Invité de l`émission Afrique soir de RFI du mardi dernier, Nanan N’Dri Augustin, chef de canton des Akouè de Yamoussoukro, dénonce la solution de la partition de la Côte d’Ivoire telle que souhaitée par Axel Poniatowski, président de la Commission des Affaires étrangères de l`Assemblée nationale de France.
Q : Cette idée de partition est décriée comme étant affligeante par le nouvel ambassadeur de la Côte d`Ivoire en France, est-ce le même sentiment pour vous ?
Nanan N’dri Augustin: Je crois que cette sortie de M Axel Poniatowski est déplorable. Avec tout le respect que je lui dois, je dois dire que ce monsieur se trouve dans le camp de ceux qui donnent des conseils à la Côte d`Ivoire sans connaître le pays ni les réalités du pays. Il ne s`agit pas d`une opposition entre un nord musulman et un sud catholique. Il ne s`agit pas d`un problème tribal non plus. Il s`agit d`un déni de démocratie.
Q : La partition nord-sud a été quand même une réalité, depuis 2002. D`après vous, aujourd`hui l`identité ivoirienne ne se définit pas par une appartenance ethnique ou religieuse ?
NNA : Non ! Je ne crois pas. Je crois qu`en 2002, il y a eu une attaque sur la capitale et ceux qu`on appelle les rebelles se sont tout simplement repliés sur Bouaké qui a été un ventre mou dans le système de défense ivoirien. C`était une partition de fait. Ce n`est pas une partition qui repose sur des bases ethniques ou religieuse. Vous savez, c`est vrai que nous sommes des musulmans, des chrétiens. Moi-même je m`appelle Augustin, je suis catholique. Mon père et ma mère étaient des musulmans. Il n`y a aucune famille en Côte d`Ivoire, catholique qui n`ait pas un membre musulman ou de famille musulmane qui n`ait pas un membre catholique. Le président Ouattara est musulman, son épouse est catholique, ils ont des enfants protestants. Nous n`avons vraiment pas un problème nord-musulman et sud-catholique ou un problème dioula, akan. Je ne crois pas.
Q : Selon vous, depuis l`indépendance du pays, il y a eu un brassage ethnique et religieux dont vous-même vous êtes un exemple?
NNA : Tout à fait. Ce brassage est confirmé en permanence. Mon père vient du Sénégal, il a épousé ma mère qui est ivoirienne. Mon père a été tour à tour ministre de l`Information, Ambassadeur de Côte d`Ivoire au Maroc. Aujourd`hui il est décédé, son corps repose au Maroc. Nous sommes 54% d`Ivoiriens à avoir voté pour le candidat Alassane Ouattara. C`est aussi simple que cela. On veut nous faire croire des choses qui ne sont pas. Même si vous prenez les chiffres, madame, au premier tour, M. Gbagbo a obtenu 38%, M Ouattara 32% et M Bédié 25 %. En faisant un calcul arithmétique simple, les voix de M. Ouattara et de M. Bédié font 57%. Le chiffre de 54% obtenu par M. Ouattara est compréhensible, parce que le report de voix ne s`est pas fait à 100%, de M. Bédié à M. Ouattara. Il n`y a pas un seul bureau de vote en pays baoulé qui ait voté moins de 80% pour le candidat Ouattara. Alors que l`électorat baoulé représente 25% de l`électorat ivoirien. L`élection de M. Ouattara ne souffre d`aucune contestation.
Q : Ce vote baoulé a été une surprise pour M. Laurent Gbagbo lui-même. Comment est-ce que vous l`expliquez sur le fond ?
NNA : Il a beaucoup investi sur l`électorat baoulé, parce qu`on ne peut pas être élu Président de la République de Côte d`Ivoire sans l`électorat baoulé. Malheureusement, l`électorat baoulé était un coffre-fort. Et ceux que M. Gbagbo a utilisés pour ouvrir le coffre-fort n`en avaient pas la clé. C`est aussi simple que ça. Il a associé de mauvaises personnes. Elles lui ont fait croire que les Baoulé allaient voter pour lui. Dans ma tribu, nous sommes très attachés à la tradition et à nos chefs traditionnels. Le Baoulé fait ce que son chef lui dit de faire. Et tout juste avant le deuxième tour de l`élection présidentielle, à l`initiative du président Bédié ici à Yamoussoukro, plus de 3000 chefs baoulé ont été réunis. La consigne de vote avait été passée de voter pour le candidat Ouattara. Et nous l`avons fait avec 54% de voix. Ce qui signifie que notre Président s`appelle Alassane Ouattara.
