lejdd.fr - Le magistrat chargé du dossier, Patrick Ramaël, saurait où chercher le corps du journaliste français enlevé en 2004 en Côte d'Ivoire.
Six ans après la disparition du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer, dont on est sans nouvelles depuis son enlèvement par des militaires ivoiriens le 16 avril 2004 à Abidjan, la justice française dispose enfin d’une piste très sérieuse. Le juge d’instruction Patrick Ramaël, qui vient de passer dix jours en Côte d’Ivoire avec deux gendarmes de la section des recherches de Paris, a, selon des sources concordantes, réussi à localiser un endroit où le corps de Guy-André Kieffer aurait pu être enterré peu après son rapt. Il s’agirait d’un cimetière des environs d’Abidjan.
A la fois consultant et journaliste, Guy-André Kieffer s’était installé en Côte d’Ivoire où il enquêtait sur les filières café et cacao, et diffusait des informations gênantes pour l’entourage du président Laurent Gbagbo. Selon l’enquête du juge Ramaël, Kieffer aurait été enlevé et séquestré d’abord dans les sous-sols de la présidence ivoirienne, puis dans un camp militaire où l’on perd sa trace. Le scénario le plus plausible est celui d’une séance d’intimidation ayant mal tourné. Selon un témoin, un militaire a tiré en l’air pour effrayer Kieffer, ce qu’un autre militaire aurait pris pour un signal, tuant aussitôt le journaliste.
"Je me suis cru dans le couloir de la mort"
Sur place, du 4 au 13 octobre, le juge Ramaël et ses deux gendarmes ont effectué des vérifications, mais ils n’ont pas reçu l’aide attendue de la part de la justice ivoirienne. "Cette volonté du pouvoir ivoirien d’entraver la recherche de la vérité montre qu’il a manifestement quelque chose à se reprocher", tonne Alexis Gublin, l’avocat de la famille Kieffer. "Cela montre que la disparition de M. Kieffer a été ordonnée, ou au moins cautionnée par le sommet du pouvoir ivoirien."
Au cours de son séjour en Côte d’Ivoire, le juge Ramaël a également enquêté sur l’enlèvement d’un avocat français, Xavier Ghelber, commis la même année, et qui présente des similitudes troublantes avec la disparition de Guy-André Kieffer. Alors en mission d’audit sur la filière cacao pour l’Union européenne, Xavier Ghelber a été enlevé par des hommes en armes, le 7 novembre 2004, au matin, à l’hôtel Ivoire d’Abidjan. Après des tirs de kalachnikov dans sa porte, il a été conduit à la résidence du président Laurent Gbagbo, où on l’a menacé d’exécution. "Je me suis cru dans le couloir de la mort pendant trois longues heures", confie-t-il. Il a finalement été relâché.
Obstruction de la justice ivoirienne
Le récit de l’avocat est considéré comme très précis par les enquêteurs, et il est surtout confirmé par au moins un témoin. Me Ghelber a d’abord pensé que ses travaux sur la filière cacao ont gêné le régime, comme dans l’affaire Kieffer. Son enlèvement ayant eu lieu au lendemain du bombardement des troupes françaises à Bouaké, une autre hypothèse veut que le régime ivoirien, se sentant menacé, ait voulu se procurer des "boucliers humains" français.
En se rendant sur place, le juge Ramaël voulait organiser une confrontation entre Xavier Ghelber et quatre gardes de la présidence de la République ivoirienne soupçonnés d’avoir participé à son enlèvement, mais il n’a pu obtenir la coopération de ses homologues ivoiriens. Venu représenter l’ordre des avocats parisiens, l’ex-bâtonnier Jean-René Farthouat a accompagné son confrère Ghelber à Abidjan, où ils ont retrouvé le juge Ramaël et les gendarmes. Il proteste contre l’obstruction dont fait preuve la magistrature ivoirienne. "Le juge Koffi, qui devait organiser la confrontation, était soi-disant retenu depuis huit jours à Paris par une indigestion, et son collègue Cissé nous a dit en souriant qu’il ne pouvait rien faire", gronde Me Farthouat, qui a alerté le bâtonnier d’Abidjan.
Un juge "rigide"
Le séjour de Patrick Ramaël, arrivé le lendemain de la visite de Claude Guéant, l’émissaire du président Sarkozy, a provoqué quelques remous en Côte d’Ivoire, où l’élection présidentielle, à laquelle Laurent Gbagbo se représente, doit se dérouler le 31 octobre. "Je me pose des questions sur la présence du juge en pleine période électorale, c’est un coup d’éclat médiatique", a ainsi déclaré Rodrigue Djadjé, l’avocat de Simone Gbagbo, la première dame, interrogée dans le cadre de cette enquête en 2009.
Les méthodes de Patrick Ramaël sont également critiquées par l’avocat Patrick Maisonneuve, qui défend Jean-Tony Oulaï, le seul militaire ivoirien mis en examen jusqu’ici dans le dossier Kieffer. "Le juge Ramaël est quelqu’un de rigide. Or l’obstination est dangereuse en matière judiciaire, parce qu’il y a un risque d’erreur", lance Me Maisonneuve. Même avis de Pierre Cornut-Gentille, l’avocat français de Simone Gbagbo, pour qui le juge est "bourré de préjugés" et "instruit uniquement à charge". Un de ses collègues l’assure, le juge Ramaël ne laissera pas tomber ses dossiers, qu’il instruit depuis 2004: "Ils ne l’auront ni à l’usure, ni à l’avancement!" Les avocats des affaires Kieffer et Ghelber s’attendent maintenant à ce que le magistrat lance plusieurs mandats d’arrêt internationaux.
