Ils auront tout essayé pour offrir à la Côte d’Ivoire une transition pacifique. Mais ils se sont heurtés à l’entêtement sourd et insensé de Laurent Gbagbo. Comme ils sont arrivés, les chefs d’Etat du panel de l’Union africaine sont retournés bredouille dans leurs pays respectifs. Jacob Zuma, Jikaya Kikwete, Idriss Déby et Mohamed Ould Abdel Aziz n’ont pas réussi à faire entendre raison à Laurent Gbagbo. Face à l’intransigeance de l’ancien chef de l’Etat, Jacob Zuma a plutôt cherché à vendre une sortie de crise inacceptable au président Alassane Ouattara. Reprendre les élections ou consacrer un partage de pouvoir où le chef d’Etat sortant aurait le beau rôle. C’est donc normal que le Panel des chefs d’Etat ait quitté la Côte d’Ivoire sans avoir trouvé une solution définitive à la crise postélectorale que vivent les Ivoiriens depuis 28 novembre 2010. Le mérite, si on peut le qualifier ainsi, de ce Panel est qu’il a permis à Laurent Gbagbo d’obtenir un mois de sursis. Jacob Zuma qui s’oppose à l’utilisation de la force contre Laurent Gbagbo, avait réussi à arracher à la dernière réunion du Conseil de Paix et de Sécurité le 18 janvier dernier à Addis Abeba, un répit d’un mois pour son nouvel ami. Aujourd’hui, avec l’échec programmé de Groupe de haut niveau de l’Union africaine, l’usage de la « force légitime » pour déloger Laurent Gbagbo revient sur la table. On se rappelle que dès les premières heures de la crise, la CEDEAO, dans une déclaration des chefs d’Etat, avait menacé de recourir à la force légitime au cas où Laurent Gbagbo s’entêtait à ne pas céder le pouvoir au vainqueur du second tour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Cette position, les présidents Goodluck Jonathan du Nigeria, président en exercice de l’organisation sous-régionale et Blaise Compaoré, facilitateur pendant trois ans dans la crise ivoirienne, l’ont crânement défendu devant Jacob Zuma et Robert Mugabe qui tentaient de faire croire aux autres chefs d’Etat que la crise en Côte d’Ivoire était plus électorale que politique. « Obtenir une solution à l’africaine » pour permettre au mauvais perdant d’avoir « une sortie honorable ». Telle était la plaidoirie des dirigeants de la SADC. Pour éviter que l’organisation africaine se fissure, un mois avait été accordé aux partisans de la « solution à l’africaine » pour raisonner le squatteur du palais du Plateau. Dans trois jours, le délai encouru ira à son terme. Et vu le cours des événements, les chances d’obtenir une solution négociée à la crise sont très minces. Compte tenu des divergences qui existent au sein du Panel, il ne faut pas beaucoup miser sur la dernière réunion qui aura lieu à la fin du moins à Nouakchott. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre kenyan Raila Odinga, au cours de sa dernière conférence de presse à Nairobi le 23 février dernier, est revenu sur l’option militaire pour faire plier Laurent Gbagbo. Selon le chef du gouvernement kenyan, les sanctions économiques contre Laurent Gbagbo et son clan sont en train de faire leurs effets. Mais M. Odinga a clairement précisé que la communauté internationale n’a pas l’intention de s’arrêter à cette option au cas elle n’aboutirait pas au départ de Laurent Gbagbo. « Si toutes ces mesures ne suscitent pas un changement de régime, alors bien sûr la force sera utilisée. Quand à savoir quand, je ne peux pas le dire exactement ici », a expliqué le Premier ministre kenyan au cours de cette conférence de presse. Contrairement à ce que tente de faire croire une certaine presse, Raila Odinga a révélé que cette décision est celle qui a été arrêtée d’un commun accord par les chefs d’Etat lors du 16e sommet de l’Union africaine en janvier dernier à Addis Abeba. « La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et l’Union africaine ont clairement indiqué qu’au cas où les négociations pacifiques ne débouchent pas sur un résultat positif, l’usage de la force légitime est une option qu’ils étudieront », a-t-il précisé. Comme l’on peut le constater, l’on s’achemine inexorablement vers une intervention militaire pour contraindre Laurent Gbagbo à rendre un fauteuil qu’il usurpe depuis bientôt trois mois. D’autant que, devant les tergiversations du Panel des chefs d’Etat de l’Union africaine, la CEDEAO a décidé de reprendre en main le dossier. Mercredi dernier, après le passage des quatre chefs d’Etat au Golf hôtel, James Victor Gbeho, le président de la Commission de la CEDEAO, est venu en urgence à Abidjan pour s’entretenir avec le président de la République. A l’issue de cette rencontre, il a clairement déclaré que pour la CEDEAO, c’est le président Alassane Ouattara qui est le président de la République de Côte d’Ivoire. Une déclaration qui met les pendules à l’heure et qui ouvre la voie à l’option militaire contre le régime vermoulu et sanguinaire de Laurent Gbagbo.
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly