André Sérikpa est le président du patronat des entreprises privées de sécurité. Dans cet entretien, il se prononce sur les sanctions de l’Union Européenne contre l’un des acteurs dudit milieu. En l’occurrence M. Frédéric Lafont. Avant d’appeler les Chefs d’Etat africains à aider son pays en organisant un dialogue direct fécond entre les protagonistes du contentieux postélectoral pour une sortie de crise pacifique. Et éviter le déploiement d’une force de l’ECOMOG, qui pourrait, avertit-il « entraîner le pays dans une guerre civile».
En votre qualité de leader des opérateurs de la sécurité privée en Côte d’Ivoire, comment réagissez-vous aux sanctions qui pèsent sur l’un des acteurs du militaire, à savoir M. Lafont ?
J’ai appris avec étonnement que M. Frédéric Lafont qui exerce dans le milieu de la sécurité privée en Côte d’Ivoire était sur la liste des personnes frappées de sanctions par l’Union Européenne. N’ayant pas pour l’heure de plus amples informations sur ce dossier, mon analyse ne pourra porter que sur la forme. A ce niveau, je voudrais faire remarquer que M. Lafont, en tant qu’acteur de la sécurité privée, est un opérateur économique. Comme d’autres camarades, il a fait un investissement qui ne peut fructifier que dans un climat social apaisé, que dans un contexte de paix et de sérénité. Nous avons fait des investissements et nous attendons en tirer profit. Pour ce faire, il faut que le pays soit stable. Cela requiert que la République elle-même soit debout. C’est pourquoi, tout opérateur doit se mobiliser pour que la République ne s’incline pas. Maintenant, dans le contexte de bicéphalisme au sommet de l’Etat né de la crise postélectorale, le soutien de la République qui n’est pas une infraction, est diversement apprécié. Est-ce reconnaître le pouvoir de Gbagbo ? Est-ce dénier à Ouattara sa légitimité ? Je ne souhaite pas rentrer dans cette polémique. Je me garderais donc de rentrer dans les questions de fonds. N’ayant pas tous les éléments d’appréciation.
Quel camp les sociétés de sécurité vont-elles rallier avec la présente crise postélectorale ?
Je suis foncièrement nationaliste et républicain. Mais, pour moi, la solution à cette crise n’est pas de soutenir un camp à l’autre. La reconnaissance du pouvoir de l’un des deux protagonistes qui sont tous deux mes aînés, n’est pas la solution. Je suis pour la paix, pour la réconciliation. Moi je me positionne comme un acteur de paix. En tant qu’acteur et professionnel de la sécurité, je connais la guerre. Je connais les dégâts de la belligérance armée. Et je veux éviter cela à mon pays. Je ne veux pas que mon pays soit un champ de ruine et de désolation où des Etats étrangers vont venir jeter sur les rescapés des sacs de riz, et d’autres vivres. Il ne m’appartient pas de prendre position pour tel ou tel autre camp. Mais de prendre parti pour la Côte d’ivoire. Comment faire pour que la Côte d’Ivoire sorte rapidement de cet embroglio ? Telle me semble être la préoccupation qui s’impose et qui doit s’imposer. Pour ne pas en arriver là, j’avais déjà prévenu à la faveur d’une conférence de presse au Plateau que les signaux n’étaient pas au vert et qu’il fallait prendre des dispositions. Je crois n’avoir pas été écouté. Et si j’ai été écouté, je n’ai pas été entendu. Pour moi, l’option, c’est la réconciliation. C’est le dialogue pour briser le mur des incompréhensions et de la défiance. C’est ce qui m’a amené récemment à piloter une cérémonie de réconciliation avec les populations des quartiers Sogefia et Campement qui s’étaient affrontées à la machette. Cette rixe avait fait plusieurs blessés. Et l’on avait même déploré des morts. Ces scènes horribles, il faut les sortir du quotidien de l’Ivoirien. Les Ivoiriens ne sont pas un peuple belliqueux. Ils aspirent à la paix pour développer leur pays. C’est pourquoi, il faut trouver une voie pour un dialogue direct fraternel, civilisé et fécond entre les deux principaux protagonistes. A savoir Alassane Ouattara et Gbagbo. C’est la meilleure option. Et je donne de la voix que cette option prenne le dessus sur celle de l’affrontement armée.