Q : Pourquoi finalement cette proposition d`un député français ? Est-ce aussi la volonté d`éviter à tout prix l`intervention militaire ?
NNA : Je suis convaincu, depuis le départ, que M. Gbagbo n`allait jamais accepter sa défaite, même s`il était confronté à M. Bédié. M. Gbagbo a mis en place un système pour ne jamais perdre l`élection, à travers ses « patriotes », le Conseil constitutionnel, l`armée dont il a renouvelé tous les officiers supérieurs qui aujourd`hui, lui obéissent aveuglement. A travers un renouvellement de la base même des militaires par un recrutement massif de nouveaux militaires. Il a considérablement changé la physionomie de l`armée ivoirienne pour mettre en place un système pour ne jamais être vaincu à l`élection. D`où son slogan « on gagne ou on gagne ». On gagne dans les urnes, on gagne par le Conseil constitutionnel. Aujourd`hui, on fait croire aux Ivoiriens qu`il s`agit d`une guerre de l`étranger contre la Côte d`Ivoire. J`aimerais bien savoir à quel intérêt économique française stratégique Laurent Gbagbo s`est attaqué depuis qu`il est au pouvoir. La distribution de l`eau et de l`électricité est toujours aux mains de Bouygues, son contrat a été reconduit. La société qui a fait la communication de M. Gbagbo, Euro RSCG, est une filiale d`une entreprise française. Bolloré vient d`avoir le monopole des services des conteneurs des ports d`Abidjan et de San-Pedro. Où sont alors les intérêts français auxquels s`attaquent M. Gbagbo qui ferait de lui un héros de la lutte anticoloniale ? Je ne vois pas.
Q : Les Chefs d`état-major de la CEDEAO ont dit qu`ils étaient prêts pour une intervention militaire après la réunion de la semaine dernière à Bamako. Pourquoi, d`après vous, n`y a-t-il pas eu une décision politique au niveau des chefs d`Etat?
NNA : Cela est dû au fait que le président Ouattara refuse pour l`instant de faire agir la force militaire. Il veut croire jusqu`au bout que M. Gbagbo finira par entendre raison. Il veut utiliser à l`extrême, tous les recours de négociations possibles. Je crois que nous ne pourrons pas échapper à l`option militaire.
Recueillis par TL
Q : Cette idée de partition est décriée comme étant affligeante par le nouvel ambassadeur de la Côte d`Ivoire en France, est-ce le même sentiment pour vous ?
Nanan N’dri Augustin: Je crois que cette sortie de M Axel Poniatowski est déplorable. Avec tout le respect que je lui dois, je dois dire que ce monsieur se trouve dans le camp de ceux qui donnent des conseils à la Côte d`Ivoire sans connaître le pays ni les réalités du pays. Il ne s`agit pas d`une opposition entre un nord musulman et un sud catholique. Il ne s`agit pas d`un problème tribal non plus. Il s`agit d`un déni de démocratie.
Q : La partition nord-sud a été quand même une réalité, depuis 2002. D`après vous, aujourd`hui l`identité ivoirienne ne se définit pas par une appartenance ethnique ou religieuse ?
NNA : Non ! Je ne crois pas. Je crois qu`en 2002, il y a eu une attaque sur la capitale et ceux qu`on appelle les rebelles se sont tout simplement repliés sur Bouaké qui a été un ventre mou dans le système de défense ivoirien. C`était une partition de fait. Ce n`est pas une partition qui repose sur des bases ethniques ou religieuse. Vous savez, c`est vrai que nous sommes des musulmans, des chrétiens. Moi-même je m`appelle Augustin, je suis catholique. Mon père et ma mère étaient des musulmans. Il n`y a aucune famille en Côte d`Ivoire, catholique qui n`ait pas un membre musulman ou de famille musulmane qui n`ait pas un membre catholique. Le président Ouattara est musulman, son épouse est catholique, ils ont des enfants protestants. Nous n`avons vraiment pas un problème nord-musulman et sud-catholique ou un problème dioula, akan. Je ne crois pas.
Q : Selon vous, depuis l`indépendance du pays, il y a eu un brassage ethnique et religieux dont vous-même vous êtes un exemple?
