L’homme d’affaires ivoiro-libanais et conseiller économique et social fait partie des personnalités figurant sur la liste de sanctions de l’Union européenne. Dans l’entretien qui suit, il assène ses vérités à l’Ue et se prononce sur la sortie de crise.
Comment avez-vous réagi à l’annonce de la nouvelle des sanctions contre vous par l’Union européenne ?
Roland Dagher : Ecoutez ! La meilleure réaction, c’est d’attendre la suite judiciaire de cette affaire.
Que voulez-vous dire ?
R.D. : Nous avons saisi la justice en Europe et ici pour avoir le motif réel de la sanction. Elle a été notifiée par quoi ? J’ai approché l’Union européenne et la réponse qui m’a été donnée par voie téléphonique était la suivante : je suis sanctionné pour soutien illicite au président Laurent Gbagbo. Voilà ce qui m’a été dit.
Donc, vous avez porté plainte contre l’Ue…
R.D. : Tout à fait. Ici et en Europe.
Depuis quand ?
R.D. : Nous avons porté plainte le 3 février dernier. Vous savez ! On est habitué à ce genre d’affaires de la part de la Communauté européenne et de la part de ceux qui n’aiment pas la Côte d’Ivoire. Il faut être pragmatique. Mes propos ne sont jamais allés contre le peuple qui m’a adopté.
Mes propos ont toujours été en faveur du peuple qui m’a adopté. Et si croyant asphyxier le président Gbagbo, on asphyxie indirectement le peuple, croyez-moi : un certain nombre de personnes et moi-même, nous nous dresserons comme un seul homme contre la Communauté européenne et les ambassades des pays de l’Ue.
Etes-vous aujourd’hui un homme dépité ?
R.D. : Vous devez me connaître…Depuis plus de quarante ans que je suis dans ce pays, mes messages ont été des messages d’apaisement. Je suis intervenu modestement pour tenter de régler un certain nombre de conflits. Je souhaiterais du fond du cœur- et je ne cesserai de le répéter- que le docteur Alassane Ouattara saisisse la main tendue du président Laurent Gbagbo pour discuter et sortir de la crise. Ce ne sont ni les émissaires, ni les soutiens extérieurs, ni encore la Communauté européenne qui régleront le problème ivoirien. Il y a eu des élections qui sont peut-être contestées mais, nous devons nous référer au Conseil constitutionnel qui est la haute juridiction en charge de statuer sur l’élection. Le Conseil constitutionnel a reconnu Laurent Gbagbo président de la République. A présent et compte tenu de la présente crise, nous ne pouvons qu’encourager des discussions entre le président Laurent Gbagbo et Alassane
Ouattara. J’implore le docteur Ouattara : plutôt que d’affamer la population, qu’il cherche à discuter avec son frère Laurent Gbagbo afin de trouver une solution au problème actuel.
Que vous inspire la situation socio-économique du pays ?
R.D. : Nous traversons une crise depuis près de dix (10) ans aggravée par une situation post-électorale difficile. Les premiers à souffrir de cette crise, ce sont les Ivoiriens et habitants de ce pays. Ce ne sont ni le docteur Ouattara, ni le président Gbagbo. Lorsque vous réalisez que le Smig est à 60.000 f. cfa ; qu’au même moment, le sac de riz est à 30.000 f.cfa. Qu’est-ce qui reste au pauvre travailleur pour se rendre à son lieu de service, prendre en charge sa famille ?
Aujourd’hui, je me pose la question : Alassane Ouattara souhaite que les Ivoiriens ne payent pas les impôts. On croit faire du tort au président Gbagbo mais à la réalité on fait du tort au pauvre travailleur. Et si demain, il arrivait à être président, il dirigera un pays en ruines. Ou bien voudrait-il diriger un pays avec des acquis ?
Comment appréhendez-vous les sanctions économiques contre la Côte d’Ivoire et celles contre certains responsables ivoiriens ?
R.D. : Ceux qui décident des sanctions ont leurs raisons. Mais je me pose plusieurs questions :
Comment ces sanctions sont-elles prises ? Dans quel sens ? Sont-ce des sanctions ciblées ? A-t-on pris une seule sanction contre les entreprises européennes installées en Côte d’Ivoire ? Sont-ce des sanctions ciblées contre une communauté en l’occurrence la communauté d’origine libanaise qu’on souhaite affaiblir et enfoncer le pays dans l’appauvrissement ? Je me permettrai de poser ces questions au chef de la diplomatie de l’Ue, Catherine Ashton qui s’était offusquée lorsque Nicolas Sarkozy avait expulsé les Roms de France ? Aujourd’hui, pense-t-elle un seul instant aux huit (8) millions d’étrangers en Côte d’Ivoire ? On ne peut pas ignorer que tôt ou tard, l’Ivoirien, acculé, finira par trouver un bouc-émissaire. Ce bouc-émissaire, ce n’est certainement pas l’Europe, puisqu’elle se trouve loin. Mais nos pauvres frères burkinabè, maliens, nigérians qui travaillent avec nous depuis 30 voire 40 ans dans la cohésion et qui- avec nous- ont construit ce pays. Faut-il les punir indirectement à travers des sanctions qui- de mon point de vue- n’ont aucun sens ? Je ne crois pas.
