs à vérifier, l’on est passé à 1,792 million, puis à 846.000 électeurs suspects. Alors, au moment où s’ouvre l’opération de vérification que va prolonger celle du contentieux sur la liste électorale provisoire, la galaxie patriotique a plutôt intérêt à reprendre sa légendaire vigilance. Les tractations et mécanismes qui ont abouti à la programmation de ces deux étapes cruciales vers l’établissement de la liste électorale définitive permettent de comprendre cet appel à la vigilance lancée par le FPI. 846.000 électeurs à “auditer” Au sein de La Majorité présidentielle, la chanson est bien assimilée. Malgré toutes les assurances données par le Premier ministre, Guillaume Soro Kigbafori, et les services de la Commission électorale indépendante (CEI) sous ses ordres pour piloter le processus électoral, l’établissement de la liste électorale n’a pas été un système inviolable. Au contraire, il est établi et admis par tous, au sein des états-majors des partis politiques qui ont encore des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, que de nombreux fraudeurs se sont insérés sur le listing électoral ivoirien en confection. Aujourd’hui, tout le monde est en possession de preuves irréfutables qu’un grand nombre de ressortissants non ivoiriens de la CEDEAO se retrouvent sur la liste électorale provisoire ivoirienne réservée pourtant aux seuls nationaux ivoiriens. Ces fraudeurs étaient détectés sur la liste dite blanche de 5,3 millions d’électeurs établie dans un premier temps par la CEI et supposée propre. C’est pour avoir réclamé “l’audit” de cette liste “blanche” jaunie par la fraude que le camp présidentiel avait vu le RHDP (opposition coalisée autour de la rébellion) déterrer la hache de guerre et provoquer des dégâts matériels et humains en février 2010. Cette liste, désormais appelée liste provisoire, est portée à un peu plus de 5,7 millions d’électeurs, avec le rajout d’un peu plus de 400.000 électeurs repêchés sur la liste dite grise de 1,3 million de pétitionnaires douteux. Or, entre-temps, une visite faite de patriotisme et d’humilité politique du président Laurent Gbagbo, chef de l’Etat, au domicile de ses opposants visiblement mal informés sur cette affaire de fraude a fait son effet. Désormais, les deux partis poids lourds du RHDP se sont alignés sur l’idée “d’auditer la liste électorale”. Bien sûr, pour faire chic pour l’opposition réfractaire, on ne parle plus d’audit. On parle de vérification de la liste électorale. C’est plus digestible pour les fraudeurs et leurs soutiens politiques. Mais cette “vérification” ne va pas sans problème. Premier problème : Comment “vérifier” 5,7 millions d’électeurs pour en extirper les fraudeurs ? L’inquiétude du RHDP est satisfaite par le camp présidentiel : “La fraude est entrée dans la liste électorale par l’extrait de naissance ou le jugement supplétif, seule pièce exigée au pétitionnaire pour être enrôlé. C’est par le contrôle de l’authenticité de cette pièce qu’on en fera sortir le fraudeur”. Deuxième problème : Qui a bien pu se faire enrôler par un faux extrait de naissance ? Là aussi, la solution est trouvée en procédant par discussion et par élimination. Les données sont les suivantes : dans le chiffre de 5,7 millions d’électeurs de la désormais liste provisoire, 2,5 millions sont des électeurs de l’an 2000. D’abord, selon les termes de l’APO, ces 2,5 millions d’électeurs sont automatiquement considérés comme étant des Ivoiriens. Ils ne feront pas l’objet de vérification. Ensuite, certains pétitionnaires ont été retrouvés sur les fichiers fiables réservés aux seuls Ivoiriens (fichiers fusion ivoiriens). D’autres ont été retrouvés sur les fichiers fiables numérisés de certains états civils ivoiriens. 7 jours de vérification, 14 jours de contentieux Enfin, les derniers pétitionnaires ont été repêchés en recherchant, toujours par l’informatique, leurs deux parents sur les fichiers fiables. Au bout du compte, ce sont 4,854 millions d’électeurs sur lesquels, selon les informaticiens de la Primature et de la CEI, ne pèse aucune suspicion de fraude. Reste donc un gap de 846.000 électeurs insérés sur la liste blanche et dont l’authenticité de l’extrait de naissance ou du jugement supplétif fourni pose problème. Parmi eux, les fraudeurs recherchés sont surtout ceux qui ont profité de l’affichage de la liste électorale de 2000 sur internet pour y «pêcher un père ou une mère» afin de se fabriquer de faux extraits dans des officines de tricherie plus ou moins politiquement organisées. La vérification de la liste provisoire débutée depuis deux jours à Abidjan et qui va se redéployer progressivement à l’intérieur du pays ne durera que sept (7) jours. Elle est menée par l’Office national d’identification (ONI) et la Commission nationale de supervision de l’identification (CNSI). Elle consistera à vérifier de façon manuelle l’authenticité des 846.000 extraits de naissance ou jugements supplétifs qui posent problème pour les valider ou les rejeter. Cette opération de vérification est couplée au contentieux sur la même liste. Mais l’opération du contentieux électoral va débuter demain samedi 24 juillet pour ne durer que quatorze (14) jours. Dans ce laps de temps, celui qui détient des preuves que des individus qui n’ont pas droit à la liste électorale y sont indument inscrits doit saisir les CEI locales et porter plainte devant le tribunal le plus proche. Bien entendu, le contentieux électoral pourrait réserver des surprises auxquelles l’on est habitué. Le RHDP, notamment sa branche la plus radicale et extravertie, ne manquera pas de crier à la xénophobie face aux plaintes qui seront portées contre les individus retrouvés, des fois photos et données numériques à l’appui, sur les fichiers ivoiriens et CEDEAO. C’est en connaissance de cause que mercredi dernier, le DNC du candidat de la Majorité présidentielle a sonné l’alerte. Car, il ne fait l’effet d’aucun doute que la liste électorale reste le plus gros enjeu de tout le processus électoral. L’opposition politique guerrière ne le sait que trop, elle qui a contraint l’Etat à brûler près de 250 milliards de FCFA, juste pour faire établir cette liste électorale par une société française ! Du coup, si la souveraineté de la confection de cette liste a presque échappé aux Ivoiriens, sa vérification et le contentieux qui vont y être appliqués sont à percevoir comme la victoire de la perspicacité des argumentations du camp présidentiel. Finalement, les deux dernières opérations sonnent, pour la Majorité présidentielle, comme deux dangereux virages, à savoir négocier sans extrémisme et sans faiblesse, mais avec vigilance et détermination pour des élections vraiment justes, transparentes et apaisées en Côte d’Ivoire. Fini donc les polémiques sur des sujets de bas étages dans les cercles intellectuels. La victoire électorale pour permettre à Laurent Gbagbo d’éprouver sereinement son programme de gouvernement au bénéfice de ses concitoyens est à ce prix. César Etou cesaretou2002@yahoo.fr
Politique Publié le vendredi 23 juillet 2010 | Notre Voie
Vérification et contentieux de la liste électorale - Le camp présidentiel face à deux virages dangereux
© Notre Voie Par PriscaMédiation : le Président sénégalais, Me Abdoulaye Wade rencontre les acteurs de la crise ivoirienne
Vendredi 23 avril 2010. Abidjan, Suite présidentielle du Pullman Hotel. Le Président sénégalais, Me Abdoulaye Wade rencontre le Président Laurent Gbagbo, le premier ministre Guillaume Soro, le président de la CEI et les leaders des partis politiques. Photo: de g. à dr. Dr Malick Coulibaly et Youssouf Bakayoko