Aux dernières élections municipales, j’étais absent du pays pour de longues semaines à cause d’un séjour prolongé au Canada, précisément dans l’Ontario. Quand on parle du Canada, beaucoup ne pensent qu’au fameux Québec. C’est dans l’Ontario que se trouvent la capitale fédérale Ottawa et la grande ville Toronto dont j’ai du mal à oublier le gigantesque aéroport. Le jour des élections en Côte d’Ivoire, marchant dans la neige, j’avais les larmes aux yeux. Parce que très éloigné du pays et ne pouvant suivre le déroulement de la soirée électorale. Internet n’était pas aussi performant sur nos sites locaux. Le progrès est spectaculaire depuis. En fait, j’étais ému pour deux amis. Ce sont mes amis intimes dans la politique. Je les admire beaucoup car ils ont la force de combattre l’adversité féroce. Moi, je suis d’une toute autre nature. Je suis celui qui tend la joue gauche quand on frappe sur la droite. Je suis un pur produit du catéchisme de l’enfance dont j’ai gardé la foi. Il m’est incapable « d’attaquer » l’autre qui ne m’a rien fait.
Quelqu’un que je ne connais même pas. Avant mon départ, mes deux amis m’ont rassuré. Ils étaient candidat dans leur ville natale pour battre le sortant. Donnons un prénom à mes deux amis. Pierre et Paul. Pierre est un véritable ami depuis très longtemps. Il a eu de grandes responsabilités politiques et administratives dans le pays. On a été souvent dans sa ville. Il m’a fait parcourir sa municipalité sur tous les plans. Il m’a fait rencontrer de nombreuses personnes. Il m’a démontré qu’il était le leader le plus adulé de la région. Avant mon départ il a pris la calculette.
Les élections, il ne pouvait que les gagner d’une manière qui friserait l’humiliation pour son adversaire. En montant dans l’avion pour Paris et durant tout mon séjour au Canada j’étais dans la tristesse de ne pas pouvoir vivre la soirée électorale en sa compagnie. Je voulais faire partie des premiers qui le prendront dans leurs bras pour le féliciter.
Il m’a si rassuré sur son score écrasant à venir que je n’avais aucun doute sur sa victoire. N’était-il pas le leader incontesté de la région contre un maire qui a fait son temps ? Quant à Paul. Il s’attaquait à un fromager de la ville. Maire sortant et très riche. Paul n’avait que son salaire de fonctionnaire. Il tirait le diable par la queue. Pas de voiture évidemment. Selon lui, il répondait aux sollicitations de la population qui ne voulait plus du maire sortant. Il m’a démontré également , calculette en mains, le taux de suffrage qu’il pourrait avoir. Je me souviens comme si c’était hier du taux qu’il affichait. C’était soixante douze pour cent. Malgré mes mises en garde contre la population dont je ne croyais pas beaucoup aux convictions il se montrait encore plus optimiste.
Je ne savais comment prendre leur score depuis la ville de Sudburry dans l’Ontario. C’est en transit à Paris que j’ai pu lire dans un journal panafricain les chiffres par partis politiques. Mes deux amis étaient d’ailleurs de partis politiques différents. Jusqu’aujourd’hui, je ne me fais pas d’amitié en fonction de partis politiques. Je ne vois que l’homme. Or, on doit aimer l’autre comme soi-même. Comment ne serais-je pas triste dans ce froid fort de l’Ontario de rester si loin du pays au moment où mes deux amis savouraient leur victoire ? De retour à Abidjan, je me renseignais beaucoup avec le chauffeur qui me ramenait chez moi à Angré. A domicile, je bondis immédiatement sur mon téléphone pour appeler Paul. Il était devenu le maire de sa commune avec trente trois pour cent. On était très loin du score qu’il m’avait annoncé. « J’avoue me dit-il que ça été très très serré. Je ne m’y attendais pas rassuré par la population. » C’est lui qui m’a appris la défaite retentissante de Pierre que j’appelai aussitôt. « Biton, notre population n’est pas sérieuse avec tout ce que j’ai fait pour elle. » A suivre les campagnes des uns et des autres en ce moment historique pour notre pays, à les écouter aussi, je dis méfiance.
Méfiance ! Il faut se battre jusqu’au dernier électeur. L’enthousiasme d’une foule n’est pas signe de succès. On pourra faire un gros livre sur ce comportement instable de l’électorat africain.
Jusqu’aujourd’hui, aucun parti n’a envoyé dans nos maisons des dépliants. Dans un si grand quartier d’intellectuels un dépliant avec l’image du candidat et quelques lignes de son programme restant sous les yeux à tout moment, contrairement aux images fugaces de la télévision ou même des affiches dans les rues, peut faire la voix qui va manquer. C’est dans les maisons que le détail va se faire. Or, il y a encore un gros travail à faire dans toutes les maisons de nos quartiers.