Est-ce à dire que vous vous opposez à un déploiement des forces militaires de la sous-région pour régler ce contentieux ?
Absolument. Je ne suis pas d’accord pour une intervention militaire de l’Ecomog. Je m’oppose à tout recours aux armes pour régler ce contentieux même à l’interne. Je reste convaincu que ce contentieux peut trouver une issue définitive par la négociation. Il faut donc exclure l’option militaire pendant qu’on a entre les mains une arme qui va nous faire l’économie de victimes et de destructions de biens.
Le leader des entreprises privées de sécurité ne redoute-t-il pas en réalité une réquisition de ses forces pour combattre aux côtés des FDS les militaires de la Cedeao…
Non. Mon opposition à cette force n’est pas une peur d’une quelconque réquisition de nos forces. Mais tout simplement parce que je suis un opérateur économique qui veut que son pays connaisse la croissance économique. Et non la destruction. Je ne veux pas que mon pays connaisse le sort connu dans d’autres pays où des forces africaines ont opéré avec des fortunes diverses. L’Ecomog était au Libéria avec une base à Monrovia. Qu’est-ce que Monrovia est devenu par la suite ? En ma connaissance, pas moins qu’un champ de ruine et de désolation. Une autre force militaire africaine est actuellement déployée en Somalie. Sans que la situation sécuritaire dans ce pays ne s’améliore. Chaque jour, les populations civiles meurent. Les civils vivent le chao au quotidien. Les leaders de LMP et du RHDP veulent gouverner des Ivoiriens en vie et non des morts. Il ne faut opposer une force militaire à une autre. En agissant ainsi avec l’intervention de l’Ecomog, ce contentieux va se transformer en une crise militaro-militaire. Dans ce cas de figure, ce sont les civils qui vont souffrir le plus. Les balles ne trient pas et elles ne vont trier les partisans de Gbagbo de ceux de Ouattara. Prenons par exemple comme cible, la résidence du Chef de l’Etat Gbagbo. Dans ce quartier, tous les riverains ne sont pas LMP. Ils ne sont tous pas ses partisans. Quand les obus vont tomber, il y aura des effets collatéraux. Cela me conforte dans ma position que ce sont les civils qui seront éprouvés. Et c’est le sens de mon opposition ferme à l’Ecomog. Il faut faire très attention à cette force dont le déploiement va entraîner le pays dans une guerre civile d’autant plus que les contours de la mission de l’Ecomog demeurent encore flous et imprécis.
En quoi l’intervention de l’Ecomog comporte-t-elle des risques de guerre civile ?
Il nous est dit que l’Ecomog vient pour déloger le président Gbagbo d’un pouvoir qu’il usurperait. Mais, je me demande combien de Chefs d’Etat africains, l’Ecomog a-t-il délogé pour faire respecter la démocratie à l’interne. Les exemples de pays où la démocratie est piétinée sur le continent qui ont été rectifiés par une force africaine ne courent pas la rue et se comptent du bout des doigts. Des concitoyens se réjouissent de l’arrivée de l’Ecomog et que l’opération va se faire en moins de 72 heures. Mais rien n’indique que ces soldats étrangers y parviendront dans le temps prévu. Supposons que l’Ecomog n’y parvient pas, la crise va s’enliser. Les violences intercommunautaires vont s’accroître. Et on va tomber dans la guerre civile. Et si on tombe dans la guerre civile, cela va reculer la Côte d’Ivoire de cinquante ans. Le cinquantenaire prochain qui devrait être celui du développement sera contrarié. Il faut éviter de griller ce cinquantenaire. Déloger le président Gbagbo en 48 ou 72 heures s’apparente à un leurre.
Pensez-vous que le président Gbagbo ne pourrait pas être délogé en moins de deux jours après l’arrivée de l’Ecomog ?
