Au moment où 17 pays africains fêtent leurs 50 ans d`indépendance, une question se pose immanquablement à eux: qu`ont-ils fait de leurs souverainetés acquises ou conquises? Au moins, la question n`est plus taboue.
Cinquante ans d`indépendance ou cinquante ans de dépendance? Le colloque de Yamoussoukro qui réunit des "universitaires de haut vol", selon l`expression de l`ambassadeur Pierre Kipré, tente d`y répondre. Il y a de quoi. Tant les progrès sont maigres. Des acquis démocratiques des années 90, il ne reste plus grand chose. A commencer par les Constitutions et les parlements. 20 ans après ce qu’on a appelé le printemps de la liberté, la démocratie amorce un dangereux retour à la case départ. Les Africains regardent s’écrouler sous leurs pieds, les bastilles démocratiques pourtant plantées de haute lutte par les pionniers du multipartisme de la décennie 90. Des lois fondamentales, il n’en existe plus que de nom. Elles sont balayées par les ambitions des nouveaux potentats issus pour beaucoup de coups d`Etat. Aujourd`hui, elles servent davantage à prolonger leurs mandats. Les verrous constitutionnels limitant les mandats présidentiels ont été sautés en Tunisie, au Gabon, au Sénégal, au Cameroun, en Algérie…. A 72 ans, Abdelaziz Boutéflika l’Algérien, est assuré de finir ses vieux jours au pouvoir grâce à un troisième mandat. Son homologue sénégalais Abdoulaye Wade, s’est taillé à 75 ans, un septennat à la place du quinquennat, comme pour s’aménager lui aussi un pouvoir à vie. Situation similaire au Cameroun avec un Paul Biya qui a 75 ans et en Tunisie, avec un Zine El Abidine Ben Ali qui a dépassé les 72 ans. La revanche des pères de la Nations fait même des émules. Des Etats sont sur la liste d’attente de ces changements constitutionnels à contre-courant de la démocratie populaire. Entres autres, le Niger, le Burkina Faso, la RDC…s`inviteront-ils à la fête? Pourquoi pas ? Y a-t-il encore des parlements sur le continent qui méritent leur nom?. De la manipulation des scrutins, en passant par l’achat de conscience des députés ou des découpages fantaisistes de circonscriptions électorales, tout y passe pour qu’un président arrivé au pouvoir se fabrique des majorités parlementaires à sa mesure. Résultats : les Assemblées nationales ont cessé d’être des contre poids des pouvoirs exécutifs. Depuis 2000, elles se sont (re)transformées en caisse de résonance. Du coup, sur le fumier des partis uniques des années 1960, émergent une autre forme de dictature non moins inique : les pouvoir personnels. Parfois pires que ceux des fameux pères de la nation. De faiseurs de lois, les hémicycles sont donc devenus de faiseurs de rois. Que reste-t-il des luttes politiques en Afrique, quand on sait que les tribunaux, qui devraient constituer le troisième pouvoir (en plus de l’exécutif et du parlement), sont toujours en quête d`autonomie ? Des vestiges ou presque ! Plus tentée par l`argent, la relève politique ne semble, hélas, pas prête à s`engager sur la voie de la rupture. Aussi les regards se tournent-ils vers la société civile. Seulement voilà : des organisations civiles, on en trouve en Afrique, mais de véritables cercles d’opinion capables de tenir tête à un gouvernement, on en cherche. Et ce n’est pas demain qu’on en trouvera.
Norbert Konan
Cinquante ans d`indépendance ou cinquante ans de dépendance? Le colloque de Yamoussoukro qui réunit des "universitaires de haut vol", selon l`expression de l`ambassadeur Pierre Kipré, tente d`y répondre. Il y a de quoi. Tant les progrès sont maigres. Des acquis démocratiques des années 90, il ne reste plus grand chose. A commencer par les Constitutions et les parlements. 20 ans après ce qu’on a appelé le printemps de la liberté, la démocratie amorce un dangereux retour à la case départ. Les Africains regardent s’écrouler sous leurs pieds, les bastilles démocratiques pourtant plantées de haute lutte par les pionniers du multipartisme de la décennie 90. Des lois fondamentales, il n’en existe plus que de nom. Elles sont balayées par les ambitions des nouveaux potentats issus pour beaucoup de coups d`Etat. Aujourd`hui, elles servent davantage à prolonger leurs mandats. Les verrous constitutionnels limitant les mandats présidentiels ont été sautés en Tunisie, au Gabon, au Sénégal, au Cameroun, en Algérie…. A 72 ans, Abdelaziz Boutéflika l’Algérien, est assuré de finir ses vieux jours au pouvoir grâce à un troisième mandat. Son homologue sénégalais Abdoulaye Wade, s’est taillé à 75 ans, un septennat à la place du quinquennat, comme pour s’aménager lui aussi un pouvoir à vie. Situation similaire au Cameroun avec un Paul Biya qui a 75 ans et en Tunisie, avec un Zine El Abidine Ben Ali qui a dépassé les 72 ans. La revanche des pères de la Nations fait même des émules. Des Etats sont sur la liste d’attente de ces changements constitutionnels à contre-courant de la démocratie populaire. Entres autres, le Niger, le Burkina Faso, la RDC…s`inviteront-ils à la fête? Pourquoi pas ? Y a-t-il encore des parlements sur le continent qui méritent leur nom?. De la manipulation des scrutins, en passant par l’achat de conscience des députés ou des découpages fantaisistes de circonscriptions électorales, tout y passe pour qu’un président arrivé au pouvoir se fabrique des majorités parlementaires à sa mesure. Résultats : les Assemblées nationales ont cessé d’être des contre poids des pouvoirs exécutifs. Depuis 2000, elles se sont (re)transformées en caisse de résonance. Du coup, sur le fumier des partis uniques des années 1960, émergent une autre forme de dictature non moins inique : les pouvoir personnels. Parfois pires que ceux des fameux pères de la nation. De faiseurs de lois, les hémicycles sont donc devenus de faiseurs de rois. Que reste-t-il des luttes politiques en Afrique, quand on sait que les tribunaux, qui devraient constituer le troisième pouvoir (en plus de l’exécutif et du parlement), sont toujours en quête d`autonomie ? Des vestiges ou presque ! Plus tentée par l`argent, la relève politique ne semble, hélas, pas prête à s`engager sur la voie de la rupture. Aussi les regards se tournent-ils vers la société civile. Seulement voilà : des organisations civiles, on en trouve en Afrique, mais de véritables cercles d’opinion capables de tenir tête à un gouvernement, on en cherche. Et ce n’est pas demain qu’on en trouvera.
Norbert Konan