Pour Laurent Gbagbo, l`isolement international s`accentue chaque jour un peu plus. Hier, jeudi 6 janvier 2011, la Maison Blanche a décidé de geler ses avoirs financiers aux Etats-Unis. Quelques heures plus tard, il a renvoyé les ambassadeurs de Grande-Bretagne et du Canada en poste à Abidjan. Est-ce que cet isolement peut le faire plier ? Pascal Affi Nguessan était le directeur de campagne de Laurent Gbagbo et il préside son parti, le FPI (Front populaire ivoirien). Depuis Abidjan, il répond aux questions de RFI.
RFI : Après la deuxième mission de la Cédéao, lundi 3 janvier 2011, est-ce que les choses ont évolué ?
Pascal Affi Nguessan : On peut noter que les choses ont évolué, puisqu’il ne s’agit plus d’envoyer en Côte d’Ivoire une armée étrangère, pour installer un quelconque président, mais de trouver une solution négociée à la crise post-électorale. Donc, il y a une évolution.
RFI : Selon les émissaires de la Cédéao, Laurent Gbagbo s’est engagé pour une issue pacifique de la crise, sans aucun préalable. Est-ce que cela veut dire que le maintien au pouvoir de Laurent Gbagbo n’est plus un préalable ?
PAN : Non, là c’est un fait. Le fait que le président Laurent Gbagbo a été élu et que son élection a été proclamée de façon définitive par le Conseil constitutionnel, ça, c’est un fait établi. Sur toutes les autres questions, il est ouvert à la discussion.
RFI : Alors vous dites que Laurent Gbagbo a été légalement élu. Mais au terme de l’article 64 du code électoral ivoirien, est-ce que le Conseil constitutionnel avait vraiment le droit d’annuler le vote, dans seulement sept départements du pays ? N’avait-il pas l’obligation d’annuler, soit rien du tout, soit la totalité du vote ?
PAN : Les trois options sont laissées à l’appréciation du Conseil constitutionnel. Annuler des résultats dans des bureaux de vote, annuler totalement le scrutin ou valider le scrutin… Ces trois options sont possibles et valides.
RFI : Mais quand on lit cet article 64, il n’y a que deux options : l’invalidation totale, ou pas d’invalidation du tout. Il n’y a pas d’invalidation partielle.
PAN : Non, non… Relisez tout l’ensemble du code électoral et vous trouverez les passages qui donnent la possibilité au Conseil constitutionnel, d’invalider des bureaux de vote, sans remettre en cause l’ensemble d’un scrutin.
RFI : Alors la dernière résolution de la Cédéao est claire. Si Laurent Gbagbo refuse de reconnaître sa défaite, l’emploi de la force peut devenir légitime. Est-ce que vous prenez toujours au sérieux, l’hypothèse d’une intervention militaire de la Cédéao ?
PAN : Cela n’a jamais été évoqué au cours des deux discussions que nous avons eues avec les médiateurs de la Cédéao de l’Union africaine.
RFI : Mais Laurent Gbagbo l’a dit. Il prend au sérieux cette éventualité. Est-ce qu’aujourd’hui c’est fini ? Vous avez changé d’avis ?
PAN : Non, mais nous sommes prêts à parer à toute éventualité. Nous sommes prêts à résister, comme nous le faisons depuis le 19 septembre 2002.
RFI : Et alors concrètement, si les soldats de la Cédéao débarquent en Côte d’Ivoire, qu’est-ce qui se passera à Abidjan ?
PAN : Mais s’ils viennent pour faire la guerre à la Côte d’Ivoire, la Côte d’Ivoire leur fera la guerre !
RFI : Depuis plusieurs jours, la radio-télévision ivoirienne, la RTI, diffuse des messages à caractère xénophobe. Du coup, beaucoup de ressortissants étrangers qui vivent en Côte d’Ivoire, craignent des représailles.
PAN : Quel genre de messages de caractère xénophobe et émanant de qui ? De quelle autorité ? Parce que moi, je suis en Côte d’Ivoire, je n’ai entendu à aucun moment un quelconque message xénophobe, en direction de quelque communauté étrangère installée en Côte d’Ivoire. Ces ressortissants n’ont aucun lien avec tout ce qui se trame à l’extérieur. Ces ressortissants n’ont, à aucun moment, pris position dans la crise. Donc, il n’y aucune raison qu’on les mêle de force à une crise qui ne les concerne pas.
RFI : Pas de risque de représailles contre ces ressortissants ?
PAN : Il n’y a pas de raison !
RFI : Pascale Affi Nguessan, à part la modeste Gambie, vous n’avez pas beaucoup d’alliés en Afrique de l’Ouest. Est-ce que vous n’êtes pas très, très isolé ?