J’en suis convaincu. Gbagbo qui a toujours comme levier important l’armée, ne peut pas tomber en 72 heures comme prévu dans les plans pour éviter la guerre civile. Les forces qui viendront, ne peuvent pas le déloger du pouvoir en 72 heures de combat. Or, si l’Ecomog échoue à ce niveau, la Côte d’Ivoire va s’embraser et connaître la guerre civile. D’où mon inquiétude et mon opposition au déploiement de cette force militaire. Si l’affrontement militaire s’inscrit dans la durée, la guerre civile est inévitable. Or, dans la configuration actuelle, Gbagbo ne peut pas tomber rapidement tel que projeté. Les forces qui vont débarquer sur le territoire ont un handicap majeur : la connaissance du terrain, des sites à frapper… En outre, c’est à quelques degrés près, le même arsenal de guerre qu’ils auront avec les militaires ivoiriens qui défendront le président Gbagbo. Ces militaires seront revigorés par le sentiment de patriotisme. Cette motivation va les amener à se sublimer, à se surpasser face à l’adversité et face à ce qui sera considéré comme une invasion étrangère. La crise va donc s’enliser et durer plus qu’on ne le pensait. Entre temps, les civils vont souffrir. Et le pays va enregistrer des morts et de nombreux morts. Car des obus seront utilisés en pleine ville. En tant que spécialiste de la sécurité, je dois souligner qu’un obus qui tombe, a un rayon assez important d’action, de destruction. Les balles, les obus ne vont pas trier les proches de Gbagbo et ceux qui ne sont pas avec lui. L’Afrique a une valeur qui est le dialogue, la concertation sous l’arbre à palabres. Faisons appel à cette valeur qui est propre à notre culture. L’Afrique doit donner un exemple au monde en réglant le contentieux postélectoral ivoirien par le dialogue, par la négociation. L’Afrique doit faire appel à ses propres valeurs, à ses propres compétences pour régler cette crise définitivement et refermer cette parenthèse d’angoisse et de douleur qui étreint les Ivoiriens. Ce continent grandira s’il parvient à étendre le feu en Côte d’Ivoire sans une force militaire mais avec tout simplement un dialogue direct fraternel. L’histoire retiendra qu’il y avait une crise sans précédent en Côte d’Ivoire et que les Africains eux-mêmes ont pu la régler avec leurs valeurs de paix et de dialogue des différences.
Ce dialogue est-il possible dans un contexte de positions tranchées ?
Oui, le dialogue est possible. Il traîne parce que tous les Chefs d’Etat africains ne sont pas sincères pour aider la Côte d’Ivoire à en sortir par cette option. Des Etats profitent de notre crise. Ils veulent voir les Ivoiriens aller jeter des sacs de riz dans leurs ports. Et une intervention militaire susceptible de contrarier notre leadership ne les dérange point. Comment comprendre qu’on veut régler une situation et on donne des déclarations de guerre contre un camp ? Quand vous faites des déclarations de prise de position à l’emporte-pièce et qu’après une visite sur le terrain, vous changez de parole et d’opinion, vous devez ridicule. Cela créé des suspicions légitimes de part et d’autre. C’est pourquoi je pense que tous ne sont pas sincères. Sinon, tous ceux qui interviennent dans ce dossier peuvent imposer non seulement un dialogue entre les deux frères divisés. Mais aussi, peuvent les contraindre à aller à ce dialogue de manière fraternelle et civilisée comme ils ont donné l’exemple au monde entier dans le face-à-face historique en novembre 2010. Gbagbo et Ouattara peuvent s’entendre. Nos dépositaires de la sagesse, de la tradition peuvent les réconcilier, peuvent créer le cadre du dialogue direct fraternel. Je les invite à s’approprier ce dossier. Ce n’est pas quand tout va exploser qu’on va venir jouer au pompier, qu’on va crier au scandale et qu’on va chanter la paix. C’est maintenant qu’il faut se mobiliser et se dresser contre la guerre. C’est le moment de chanter la paix, la réconciliation. J’estime que la Côte d’Ivoire a besoin de la paix. Les Ivoiriens ont besoin de la paix, du développement de leur pays, de la prospérité. Mon message est un appel à la paix. Nous, acteurs de sécurité privée, avons besoin de la paix pour faire prospérer nos affaires, pour assurer la sécurité du monde des affaires aux côtés des forces de l’ordre classique. Je m’inscris dans les actions de paix car je sais ce que c’est que la guerre. Je prie Dieu pour qu’il touche le cœur des protagonistes afin que la paix soit sauvegardée et qu’elle prenne le pas sur la guerre.
