A quelques heures de la célébration du 50ème anniversaire de la Côte d`Ivoire, le général Ouassénan Koné, alors sous-lieutenant le 7 août 1960, qui a monté le drapeau ivoirien au moment de la proclamation de l`indépendance s`est ouvert au Nouveau réveil pour donner son avis sur la célébration des 50 ans de cet anniversaire non sans rappeler quelques événements marquants ce jour historique de la Côte d`Ivoire indépendante. 50 ans après, l`ex-sous-lieutenant, qui a descendu le drapeau français, exprime sa déception et sa honte pour la Côte d`Ivoire à l`heure de la refondation.
Mon général, il nous revient que c`est le sous-lieutenant Gaston Ouassenan Koné qui a descendu le drapeau français et monté le drapeau ivoirien le 07 août 1960 à zéro heure au moment de la proclamation de l`indépendance. Pouvez-vous nous confirmer ou infirmer cette information ?
C`est exact. Je confirme cette information. En 1960, j`étais le plus jeune officier ivoirien en grade et en âge dans l`armée française. Au moment des préparatifs des festivités de l`indépendance, le capitaine Moussa Sannon commandait la garde républicaine. Il fut chargé par le Premier ministre Félix Houphouët-Boigny de l`organisation du défilé. Je reçus de lui, la redoutable et émouvante mission de conduire dans la nuit du 06 août 1960 la retraite aux flambeaux à travers la ville d`Abidjan qui se composait à l`époque de trois quartiers : Adjamé, Plateau, et Treichville. Je devais prendre toutes les dispositions pour être à 23 heures sur l`esplanade de l`Assemblée Nationale où m`attendaient six autres missions : 1-Rendre exceptionnellement de nuit les honneurs militaires au Premier ministre Félix Houphouët-Boigny. 2-Descendre le drapeau français à zéro heure au moment où le Premier ministre Félix Houphouët-Boigny prononcerait la formule de la proclamation de l`indépendance : "Au nom du droit des peuples à disposer d`eux-mêmes, je proclame solennellement, en ce jour béni du 07 Août 1960, l`indépendance de la Côte d`Ivoire". 3-Monter ensuite le drapeau ivoirien à la place du drapeau français. 4-Faire entendre pour la première fois par le peuple ivoirien et le monde entier l`hymne national de la Côte d`Ivoire joué par la musique de la Garde Républicaine. 5-Rendre les honneurs militaires au moment du départ du Premier ministre. 6-Organiser en collaboration avec la police et la gendarmerie des patrouilles à travers les quartiers afin d`éviter tout débordement.
Inutile de vous dire que ces moments ont été pour moi des moments d`intense émotion parce que j`avais conscience en m`exécutant que parallèlement au Premier ministre Houphouët-Boigny qui posait à cet instant un acte politique historique national, moi le petit sous-lieutenant de mon côté, je posais des actes militaires très importants dont certains ne seront plus jamais répétés par un autre militaire. Le lendemain, c`est le grand défilé sur le pont Félix Houphouët-Boigny inauguré trois ans plus tôt. Là aussi, étant donné la disposition de la tribune par rapport au pont, c`est moi qui véritablement ouvre le défilé à la tête de l`Ecole de la Gendarmerie Nationale, toute de blanc vêtue, l`ensemble du défilé étant placé sous le commandement du Capitaine Moussa Sannon.
Vous avez dit que vous étiez le plus jeune officier ivoirien dans l`armée française .Combien étiez-vous au total?
Si ma mémoire ne me trahit pas, nous étions...attendez que je commence à citer ceux qui étaient présents pour les fêtes : les capitaines Moussa Sannon et Fofana Médiombo, les lieutenants Oulaï Zahou Gaston, Pehou Martin, Sam Koffi, Sy Ismaïla, Zézé Barouan, Barou, Sangaré et les sous-lieutenants, Balou, Zagadou, Kotoklo et moi-même. J`ai pu en oublier peut-être. Malheureusement, tous ces officiers de grande valeur ne sont plus de ce monde. Paix à leur âme. Etaient encore élèves-officiers, mais présents pour les fêtes, les aspirants Koné Issouf et Emile Blehouan. Dieu merci, ils sont vivants et ont terminé leur carrière militaire avec le grade de général. Le général Koné Issouf est aujourd`hui le Grand Chancelier de l`Ordre National après avoir été ambassadeur au Canada et ministre de la Sécurité.
Quant au général Blehouan, il a terminé sa carrière comme ambassadeur. C`est après l`indépendance que les Capitaines Ouattara Thomas D`Aquin et Coulibaly Ibrahima ainsi que le Lieutenant Tiémoko Fanny ont rejoint la Côte d`Ivoire.
Quels sentiments éprouvez-vous 50 ans après ?
Je suis plutôt amer. J`éprouve un sentiment de déception, de honte pour mon pays, de dégoût même. Jeune, j`ai eu le grand honneur, sous l`autorité de nos aînés, de descendre le drapeau français et de monter le drapeau de la Côte d`Ivoire avec la fierté, vous l`imaginez bien, et l`espoir que seules les couleurs orange-blanc -vert flotteraient sur notre pays. Malheureusement, des Ivoiriens ont choisi de plonger le pays dans une crise sans précédent, entraînant ainsi l`intervention d`armées étrangères avec plusieurs drapeaux qui flottent dans le ciel ivoirien. Même si ces forces étrangères sont sous commandement onusien, il n`en demeure pas moins qu`elles ont leur autonomie et le drapeau de leur pays flotte sur le territoire ivoirien. Alors pratiquement et moralement, après le drapeau français jusqu`en 1960, nous avons combien de drapeaux aujourd`hui qui flottent sur la Côte d`Ivoire ? Peut-on organiser de grandes festivités à travers un pays divisé en deux ? C`est dommage pour la Côte d`Ivoire qui, dans le concert des Nations, était promise à un bel avenir grâce au président Félix Houphouët-Boigny.