PAN : Mais on peut être isolé sans avoir tort ! Monsieur Alassane Ouattara, il ne bénéficie d’aucune légitimité. Donc il faut que les chefs d’Etat qui le soutiennent, acceptent que le président Laurent Gbagbo gouverne avec le consentement des Ivoiriens, au lieu d’orchestrer de l’intérieur des actions de déstabilisation qui fragilisent la cohésion nationale.
RFI : Donc en fait, une intervention militaire de la Cédéao ou de toute autre organisation internationale, vous n’y croyez pas ?
PAN : Mais je pense que, entre la campagne agressive menée au lendemain du second tour et le ton plus courtois, empreint de sagesse, observé par ce même chef d’Etat, nous observons qu’il y a une bonne évolution. Qu’on a pris conscience de la réalité de l’élection en Côte d’Ivoire. On essaie de trouver des solutions pacifiques. Mais étant donné que les uns et les autres ont été très loin dans les accusations, dans les menaces, il faut donner le temps aux uns et aux autres de revenir progressivement à des attitudes plus objectives, pour sortir de cette crise post-électorale.
RFI : Vous pensez au président nigérian, Goodluck Jonathan ?
PAN : Par exemple, il y a certainement certains qui sont impliqués totalement dans ce complot et qui resteront indécrottables, mais je pense que la grande majorité des chefs d’Etat de l’Afrique de l’Ouest, ceux qui ont été abusés par la campagne orchestrée depuis Paris, ceux-là commencent à prendre conscience de la réalité.
RFI : Alassane Ouattara dit que, quoi qu’il arrive, vous ne tiendrez pas jusqu’à la fin de ce mois de janvier ? Qu’en pensez-vous ?
PAN : Mais nous verrons. Ce que j’observe, c’est qu’il est condamné à implorer, honteusement, une intervention militaire étrangère. Lorsqu’on a été élu par un public, on bénéficie de l’onction populaire. Cela se sent. Ce n’est pas le cas pour Monsieur Alassane Ouattara à l’heure actuelle.
RFI : Mais il répond que vous, vous ne tenez que grâce au soutien des militaires qui sont autour de vous, et notamment des mercenaires libériens.
PAN : Mais ça fait plusieurs fois qu’ils ont lancé des appels à la désobéissance civile, ils ont lancé des opérations villes-mortes. Ces messages ont été superbement ignorés par nos compatriotes qui ont vaqué tranquillement à leurs occupations. Là, ce ne sont pas des militaires qui poussent les gens à aller au marché. Le peuple de Côte d’Ivoire ne se sent nullement concerné par les élucubrations de Monsieur Alassane Ouattara.
Entretien réalisé par Christophe Boisbouvier, RFI
RFI : Après la deuxième mission de la Cédéao, lundi 3 janvier 2011, est-ce que les choses ont évolué ?
Pascal Affi Nguessan : On peut noter que les choses ont évolué, puisqu’il ne s’agit plus d’envoyer en Côte d’Ivoire une armée étrangère, pour installer un quelconque président, mais de trouver une solution négociée à la crise post-électorale. Donc, il y a une évolution.
RFI : Selon les émissaires de la Cédéao, Laurent Gbagbo s’est engagé pour une issue pacifique de la crise, sans aucun préalable. Est-ce que cela veut dire que le maintien au pouvoir de Laurent Gbagbo n’est plus un préalable ?
PAN : Non, là c’est un fait. Le fait que le président Laurent Gbagbo a été élu et que son élection a été proclamée de façon définitive par le Conseil constitutionnel, ça, c’est un fait établi. Sur toutes les autres questions, il est ouvert à la discussion.
RFI : Alors vous dites que Laurent Gbagbo a été légalement élu. Mais au terme de l’article 64 du code électoral ivoirien, est-ce que le Conseil constitutionnel avait vraiment le droit d’annuler le vote, dans seulement sept départements du pays ? N’avait-il pas l’obligation d’annuler, soit rien du tout, soit la totalité du vote ?
PAN : Les trois options sont laissées à l’appréciation du Conseil constitutionnel. Annuler des résultats dans des bureaux de vote, annuler totalement le scrutin ou valider le scrutin… Ces trois options sont possibles et valides.
RFI : Mais quand on lit cet article 64, il n’y a que deux options : l’invalidation totale, ou pas d’invalidation du tout. Il n’y a pas d’invalidation partielle.
PAN : Non, non… Relisez tout l’ensemble du code électoral et vous trouverez les passages qui donnent la possibilité au Conseil constitutionnel, d’invalider des bureaux de vote, sans remettre en cause l’ensemble d’un scrutin.
RFI : Alors la dernière résolution de la Cédéao est claire. Si Laurent Gbagbo refuse de reconnaître sa défaite, l’emploi de la force peut devenir légitime. Est-ce que vous prenez toujours au sérieux, l’hypothèse d’une intervention militaire de la Cédéao ?