Réalisé par M Tié Traoré
En votre qualité de leader des opérateurs de la sécurité privée en Côte d’Ivoire, comment réagissez-vous aux sanctions qui pèsent sur l’un des acteurs du militaire, à savoir M. Lafont ?
J’ai appris avec étonnement que M. Frédéric Lafont qui exerce dans le milieu de la sécurité privée en Côte d’Ivoire était sur la liste des personnes frappées de sanctions par l’Union Européenne. N’ayant pas pour l’heure de plus amples informations sur ce dossier, mon analyse ne pourra porter que sur la forme. A ce niveau, je voudrais faire remarquer que M. Lafont, en tant qu’acteur de la sécurité privée, est un opérateur économique. Comme d’autres camarades, il a fait un investissement qui ne peut fructifier que dans un climat social apaisé, que dans un contexte de paix et de sérénité. Nous avons fait des investissements et nous attendons en tirer profit. Pour ce faire, il faut que le pays soit stable. Cela requiert que la République elle-même soit debout. C’est pourquoi, tout opérateur doit se mobiliser pour que la République ne s’incline pas. Maintenant, dans le contexte de bicéphalisme au sommet de l’Etat né de la crise postélectorale, le soutien de la République qui n’est pas une infraction, est diversement apprécié. Est-ce reconnaître le pouvoir de Gbagbo ? Est-ce dénier à Ouattara sa légitimité ? Je ne souhaite pas rentrer dans cette polémique. Je me garderais donc de rentrer dans les questions de fonds. N’ayant pas tous les éléments d’appréciation.
Quel camp les sociétés de sécurité vont-elles rallier avec la présente crise postélectorale ?
Je suis foncièrement nationaliste et républicain. Mais, pour moi, la solution à cette crise n’est pas de soutenir un camp à l’autre. La reconnaissance du pouvoir de l’un des deux protagonistes qui sont tous deux mes aînés, n’est pas la solution. Je suis pour la paix, pour la réconciliation. Moi je me positionne comme un acteur de paix. En tant qu’acteur et professionnel de la sécurité, je connais la guerre. Je connais les dégâts de la belligérance armée. Et je veux éviter cela à mon pays. Je ne veux pas que mon pays soit un champ de ruine et de désolation où des Etats étrangers vont venir jeter sur les rescapés des sacs de riz, et d’autres vivres. Il ne m’appartient pas de prendre position pour tel ou tel autre camp. Mais de prendre parti pour la Côte d’ivoire. Comment faire pour que la Côte d’Ivoire sorte rapidement de cet embroglio ? Telle me semble être la préoccupation qui s’impose et qui doit s’imposer. Pour ne pas en arriver là, j’avais déjà prévenu à la faveur d’une conférence de presse au Plateau que les signaux n’étaient pas au vert et qu’il fallait prendre des dispositions. Je crois n’avoir pas été écouté. Et si j’ai été écouté, je n’ai pas été entendu. Pour moi, l’option, c’est la réconciliation. C’est le dialogue pour briser le mur des incompréhensions et de la défiance. C’est ce qui m’a amené récemment à piloter une cérémonie de réconciliation avec les populations des quartiers Sogefia et Campement qui s’étaient affrontées à la machette. Cette rixe avait fait plusieurs blessés. Et l’on avait même déploré des morts. Ces scènes horribles, il faut les sortir du quotidien de l’Ivoirien. Les Ivoiriens ne sont pas un peuple belliqueux. Ils aspirent à la paix pour développer leur pays. C’est pourquoi, il faut trouver une voie pour un dialogue direct fraternel, civilisé et fécond entre les deux principaux protagonistes. A savoir Alassane Ouattara et Gbagbo. C’est la meilleure option. Et je donne de la voix que cette option prenne le dessus sur celle de l’affrontement armée.
Est-ce à dire que vous vous opposez à un déploiement des forces militaires de la sous-région pour régler ce contentieux ?