Interview réalisée par Akwaba Saint Clair
Mon général, il nous revient que c`est le sous-lieutenant Gaston Ouassenan Koné qui a descendu le drapeau français et monté le drapeau ivoirien le 07 août 1960 à zéro heure au moment de la proclamation de l`indépendance. Pouvez-vous nous confirmer ou infirmer cette information ?
C`est exact. Je confirme cette information. En 1960, j`étais le plus jeune officier ivoirien en grade et en âge dans l`armée française. Au moment des préparatifs des festivités de l`indépendance, le capitaine Moussa Sannon commandait la garde républicaine. Il fut chargé par le Premier ministre Félix Houphouët-Boigny de l`organisation du défilé. Je reçus de lui, la redoutable et émouvante mission de conduire dans la nuit du 06 août 1960 la retraite aux flambeaux à travers la ville d`Abidjan qui se composait à l`époque de trois quartiers : Adjamé, Plateau, et Treichville. Je devais prendre toutes les dispositions pour être à 23 heures sur l`esplanade de l`Assemblée Nationale où m`attendaient six autres missions : 1-Rendre exceptionnellement de nuit les honneurs militaires au Premier ministre Félix Houphouët-Boigny. 2-Descendre le drapeau français à zéro heure au moment où le Premier ministre Félix Houphouët-Boigny prononcerait la formule de la proclamation de l`indépendance : "Au nom du droit des peuples à disposer d`eux-mêmes, je proclame solennellement, en ce jour béni du 07 Août 1960, l`indépendance de la Côte d`Ivoire". 3-Monter ensuite le drapeau ivoirien à la place du drapeau français. 4-Faire entendre pour la première fois par le peuple ivoirien et le monde entier l`hymne national de la Côte d`Ivoire joué par la musique de la Garde Républicaine. 5-Rendre les honneurs militaires au moment du départ du Premier ministre. 6-Organiser en collaboration avec la police et la gendarmerie des patrouilles à travers les quartiers afin d`éviter tout débordement.
Inutile de vous dire que ces moments ont été pour moi des moments d`intense émotion parce que j`avais conscience en m`exécutant que parallèlement au Premier ministre Houphouët-Boigny qui posait à cet instant un acte politique historique national, moi le petit sous-lieutenant de mon côté, je posais des actes militaires très importants dont certains ne seront plus jamais répétés par un autre militaire. Le lendemain, c`est le grand défilé sur le pont Félix Houphouët-Boigny inauguré trois ans plus tôt. Là aussi, étant donné la disposition de la tribune par rapport au pont, c`est moi qui véritablement ouvre le défilé à la tête de l`Ecole de la Gendarmerie Nationale, toute de blanc vêtue, l`ensemble du défilé étant placé sous le commandement du Capitaine Moussa Sannon.
Vous avez dit que vous étiez le plus jeune officier ivoirien dans l`armée française .Combien étiez-vous au total?
Si ma mémoire ne me trahit pas, nous étions...attendez que je commence à citer ceux qui étaient présents pour les fêtes : les capitaines Moussa Sannon et Fofana Médiombo, les lieutenants Oulaï Zahou Gaston, Pehou Martin, Sam Koffi, Sy Ismaïla, Zézé Barouan, Barou, Sangaré et les sous-lieutenants, Balou, Zagadou, Kotoklo et moi-même. J`ai pu en oublier peut-être. Malheureusement, tous ces officiers de grande valeur ne sont plus de ce monde. Paix à leur âme. Etaient encore élèves-officiers, mais présents pour les fêtes, les aspirants Koné Issouf et Emile Blehouan. Dieu merci, ils sont vivants et ont terminé leur carrière militaire avec le grade de général. Le général Koné Issouf est aujourd`hui le Grand Chancelier de l`Ordre National après avoir été ambassadeur au Canada et ministre de la Sécurité.
Quant au général Blehouan, il a terminé sa carrière comme ambassadeur. C`est après l`indépendance que les Capitaines Ouattara Thomas D`Aquin et Coulibaly Ibrahima ainsi que le Lieutenant Tiémoko Fanny ont rejoint la Côte d`Ivoire.
Quels sentiments éprouvez-vous 50 ans après ?
Je suis plutôt amer. J`éprouve un sentiment de déception, de honte pour mon pays, de dégoût même. Jeune, j`ai eu le grand honneur, sous l`autorité de nos aînés, de descendre le drapeau français et de monter le drapeau de la Côte d`Ivoire avec la fierté, vous l`imaginez bien, et l`espoir que seules les couleurs orange-blanc -vert flotteraient sur notre pays. Malheureusement, des Ivoiriens ont choisi de plonger le pays dans une crise sans précédent, entraînant ainsi l`intervention d`armées étrangères avec plusieurs drapeaux qui flottent dans le ciel ivoirien. Même si ces forces étrangères sont sous commandement onusien, il n`en demeure pas moins qu`elles ont leur autonomie et le drapeau de leur pays flotte sur le territoire ivoirien. Alors pratiquement et moralement, après le drapeau français jusqu`en 1960, nous avons combien de drapeaux aujourd`hui qui flottent sur la Côte d`Ivoire ? Peut-on organiser de grandes festivités à travers un pays divisé en deux ? C`est dommage pour la Côte d`Ivoire qui, dans le concert des Nations, était promise à un bel avenir grâce au président Félix Houphouët-Boigny.
Interview réalisée par Akwaba Saint Clair