NNA : Tout à fait. Ce brassage est confirmé en permanence. Mon père vient du Sénégal, il a épousé ma mère qui est ivoirienne. Mon père a été tour à tour ministre de l`Information, Ambassadeur de Côte d`Ivoire au Maroc. Aujourd`hui il est décédé, son corps repose au Maroc. Nous sommes 54% d`Ivoiriens à avoir voté pour le candidat Alassane Ouattara. C`est aussi simple que cela. On veut nous faire croire des choses qui ne sont pas. Même si vous prenez les chiffres, madame, au premier tour, M. Gbagbo a obtenu 38%, M Ouattara 32% et M Bédié 25 %. En faisant un calcul arithmétique simple, les voix de M. Ouattara et de M. Bédié font 57%. Le chiffre de 54% obtenu par M. Ouattara est compréhensible, parce que le report de voix ne s`est pas fait à 100%, de M. Bédié à M. Ouattara. Il n`y a pas un seul bureau de vote en pays baoulé qui ait voté moins de 80% pour le candidat Ouattara. Alors que l`électorat baoulé représente 25% de l`électorat ivoirien. L`élection de M. Ouattara ne souffre d`aucune contestation.
Q : Ce vote baoulé a été une surprise pour M. Laurent Gbagbo lui-même. Comment est-ce que vous l`expliquez sur le fond ?
NNA : Il a beaucoup investi sur l`électorat baoulé, parce qu`on ne peut pas être élu Président de la République de Côte d`Ivoire sans l`électorat baoulé. Malheureusement, l`électorat baoulé était un coffre-fort. Et ceux que M. Gbagbo a utilisés pour ouvrir le coffre-fort n`en avaient pas la clé. C`est aussi simple que ça. Il a associé de mauvaises personnes. Elles lui ont fait croire que les Baoulé allaient voter pour lui. Dans ma tribu, nous sommes très attachés à la tradition et à nos chefs traditionnels. Le Baoulé fait ce que son chef lui dit de faire. Et tout juste avant le deuxième tour de l`élection présidentielle, à l`initiative du président Bédié ici à Yamoussoukro, plus de 3000 chefs baoulé ont été réunis. La consigne de vote avait été passée de voter pour le candidat Ouattara. Et nous l`avons fait avec 54% de voix. Ce qui signifie que notre Président s`appelle Alassane Ouattara.
Q : Pourquoi finalement cette proposition d`un député français ? Est-ce aussi la volonté d`éviter à tout prix l`intervention militaire ?
NNA : Je suis convaincu, depuis le départ, que M. Gbagbo n`allait jamais accepter sa défaite, même s`il était confronté à M. Bédié. M. Gbagbo a mis en place un système pour ne jamais perdre l`élection, à travers ses « patriotes », le Conseil constitutionnel, l`armée dont il a renouvelé tous les officiers supérieurs qui aujourd`hui, lui obéissent aveuglement. A travers un renouvellement de la base même des militaires par un recrutement massif de nouveaux militaires. Il a considérablement changé la physionomie de l`armée ivoirienne pour mettre en place un système pour ne jamais être vaincu à l`élection. D`où son slogan « on gagne ou on gagne ». On gagne dans les urnes, on gagne par le Conseil constitutionnel. Aujourd`hui, on fait croire aux Ivoiriens qu`il s`agit d`une guerre de l`étranger contre la Côte d`Ivoire. J`aimerais bien savoir à quel intérêt économique française stratégique Laurent Gbagbo s`est attaqué depuis qu`il est au pouvoir. La distribution de l`eau et de l`électricité est toujours aux mains de Bouygues, son contrat a été reconduit. La société qui a fait la communication de M. Gbagbo, Euro RSCG, est une filiale d`une entreprise française. Bolloré vient d`avoir le monopole des services des conteneurs des ports d`Abidjan et de San-Pedro. Où sont alors les intérêts français auxquels s`attaquent M. Gbagbo qui ferait de lui un héros de la lutte anticoloniale ? Je ne vois pas.
Q : Les Chefs d`état-major de la CEDEAO ont dit qu`ils étaient prêts pour une intervention militaire après la réunion de la semaine dernière à Bamako. Pourquoi, d`après vous, n`y a-t-il pas eu une décision politique au niveau des chefs d`Etat?
NNA : Cela est dû au fait que le président Ouattara refuse pour l`instant de faire agir la force militaire. Il veut croire jusqu`au bout que M. Gbagbo finira par entendre raison. Il veut utiliser à l`extrême, tous les recours de négociations possibles. Je crois que nous ne pourrons pas échapper à l`option militaire.
Recueillis par TL