Absolument. Je ne suis pas d’accord pour une intervention militaire de l’Ecomog. Je m’oppose à tout recours aux armes pour régler ce contentieux même à l’interne. Je reste convaincu que ce contentieux peut trouver une issue définitive par la négociation. Il faut donc exclure l’option militaire pendant qu’on a entre les mains une arme qui va nous faire l’économie de victimes et de destructions de biens.
Le leader des entreprises privées de sécurité ne redoute-t-il pas en réalité une réquisition de ses forces pour combattre aux côtés des FDS les militaires de la Cedeao…
Non. Mon opposition à cette force n’est pas une peur d’une quelconque réquisition de nos forces. Mais tout simplement parce que je suis un opérateur économique qui veut que son pays connaisse la croissance économique. Et non la destruction. Je ne veux pas que mon pays connaisse le sort connu dans d’autres pays où des forces africaines ont opéré avec des fortunes diverses. L’Ecomog était au Libéria avec une base à Monrovia. Qu’est-ce que Monrovia est devenu par la suite ? En ma connaissance, pas moins qu’un champ de ruine et de désolation. Une autre force militaire africaine est actuellement déployée en Somalie. Sans que la situation sécuritaire dans ce pays ne s’améliore. Chaque jour, les populations civiles meurent. Les civils vivent le chao au quotidien. Les leaders de LMP et du RHDP veulent gouverner des Ivoiriens en vie et non des morts. Il ne faut opposer une force militaire à une autre. En agissant ainsi avec l’intervention de l’Ecomog, ce contentieux va se transformer en une crise militaro-militaire. Dans ce cas de figure, ce sont les civils qui vont souffrir le plus. Les balles ne trient pas et elles ne vont trier les partisans de Gbagbo de ceux de Ouattara. Prenons par exemple comme cible, la résidence du Chef de l’Etat Gbagbo. Dans ce quartier, tous les riverains ne sont pas LMP. Ils ne sont tous pas ses partisans. Quand les obus vont tomber, il y aura des effets collatéraux. Cela me conforte dans ma position que ce sont les civils qui seront éprouvés. Et c’est le sens de mon opposition ferme à l’Ecomog. Il faut faire très attention à cette force dont le déploiement va entraîner le pays dans une guerre civile d’autant plus que les contours de la mission de l’Ecomog demeurent encore flous et imprécis.
En quoi l’intervention de l’Ecomog comporte-t-elle des risques de guerre civile ?
Il nous est dit que l’Ecomog vient pour déloger le président Gbagbo d’un pouvoir qu’il usurperait. Mais, je me demande combien de Chefs d’Etat africains, l’Ecomog a-t-il délogé pour faire respecter la démocratie à l’interne. Les exemples de pays où la démocratie est piétinée sur le continent qui ont été rectifiés par une force africaine ne courent pas la rue et se comptent du bout des doigts. Des concitoyens se réjouissent de l’arrivée de l’Ecomog et que l’opération va se faire en moins de 72 heures. Mais rien n’indique que ces soldats étrangers y parviendront dans le temps prévu. Supposons que l’Ecomog n’y parvient pas, la crise va s’enliser. Les violences intercommunautaires vont s’accroître. Et on va tomber dans la guerre civile. Et si on tombe dans la guerre civile, cela va reculer la Côte d’Ivoire de cinquante ans. Le cinquantenaire prochain qui devrait être celui du développement sera contrarié. Il faut éviter de griller ce cinquantenaire. Déloger le président Gbagbo en 48 ou 72 heures s’apparente à un leurre.
Pensez-vous que le président Gbagbo ne pourrait pas être délogé en moins de deux jours après l’arrivée de l’Ecomog ?
