Elle doit être bien malheureuse, la Côte d’Ivoire. Et bien triste aussi de constater que pendant que le cinquantenaire des autres pays se fête avec faste, tambours battant, le sien ne soit réduit qu’à un colloque et à une célébration en demi-teinte. Juste un défilé en attendant, comme l’ont dit Gbagbo et Pierre Kipré, que le prochain président démocratiquement élu, ne s’installe pour la grande parade comme cela se voit partout dans les autres pays. En réalité, c’est que les Ivoiriens semblent ne pas s’intéresser à la fête nationale de leur pays. Pas parce que la Côte d’Ivoire ne mérite pas les honneurs de tous ses fils et de toutes ses filles, mais tout simplement parce que celui qui dirige le pays en a fait une affaire personnelle. Une affaire d’un camp et même d’un clan. Celui de son parti et de son régime. Tenez ! Le président de la commission d’organisation du cinquantenaire, n’est autre que Pierre Kipré. Ambassadeur de la Côte d’Ivoire en France, il a été de longues années durant, ministre de l’Eduction nationale sous Bédié. Fidèle parmi les fidèles de celui-ci lorsqu’il était encore au pouvoir, Piere Kipré fait partie des idéologues du PDCI qui ont été à la base de beaucoup de dérapages. C’est en effet lui qui, le premier, a ‘’inventé’’ la fameuse notion ‘’d’Ivoiriens de souches multiséculaires’’. Comme la transhumance politique est devenue un effet de mode et que le reniement a pris le dessus sur tout, le professeur d’histoire a regagné pieds et mains liés, les rangs de la Refondation. Une telle personnalité peut-elle faire l’unanimité, regrouper autour de sa personne, toutes les synergies pour la réussite d’un important événement comme le cinquantenaire du pays? Un coup d’œil sur le programme du colloque qui se tient actuellement à Yamoussoukro et du pré colloque qui s’est tenu à Gagnoa, San Pedro et même à Abidjan, fait découvrir que les animateurs ont été triés sur le volet. L’aspect en rapport avec la jeunesse a été confié à un ancien responsable de la jeunesse du FPI, en l’occurrence Damana Adia Médard, plus connu sous le pseudonyme de Pickass. En tout état de cause, le cinquantenaire, par la faute de Gbagbo, n’est pas très loin de ressembler à la fête de la liberté du FPI. Conduits du début à la fin par des cadres de la Refondation, les travaux du cinquantenaire sont ‘’confisqués’’, c’est le cas de le dire, par les mouvements satellites du pouvoir. Ce sont tous ces aspects qui font que la plupart des Ivoiriens préfèrent observer la fête de loin. Pourtant, dans certains pays, l’organisation de la fête nationale est une affaire de tous. Sans distinction d’appartenance politique, religieuse, ethnique. Ils ont choisi leur cinquantenaire pour se réconcilier avec eux-mêmes. C’est le cas par exemple au Sénégal où le président Abdoulaye Wade a réussi le pari de l’union et de la cohésion de la classe politique autour de sa personne, alors que lui-même est combattu par ses opposants sur le terrain. Au Bénin, le président Yayi Boni a porté son choix sur un journaliste, bien connu des Ivoiriens. Il a fait les beaux jours de l’hebdomadaire ‘’Ivoire Dimanche’’. Il s’agit de Jérôme Carlos. Sans ‘’couleur politique’’, le journaliste a réussi à faire du cinquantenaire de son pays, un succès populaire. Gbagbo lui-même, qui est rentré du Bénin la semaine passée, où il a pris part aux festivités de la fête nationale de ce pays s’en est bien aperçu.
Yves-M. ABIET
Yves-M. ABIET