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Politique Publié le vendredi 31 décembre 2010 | Le Temps

crise post-électorale en côte d’ivoire/ Peter Pham (expert américain) -«Aucun Etat africain ne peut renverser Laurent Gbagbo par la force»

Bien qu'elle ait brandi la menace d'un recours à la force, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest va vraisemblablement s'en tenir au dialogue pour amener Laurent Gbagbo, Président ivoirien sortant, à céder le pouvoir à Alassane Ouattara, estiment les observateurs. Plusieurs pays membres de la Cédéao, dont le Nigeria, puissance régionale qui préside l'organisation, ne sont pas prêts à s'engager dans une opération militaire qui ne manquerait pas de se solder par de lourdes pertes. Trois chefs d'Etat mandatés par la Cédéao se sont rendus le mardi dernier à Abidjan pour remettre à Laurent Gbagbo un ultimatum le sommant, menace à l'appui, de céder la place à Alassane Ouattara, que la communauté internationale considère comme le vainqueur légitime de la présidentielle, dont le second tour a eu lieu le 28 novembre. Après avoir été reçus par les deux hommes, les émissaires sont allés rendre compte de leur mission au Président nigérian Goodluck Jonathan, qui a annoncé leur retour à Abidjan la semaine prochaine. "Ils y retourneront le 3 janvier et l'issue de cette seconde visite déterminera la suite", a-t-il déclaré. Et d'ajouter: "Quand il y a un désaccord, c'est le dialogue qui peut le régler. Et le dialogue est en cours." Pour Peter Pham, expert de l'Afrique à la Commission américaine des Affaires étrangères, aucun des Etats de la région n'a les moyens de renverser Laurent Gbagbo par la force. "Si la menace d'une intervention accroît la pression qui pèse sur Gbagbo, une analyse objective impose qu'on se demande comment la Cédéao pourrait y parvenir si elle passe à l'action."
Trouver l'équilibre
"Aucun des Etats de la Cédéao ne dispose - loin s'en faut - des capacités nécessaires pour obtenir en temps réel les renseignements sur les faits et gestes de Gbagbo et de ses plus proches collaborateurs et encore moins des commandos d'élites capables d'effectuer une telle opération 'de décapitation'", explique-t-il. Le Nigeria, qui fournit l'essentiel des moyens financiers et humains de l'Ecomog, bras armé de la Cédéao, entrera qui plus est en janvier dans une année électorale, poursuit l'expert. "Le Nigeria a sa propre bataille politique à mener et le recours à la force ne serait pas une bonne initiative politique et financière de la part de Jonathan à l'approche des élections", confirme Dapo Oylewole, Directeur du Centre for African Policy and Peace Strategy.
"Une flambée de violence a eu lieu récemment à Jos, dans le Nord du Nigeria, et ce ne serait pas un geste populaire de la part de Jonathan que de se détourner des problèmes intérieurs", poursuit-il. Depuis l'ultimatum de la Cédéao, les sujets illustrés d'images sanglantes évoquant les conséquences d'un recours à la force pour les Ivoiriens comme pour les ressortissants étrangers se succèdent à la télévision ivoirienne. Beaucoup parmi les 21 millions d'habitants sont des immigrés venus chercher du travail dans un pays qui fut le fleuron économique d'Afrique de l'Ouest. Trois millions de Burkinabè et deux millions de Nigérians vivent ainsi en Côte d'Ivoire. "Jonathan doit trouver l'équilibre entre la nécessité de paraître fort et présidentiable dans la course à l'investiture de son parti, le 13 janvier, et aux élections d'avril et celle de ne pas créer de précédent qui pourrait revenir le hanter", analyse Peter Pham.
"De plus, il ne veut pas faire campagne sur fond d'intervention bâclée, surtout quand deux millions de commerçants nigérians installés en Côte d'Ivoire lui demandent de ne pas s'en mêler", ajoute-t-il.
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