J’en suis convaincu. Gbagbo qui a toujours comme levier important l’armée, ne peut pas tomber en 72 heures comme prévu dans les plans pour éviter la guerre civile. Les forces qui viendront, ne peuvent pas le déloger du pouvoir en 72 heures de combat. Or, si l’Ecomog échoue à ce niveau, la Côte d’Ivoire va s’embraser et connaître la guerre civile. D’où mon inquiétude et mon opposition au déploiement de cette force militaire. Si l’affrontement militaire s’inscrit dans la durée, la guerre civile est inévitable. Or, dans la configuration actuelle, Gbagbo ne peut pas tomber rapidement tel que projeté. Les forces qui vont débarquer sur le territoire ont un handicap majeur : la connaissance du terrain, des sites à frapper… En outre, c’est à quelques degrés près, le même arsenal de guerre qu’ils auront avec les militaires ivoiriens qui défendront le président Gbagbo. Ces militaires seront revigorés par le sentiment de patriotisme. Cette motivation va les amener à se sublimer, à se surpasser face à l’adversité et face à ce qui sera considéré comme une invasion étrangère. La crise va donc s’enliser et durer plus qu’on ne le pensait. Entre temps, les civils vont souffrir. Et le pays va enregistrer des morts et de nombreux morts. Car des obus seront utilisés en pleine ville. En tant que spécialiste de la sécurité, je dois souligner qu’un obus qui tombe, a un rayon assez important d’action, de destruction. Les balles, les obus ne vont pas trier les proches de Gbagbo et ceux qui ne sont pas avec lui. L’Afrique a une valeur qui est le dialogue, la concertation sous l’arbre à palabres. Faisons appel à cette valeur qui est propre à notre culture. L’Afrique doit donner un exemple au monde en réglant le contentieux postélectoral ivoirien par le dialogue, par la négociation. L’Afrique doit faire appel à ses propres valeurs, à ses propres compétences pour régler cette crise définitivement et refermer cette parenthèse d’angoisse et de douleur qui étreint les Ivoiriens. Ce continent grandira s’il parvient à étendre le feu en Côte d’Ivoire sans une force militaire mais avec tout simplement un dialogue direct fraternel. L’histoire retiendra qu’il y avait une crise sans précédent en Côte d’Ivoire et que les Africains eux-mêmes ont pu la régler avec leurs valeurs de paix et de dialogue des différences.
Ce dialogue est-il possible dans un contexte de positions tranchées ?
Oui, le dialogue est possible. Il traîne parce que tous les Chefs d’Etat africains ne sont pas sincères pour aider la Côte d’Ivoire à en sortir par cette option. Des Etats profitent de notre crise. Ils veulent voir les Ivoiriens aller jeter des sacs de riz dans leurs ports. Et une intervention militaire susceptible de contrarier notre leadership ne les dérange point. Comment comprendre qu’on veut régler une situation et on donne des déclarations de guerre contre un camp ? Quand vous faites des déclarations de prise de position à l’emporte-pièce et qu’après une visite sur le terrain, vous changez de parole et d’opinion, vous devez ridicule. Cela créé des suspicions légitimes de part et d’autre. C’est pourquoi je pense que tous ne sont pas sincères. Sinon, tous ceux qui interviennent dans ce dossier peuvent imposer non seulement un dialogue entre les deux frères divisés. Mais aussi, peuvent les contraindre à aller à ce dialogue de manière fraternelle et civilisée comme ils ont donné l’exemple au monde entier dans le face-à-face historique en novembre 2010. Gbagbo et Ouattara peuvent s’entendre. Nos dépositaires de la sagesse, de la tradition peuvent les réconcilier, peuvent créer le cadre du dialogue direct fraternel. Je les invite à s’approprier ce dossier. Ce n’est pas quand tout va exploser qu’on va venir jouer au pompier, qu’on va crier au scandale et qu’on va chanter la paix. C’est maintenant qu’il faut se mobiliser et se dresser contre la guerre. C’est le moment de chanter la paix, la réconciliation. J’estime que la Côte d’Ivoire a besoin de la paix. Les Ivoiriens ont besoin de la paix, du développement de leur pays, de la prospérité. Mon message est un appel à la paix. Nous, acteurs de sécurité privée, avons besoin de la paix pour faire prospérer nos affaires, pour assurer la sécurité du monde des affaires aux côtés des forces de l’ordre classique. Je m’inscris dans les actions de paix car je sais ce que c’est que la guerre. Je prie Dieu pour qu’il touche le cœur des protagonistes afin que la paix soit sauvegardée et qu’elle prenne le pas sur la guerre.
Réalisé par M Tié Traoré