Six ans après la disparition du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer, dont on est sans nouvelles depuis son enlèvement par des militaires ivoiriens le 16 avril 2004 à Abidjan, la justice française dispose enfin d’une piste très sérieuse. Le juge d’instruction Patrick Ramaël, qui vient de passer dix jours en Côte d’Ivoire avec deux gendarmes de la section des recherches de Paris, a, selon des sources concordantes, réussi à localiser un endroit où le corps de Guy-André Kieffer aurait pu être enterré peu après son rapt. Il s’agirait d’un cimetière des environs d’Abidjan.
A la fois consultant et journaliste, Guy-André Kieffer s’était installé en Côte d’Ivoire où il enquêtait sur les filières café et cacao, et diffusait des informations gênantes pour l’entourage du président Laurent Gbagbo. Selon l’enquête du juge Ramaël, Kieffer aurait été enlevé et séquestré d’abord dans les sous-sols de la présidence ivoirienne, puis dans un camp militaire où l’on perd sa trace. Le scénario le plus plausible est celui d’une séance d’intimidation ayant mal tourné. Selon un témoin, un militaire a tiré en l’air pour effrayer Kieffer, ce qu’un autre militaire aurait pris pour un signal, tuant aussitôt le journaliste.
"Je me suis cru dans le couloir de la mort"
Sur place, du 4 au 13 octobre, le juge Ramaël et ses deux gendarmes ont effectué des vérifications, mais ils n’ont pas reçu l’aide attendue de la part de la justice ivoirienne. "Cette volonté du pouvoir ivoirien d’entraver la recherche de la vérité montre qu’il a manifestement quelque chose à se reprocher", tonne Alexis Gublin, l’avocat de la famille Kieffer. "Cela montre que la disparition de M. Kieffer a été ordonnée, ou au moins cautionnée par le sommet du pouvoir ivoirien."
Au cours de son séjour en Côte d’Ivoire, le juge Ramaël a également enquêté sur l’enlèvement d’un avocat français, Xavier Ghelber, commis la même année, et qui présente des similitudes troublantes avec la disparition de Guy-André Kieffer. Alors en mission d’audit sur la filière cacao pour l’Union européenne, Xavier Ghelber a été enlevé par des hommes en armes, le 7 novembre 2004, au matin, à l’hôtel Ivoire d’Abidjan. Après des tirs de kalachnikov dans sa porte, il a été conduit à la résidence du président Laurent Gbagbo, où on l’a menacé d’exécution. "Je me suis cru dans le couloir de la mort pendant trois longues heures", confie-t-il. Il a finalement été relâché.
Obstruction de la justice ivoirienne
Le récit de l’avocat est considéré comme très précis par les enquêteurs, et il est surtout confirmé par au moins un témoin. Me Ghelber a d’abord pensé que ses travaux sur la filière cacao ont gêné le régime, comme dans l’affaire Kieffer. Son enlèvement ayant eu lieu au lendemain du bombardement des troupes françaises à Bouaké, une autre hypothèse veut que le régime ivoirien, se sentant menacé, ait voulu se procurer des "boucliers humains" français.
En se rendant sur place, le juge Ramaël voulait organiser une confrontation entre Xavier Ghelber et quatre gardes de la présidence de la République ivoirienne soupçonnés d’avoir participé à son enlèvement, mais il n’a pu obtenir la coopération de ses homologues ivoiriens. Venu représenter l’ordre des avocats parisiens, l’ex-bâtonnier Jean-René Farthouat a accompagné son confrère Ghelber à Abidjan, où ils ont retrouvé le juge Ramaël et les gendarmes. Il proteste contre l’obstruction dont fait preuve la magistrature ivoirienne. "Le juge Koffi, qui devait organiser la confrontation, était soi-disant retenu depuis huit jours à Paris par une indigestion, et son collègue Cissé nous a dit en souriant qu’il ne pouvait rien faire", gronde Me Farthouat, qui a alerté le bâtonnier d’Abidjan.
Un juge "rigide"
Le séjour de Patrick Ramaël, arrivé le lendemain de la visite de Claude Guéant, l’émissaire du président Sarkozy, a provoqué quelques remous en Côte d’Ivoire, où l’élection présidentielle, à laquelle Laurent Gbagbo se représente, doit se dérouler le 31 octobre. "Je me pose des questions sur la présence du juge en pleine période électorale, c’est un coup d’éclat médiatique", a ainsi déclaré Rodrigue Djadjé, l’avocat de Simone Gbagbo, la première dame, interrogée dans le cadre de cette enquête en 2009.
Les méthodes de Patrick Ramaël sont également critiquées par l’avocat Patrick Maisonneuve, qui défend Jean-Tony Oulaï, le seul militaire ivoirien mis en examen jusqu’ici dans le dossier Kieffer. "Le juge Ramaël est quelqu’un de rigide. Or l’obstination est dangereuse en matière judiciaire, parce qu’il y a un risque d’erreur", lance Me Maisonneuve. Même avis de Pierre Cornut-Gentille, l’avocat français de Simone Gbagbo, pour qui le juge est "bourré de préjugés" et "instruit uniquement à charge". Un de ses collègues l’assure, le juge Ramaël ne laissera pas tomber ses dossiers, qu’il instruit depuis 2004: "Ils ne l’auront ni à l’usure, ni à l’avancement!" Les avocats des affaires Kieffer et Ghelber s’attendent maintenant à ce que le magistrat lance plusieurs mandats d’arrêt internationaux.