S’il ignorait pourquoi l’on surnomme Laurent Gbagbo ‘’le boulanger’’, eh bien, le Premier ministre Kenyan Raila Odinga vient de l’apprendre à ses dépens ! Le pauvre, il a été copieusement roulé dans la farine par un Gbagbo, fier d’ailleurs de porter son sobriquet. Un sobriquet, qu’il a même revendiqué lors de l’interview qu’il a accordée la semaine dernière à Canal+. Les missions de bons offices qu’il a entamées pour la seconde fois en une quinzaine de jours sur les bords de la Lagune Ebrié pour tenter de démêler l’écheveau politique né de la présidentiel du 28 novembre dernier, ont buté, une fois encore, sur la volonté de Gbagbo de se maintenir au pouvoir. Encore une fois, le chef de l’Etat sortant a dit ‘’non’’ à Odinga. Comme il a dit ‘’non’’ à la CEDEAO, à l’UA, à l’ONU, à la France et même aux USA. En clair, comme il a dit ‘’non’’ à la communauté internationale qui s’est impliquée dans la crise, née de la présidentielle de novembre. Par son entêtement à ne pas céder le pouvoir à celui qui le mérite légitimement et légalement parce que, vainqueur des élections, le chef de file de la Refondation ne laisse pas le choix ‘’au reste du monde’’ de se liguer contre lui. Dans le même temps, Gbagbo donne raison et appelle par son comportement, à la solution militaire. Sur la question justement, les avis commencent à converger, même s’il y a des nuances de part et d’autre. A l’issue de son entretien avec Nicolas Sarkozy à l’Elysée, Blaise Compaoré a été clair: « (…) Comme vous l’avez suivi aussi, nous n’avons pas exclu d’autres mesures plus fortes pour le retour de l ‘ordre constitutionnel (…).» Pour sa part, la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie a soutenu devant la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale que la force ne serait envisageable qu’en ‘’tout dernier recours’’. Avec l’échec de la médiation d’Odinga, on peut avancer sans conteste que le point de non retour est atteint et que la force militaire peut se justifier. Surtout que la chef de la diplomatie française, a bien rappelé que «l’option militaire est soutenue par un certain nombre d’Etats africains.» Ceux-ci justement, ont mis en mission leurs chefs d’état-major. Ces généraux étaient en ‘’conclave’’ à Bamako depuis le 18 janvier. Les militaires, au garde-à-vous, ont été eux aussi très clairs. Ils ont dit leur détermination à intervenir pour restaurer la démocratie : «Nous sommes prêts à passer à l’action pour écarter Gbagbo», ont-ils dit. On aurait dit tout simplement que Gbagbo vient, par son acte, de donner à la communauté internationale, la chicotte pour le frapper. Parce que toutes les voies pacifiques de règlement de la crise postélectorale ont été épuisées. La seule lueur d’espoir entretenue était la visite du chef du gouvernement kenyan. Surtout lorsqu’il a dit, après sa première rencontre avec Gbagbo qu’il avait «des avancées utiles». Ce bout de phrase, prononcée par l’hôte des Ivoiriens, avait fait rêver certains. Une joie et un optimisme qui n’auront duré que le temps pour Gbagbo de changer d’humeur. Et il changea effectivement d’humeur. Ramenant son hôte de quarante heures à la triste réalité. Raila Odinga a donc regagné son pays sans être parvenu à raisonner le perdant de la présidentielle.
Yves-M. ABIET
Yves-M. ABIET