« Que Gbagbo parte » pour les uns, « que Dieu nous débarrasse de Gbagbo » pour les autres ou encore : « qu’Ado prenne enfin le palais présidentiel ». Tels sont en substance, les vœux les plus formulés par les habitants de la cité du Poro sur le coup de minuit qui annonce l’entrée en 2011. Pour accompagner 2010, très peu de personnes sont sorties pour faire la fête. Fané Bakary, gérant d’un restaurant chic de la place, ne cache pas la frayeur qu’il a traversée « jusqu’à 23h, ne voyant presque personne dans les rues, nous étions inquiets. Au delà de minuit, il y avait un peu plus de monde qui circulait. Mais cela n’a pas changé grand-chose, car la plupart de ces personnes n’étaient pas dehors pour la fête, c’étaient plutôt des gens d’un certain âge qui revenaient des églises ». Effectivement, s’il y a un exploit que l’entêtement de Gbagbo à quitter le pouvoir aura réussi, c’est d’avoir permis aux lieux de culte de recevoir autant et même voire plus de monde que les maquis, les restaurants et autres boîtes de nuit. Cette année, les korhogolais étaient plus portés sur la prière qu’à la fête. Les rues et les lieux de joie parés pour égayer la clientèle, ont désespérément attendu. La propriétaire d’un salon de coiffure dit son étonnement : « Nous avons reçu très peu de clientes. Et même celles qui venaient ne demandaient que des coiffures à moindre coût ». Coulibaly Bakaye, Koné Harouna et bien d’autres jeunes dans la fleur de l’âge avouent avec dépit : «Le 31 décembre, je ne suis pas sorti parce que je n’avais pas la tâte à la fête. La situation du pays est trop difficile. Tant que nous serons dans cette situation, on ne peut pas s’amuser. »De son côté, le vieux Koné Drissa, importateur et vendeur de volaille, présente ses cages. « Regarde tous ces poulets et toutes ces pintades. Habituellement, non seulement je fais partir une grande partie de cette volaille à Abidjan et je vends le reste à Korhogo. Mais cette année, je n’ai rien envoyé sur Abidjan et tout ce que j’avais prévu vendre ici est encore là». Si, d’une part, le manque d’enthousiasme a maintenu plus d’un à la maison, d’autre part, la pauvreté grandissante et les coûts des produits ont fini par en imposer aux inconditionnels de la nuit. Tous son unanimes, jamais une nuit du 31 décembre n’a été aussi chère et triste à Korhogo. « Il y avait de nombreuses bagarres car beaucoup de personnes dégageaient tant de nervosité qu’elles auraient mieux fait de rester à la maison » avance le jeune Koné Souleymane, un habitué des nuits chaudes. Et les commerçants ont fait peu d’affaires. Les propriétaires de maquis qui se sont trouvés dans la contrainte de revoir leurs prix à la hausse pour cause de pénurie ont dû, pour la plupart, regretter cette décision. Car au finish, les boissons invendues donnaient la migraine aux gestionnaires. La jonction 2010 et 2011 ne rentrera pas dans les annales à Korhogo. C’est un moment à vite oublier selon le souhait des populations. Un souhait qu’ils lient au départ du président sortant pour permettre à Alassane Ouattara de remettre le pays sur les rails. « Si cela arrive, je suis sûr que comme les années passées, la fête ira du 24 décembre au 02 janvier » prédit le restaurateur Fané Bakary.
Mack Dakota, Correspondant
Mack Dakota, Correspondant