C’est aux vrais militants de ces partis d’investir les domiciles. C’est à leur candidat de venir dans dix ou vingt maisons de chaque commune d’Abidjan. Cet impact sera très puissant et porteur. J’ai dit que tout se joue dans le détail. Plus de mille voix que son concurrent c’est la victoire. Ces mille voix vont se trouver dans les quartiers résidentiels.
J’ai vécu deux grandes campagnes et leurs élections en France et j’ai vu comment les maisons de chaque habitant étaient sollicitées. Pour le moment personne n’est venue chez moi, dont un fan-club de près de cinq personnes portent le nom. J’irai voter... Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koulibaly
Quelqu’un que je ne connais même pas. Avant mon départ, mes deux amis m’ont rassuré. Ils étaient candidat dans leur ville natale pour battre le sortant. Donnons un prénom à mes deux amis. Pierre et Paul. Pierre est un véritable ami depuis très longtemps. Il a eu de grandes responsabilités politiques et administratives dans le pays. On a été souvent dans sa ville. Il m’a fait parcourir sa municipalité sur tous les plans. Il m’a fait rencontrer de nombreuses personnes. Il m’a démontré qu’il était le leader le plus adulé de la région. Avant mon départ il a pris la calculette.
Les élections, il ne pouvait que les gagner d’une manière qui friserait l’humiliation pour son adversaire. En montant dans l’avion pour Paris et durant tout mon séjour au Canada j’étais dans la tristesse de ne pas pouvoir vivre la soirée électorale en sa compagnie. Je voulais faire partie des premiers qui le prendront dans leurs bras pour le féliciter.
Il m’a si rassuré sur son score écrasant à venir que je n’avais aucun doute sur sa victoire. N’était-il pas le leader incontesté de la région contre un maire qui a fait son temps ? Quant à Paul. Il s’attaquait à un fromager de la ville. Maire sortant et très riche. Paul n’avait que son salaire de fonctionnaire. Il tirait le diable par la queue. Pas de voiture évidemment. Selon lui, il répondait aux sollicitations de la population qui ne voulait plus du maire sortant. Il m’a démontré également , calculette en mains, le taux de suffrage qu’il pourrait avoir. Je me souviens comme si c’était hier du taux qu’il affichait. C’était soixante douze pour cent. Malgré mes mises en garde contre la population dont je ne croyais pas beaucoup aux convictions il se montrait encore plus optimiste.
Je ne savais comment prendre leur score depuis la ville de Sudburry dans l’Ontario. C’est en transit à Paris que j’ai pu lire dans un journal panafricain les chiffres par partis politiques. Mes deux amis étaient d’ailleurs de partis politiques différents. Jusqu’aujourd’hui, je ne me fais pas d’amitié en fonction de partis politiques. Je ne vois que l’homme. Or, on doit aimer l’autre comme soi-même. Comment ne serais-je pas triste dans ce froid fort de l’Ontario de rester si loin du pays au moment où mes deux amis savouraient leur victoire ? De retour à Abidjan, je me renseignais beaucoup avec le chauffeur qui me ramenait chez moi à Angré. A domicile, je bondis immédiatement sur mon téléphone pour appeler Paul. Il était devenu le maire de sa commune avec trente trois pour cent. On était très loin du score qu’il m’avait annoncé. « J’avoue me dit-il que ça été très très serré. Je ne m’y attendais pas rassuré par la population. » C’est lui qui m’a appris la défaite retentissante de Pierre que j’appelai aussitôt. « Biton, notre population n’est pas sérieuse avec tout ce que j’ai fait pour elle. » A suivre les campagnes des uns et des autres en ce moment historique pour notre pays, à les écouter aussi, je dis méfiance.
Méfiance ! Il faut se battre jusqu’au dernier électeur. L’enthousiasme d’une foule n’est pas signe de succès. On pourra faire un gros livre sur ce comportement instable de l’électorat africain.
Jusqu’aujourd’hui, aucun parti n’a envoyé dans nos maisons des dépliants. Dans un si grand quartier d’intellectuels un dépliant avec l’image du candidat et quelques lignes de son programme restant sous les yeux à tout moment, contrairement aux images fugaces de la télévision ou même des affiches dans les rues, peut faire la voix qui va manquer. C’est dans les maisons que le détail va se faire. Or, il y a encore un gros travail à faire dans toutes les maisons de nos quartiers.
C’est aux vrais militants de ces partis d’investir les domiciles. C’est à leur candidat de venir dans dix ou vingt maisons de chaque commune d’Abidjan. Cet impact sera très puissant et porteur. J’ai dit que tout se joue dans le détail. Plus de mille voix que son concurrent c’est la victoire. Ces mille voix vont se trouver dans les quartiers résidentiels.
J’ai vécu deux grandes campagnes et leurs élections en France et j’ai vu comment les maisons de chaque habitant étaient sollicitées. Pour le moment personne n’est venue chez moi, dont un fan-club de près de cinq personnes portent le nom. J’irai voter... Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koulibaly