PAN : Cela n’a jamais été évoqué au cours des deux discussions que nous avons eues avec les médiateurs de la Cédéao de l’Union africaine.
RFI : Mais Laurent Gbagbo l’a dit. Il prend au sérieux cette éventualité. Est-ce qu’aujourd’hui c’est fini ? Vous avez changé d’avis ?
PAN : Non, mais nous sommes prêts à parer à toute éventualité. Nous sommes prêts à résister, comme nous le faisons depuis le 19 septembre 2002.
RFI : Et alors concrètement, si les soldats de la Cédéao débarquent en Côte d’Ivoire, qu’est-ce qui se passera à Abidjan ?
PAN : Mais s’ils viennent pour faire la guerre à la Côte d’Ivoire, la Côte d’Ivoire leur fera la guerre !
RFI : Depuis plusieurs jours, la radio-télévision ivoirienne, la RTI, diffuse des messages à caractère xénophobe. Du coup, beaucoup de ressortissants étrangers qui vivent en Côte d’Ivoire, craignent des représailles.
PAN : Quel genre de messages de caractère xénophobe et émanant de qui ? De quelle autorité ? Parce que moi, je suis en Côte d’Ivoire, je n’ai entendu à aucun moment un quelconque message xénophobe, en direction de quelque communauté étrangère installée en Côte d’Ivoire. Ces ressortissants n’ont aucun lien avec tout ce qui se trame à l’extérieur. Ces ressortissants n’ont, à aucun moment, pris position dans la crise. Donc, il n’y aucune raison qu’on les mêle de force à une crise qui ne les concerne pas.
RFI : Pas de risque de représailles contre ces ressortissants ?
PAN : Il n’y a pas de raison !
RFI : Pascale Affi Nguessan, à part la modeste Gambie, vous n’avez pas beaucoup d’alliés en Afrique de l’Ouest. Est-ce que vous n’êtes pas très, très isolé ?
PAN : Mais on peut être isolé sans avoir tort ! Monsieur Alassane Ouattara, il ne bénéficie d’aucune légitimité. Donc il faut que les chefs d’Etat qui le soutiennent, acceptent que le président Laurent Gbagbo gouverne avec le consentement des Ivoiriens, au lieu d’orchestrer de l’intérieur des actions de déstabilisation qui fragilisent la cohésion nationale.
RFI : Donc en fait, une intervention militaire de la Cédéao ou de toute autre organisation internationale, vous n’y croyez pas ?
PAN : Mais je pense que, entre la campagne agressive menée au lendemain du second tour et le ton plus courtois, empreint de sagesse, observé par ce même chef d’Etat, nous observons qu’il y a une bonne évolution. Qu’on a pris conscience de la réalité de l’élection en Côte d’Ivoire. On essaie de trouver des solutions pacifiques. Mais étant donné que les uns et les autres ont été très loin dans les accusations, dans les menaces, il faut donner le temps aux uns et aux autres de revenir progressivement à des attitudes plus objectives, pour sortir de cette crise post-électorale.
RFI : Vous pensez au président nigérian, Goodluck Jonathan ?
PAN : Par exemple, il y a certainement certains qui sont impliqués totalement dans ce complot et qui resteront indécrottables, mais je pense que la grande majorité des chefs d’Etat de l’Afrique de l’Ouest, ceux qui ont été abusés par la campagne orchestrée depuis Paris, ceux-là commencent à prendre conscience de la réalité.
RFI : Alassane Ouattara dit que, quoi qu’il arrive, vous ne tiendrez pas jusqu’à la fin de ce mois de janvier ? Qu’en pensez-vous ?
PAN : Mais nous verrons. Ce que j’observe, c’est qu’il est condamné à implorer, honteusement, une intervention militaire étrangère. Lorsqu’on a été élu par un public, on bénéficie de l’onction populaire. Cela se sent. Ce n’est pas le cas pour Monsieur Alassane Ouattara à l’heure actuelle.
RFI : Mais il répond que vous, vous ne tenez que grâce au soutien des militaires qui sont autour de vous, et notamment des mercenaires libériens.
PAN : Mais ça fait plusieurs fois qu’ils ont lancé des appels à la désobéissance civile, ils ont lancé des opérations villes-mortes. Ces messages ont été superbement ignorés par nos compatriotes qui ont vaqué tranquillement à leurs occupations. Là, ce ne sont pas des militaires qui poussent les gens à aller au marché. Le peuple de Côte d’Ivoire ne se sent nullement concerné par les élucubrations de Monsieur Alassane Ouattara.
Entretien réalisé par Christophe Boisbouvier, RFI