Quelles sont vos attentes vis-à-vis du panel de chefs d’Etat censé trouver une solution à la crise post-électorale ?
R.D. : Toute médiation est bonne par essence. Quand la case du voisin brûle- dit-on- il faut s’activer pour éteindre le feu. C’est une bonne chose que le panel arrive pour discuter. Seulement, il ne faut pas que les chefs d’Etat membres du panel débarquent avec des idées préconçues ; auquel cas, il n’y aura pas de solution. Il faut qu’ils viennent analyser les choses. Et l’un des premiers éléments, c’est que le docteur Alassane Ouattara ait des discussions directes avec le président Laurent Gbagbo.
Blaise Compaoré qui est membre du panel ne serait pas le bienvenu, selon les jeunes patriotes. Pensez-vous qu’il est préférable pour le président du Faso de ne pas se rendre à Abidjan bien que membre du panel ?
R.D. : Vous comprenez qu’aujourd’hui les jeunes patriotes soient en proie à un ras-le-bol eu égard à toute cette pression internationale. Il faut comprendre notre jeunesse. Cela dit, je pense qu’aucune autorité ne va récuser le président Blaise Compaoré. Mais, j’en suis à me demander intérieurement : quelle sera la position du président Blaise Compaoré quand depuis les élections, il a cessé de prendre Laurent Gbagbo au téléphone. Comment peut-il être juge et arbitre dans le panel ? Je pense tout de même qu’il lui faut venir ; qu’il vienne s’expliquer en présence de ses homologues venus des autres pays d’Afrique. C’est un point de vue personnel. Au-delà, je voudrais rassurer tous les Ivoiriens. Nous sommes passés par plusieurs crises. La crise présente sera surmontée. Je fais appel au bon sens des dirigeants, de part et d’autre. Je leur demande de se mettre à la table des négociations. S’il faut faire des négociations après une guerre, autant faire l’économie de la guerre. Je peux rassurer tout le monde que la Côte d’Ivoire est bénie de Dieu et qu’il n’y aura jamais de guerre en Côte d’Ivoire.
Réalisé par Kisselminan COULIBALY
Comment avez-vous réagi à l’annonce de la nouvelle des sanctions contre vous par l’Union européenne ?
Roland Dagher : Ecoutez ! La meilleure réaction, c’est d’attendre la suite judiciaire de cette affaire.
Que voulez-vous dire ?
R.D. : Nous avons saisi la justice en Europe et ici pour avoir le motif réel de la sanction. Elle a été notifiée par quoi ? J’ai approché l’Union européenne et la réponse qui m’a été donnée par voie téléphonique était la suivante : je suis sanctionné pour soutien illicite au président Laurent Gbagbo. Voilà ce qui m’a été dit.
Donc, vous avez porté plainte contre l’Ue…
R.D. : Tout à fait. Ici et en Europe.
Depuis quand ?
R.D. : Nous avons porté plainte le 3 février dernier. Vous savez ! On est habitué à ce genre d’affaires de la part de la Communauté européenne et de la part de ceux qui n’aiment pas la Côte d’Ivoire. Il faut être pragmatique. Mes propos ne sont jamais allés contre le peuple qui m’a adopté.
Mes propos ont toujours été en faveur du peuple qui m’a adopté. Et si croyant asphyxier le président Gbagbo, on asphyxie indirectement le peuple, croyez-moi : un certain nombre de personnes et moi-même, nous nous dresserons comme un seul homme contre la Communauté européenne et les ambassades des pays de l’Ue.
Etes-vous aujourd’hui un homme dépité ?
R.D. : Vous devez me connaître…Depuis plus de quarante ans que je suis dans ce pays, mes messages ont été des messages d’apaisement. Je suis intervenu modestement pour tenter de régler un certain nombre de conflits. Je souhaiterais du fond du cœur- et je ne cesserai de le répéter- que le docteur Alassane Ouattara saisisse la main tendue du président Laurent Gbagbo pour discuter et sortir de la crise. Ce ne sont ni les émissaires, ni les soutiens extérieurs, ni encore la Communauté européenne qui régleront le problème ivoirien. Il y a eu des élections qui sont peut-être contestées mais, nous devons nous référer au Conseil constitutionnel qui est la haute juridiction en charge de statuer sur l’élection. Le Conseil constitutionnel a reconnu Laurent Gbagbo président de la République. A présent et compte tenu de la présente crise, nous ne pouvons qu’encourager des discussions entre le président Laurent Gbagbo et Alassane
Ouattara. J’implore le docteur Ouattara : plutôt que d’affamer la population, qu’il cherche à discuter avec son frère Laurent Gbagbo afin de trouver une solution au problème actuel.
Que vous inspire la situation socio-économique du pays ?
R.D. : Nous traversons une crise depuis près de dix (10) ans aggravée par une situation post-électorale difficile. Les premiers à souffrir de cette crise, ce sont les Ivoiriens et habitants de ce pays. Ce ne sont ni le docteur Ouattara, ni le président Gbagbo. Lorsque vous réalisez que le Smig est à 60.000 f. cfa ; qu’au même moment, le sac de riz est à 30.000 f.cfa. Qu’est-ce qui reste au pauvre travailleur pour se rendre à son lieu de service, prendre en charge sa famille ?
Aujourd’hui, je me pose la question : Alassane Ouattara souhaite que les Ivoiriens ne payent pas les impôts. On croit faire du tort au président Gbagbo mais à la réalité on fait du tort au pauvre travailleur. Et si demain, il arrivait à être président, il dirigera un pays en ruines. Ou bien voudrait-il diriger un pays avec des acquis ?
Comment appréhendez-vous les sanctions économiques contre la Côte d’Ivoire et celles contre certains responsables ivoiriens ?
R.D. : Ceux qui décident des sanctions ont leurs raisons. Mais je me pose plusieurs questions :
Comment ces sanctions sont-elles prises ? Dans quel sens ? Sont-ce des sanctions ciblées ? A-t-on pris une seule sanction contre les entreprises européennes installées en Côte d’Ivoire ? Sont-ce des sanctions ciblées contre une communauté en l’occurrence la communauté d’origine libanaise qu’on souhaite affaiblir et enfoncer le pays dans l’appauvrissement ? Je me permettrai de poser ces questions au chef de la diplomatie de l’Ue, Catherine Ashton qui s’était offusquée lorsque Nicolas Sarkozy avait expulsé les Roms de France ? Aujourd’hui, pense-t-elle un seul instant aux huit (8) millions d’étrangers en Côte d’Ivoire ? On ne peut pas ignorer que tôt ou tard, l’Ivoirien, acculé, finira par trouver un bouc-émissaire. Ce bouc-émissaire, ce n’est certainement pas l’Europe, puisqu’elle se trouve loin. Mais nos pauvres frères burkinabè, maliens, nigérians qui travaillent avec nous depuis 30 voire 40 ans dans la cohésion et qui- avec nous- ont construit ce pays. Faut-il les punir indirectement à travers des sanctions qui- de mon point de vue- n’ont aucun sens ? Je ne crois pas.
Quelles sont vos attentes vis-à-vis du panel de chefs d’Etat censé trouver une solution à la crise post-électorale ?
R.D. : Toute médiation est bonne par essence. Quand la case du voisin brûle- dit-on- il faut s’activer pour éteindre le feu. C’est une bonne chose que le panel arrive pour discuter. Seulement, il ne faut pas que les chefs d’Etat membres du panel débarquent avec des idées préconçues ; auquel cas, il n’y aura pas de solution. Il faut qu’ils viennent analyser les choses. Et l’un des premiers éléments, c’est que le docteur Alassane Ouattara ait des discussions directes avec le président Laurent Gbagbo.
Blaise Compaoré qui est membre du panel ne serait pas le bienvenu, selon les jeunes patriotes. Pensez-vous qu’il est préférable pour le président du Faso de ne pas se rendre à Abidjan bien que membre du panel ?
R.D. : Vous comprenez qu’aujourd’hui les jeunes patriotes soient en proie à un ras-le-bol eu égard à toute cette pression internationale. Il faut comprendre notre jeunesse. Cela dit, je pense qu’aucune autorité ne va récuser le président Blaise Compaoré. Mais, j’en suis à me demander intérieurement : quelle sera la position du président Blaise Compaoré quand depuis les élections, il a cessé de prendre Laurent Gbagbo au téléphone. Comment peut-il être juge et arbitre dans le panel ? Je pense tout de même qu’il lui faut venir ; qu’il vienne s’expliquer en présence de ses homologues venus des autres pays d’Afrique. C’est un point de vue personnel. Au-delà, je voudrais rassurer tous les Ivoiriens. Nous sommes passés par plusieurs crises. La crise présente sera surmontée. Je fais appel au bon sens des dirigeants, de part et d’autre. Je leur demande de se mettre à la table des négociations. S’il faut faire des négociations après une guerre, autant faire l’économie de la guerre. Je peux rassurer tout le monde que la Côte d’Ivoire est bénie de Dieu et qu’il n’y aura jamais de guerre en Côte d’Ivoire.
Réalisé par Kisselminan COULIBALY