Le Premier ministre Charles Konan Banny, nommé à la tête de la Commission Dialogue, vérité et réconciliation nationale était l’invité de Radio France Internationale, le mercredi 25 mai 2011. Au cours de son interview, il est revenu sur des sujets sensibles touchant l’actualité sociopolitique en Côte d’Ivoire. Ci-dessous, l’intégralité de son intervention
Cette commission dialogue, vérité, réconciliation, est-ce que ce n’est pas un gadget ?
Je ne suis pas un homme de gadget. Vous me connaissez depuis longtemps ; les ivoiriens me connaissent depuis longtemps ; je n’aime pas les gadgets, j’ai dépassé l’âge des gadgets.
Ça c’est d’un. Deuxièmement, j’ai accepté parce que je suis persuadé que c’est une commission d’utilité publique dont l’issue du travail est la condition sine qua non pour que la Côte d’Ivoire redevienne le pays que tout le monde a aimé, respecté ou craint.
Le risque n’est-il pas que les gens viennent demander pardon devant votre commission dans l’espoir d’échapper à la justice et qu’ils ne soient pas sincères ?
Le pardon n’est pas exclusif de la vérité et de la justice. Le droit de tout citoyen de demander réparation via l’administration judiciaire est un droit républicain donc on n’est pas là pour nous substituer à la loi.
Donc ce ne sera pas une lessiveuse, ça ne permettra pas aux gens de se blanchir trop facilement ?
Non, non, ça ne sera pas une lessiveuse, ça ne sera pas vu comme ça. La justice fera son travail. Nous sommes là pour créer les conditions de retrouvailles des ivoiriens dans la vérité. Le peuple ivoirien a besoin de comprendre ce qui lui est arrivé ; ça été un traumatisme profond. Moi qui vous parle, je ne comprends pas que des responsables ivoiriens aient pu en arriver là. Je veux comprendre.
Alassane Ouattara annonce que Laurent Gbagbo sera jugé, un procès ça divise. Est-ce que c’est compatible avec la réconciliation ?
Si je vous comprends bien pour qu’une société soit harmonieuse et unie il ne faut jamais de procès. Moi j’ai la conviction contraire. Ce qui est important : comment le procès est assuré.
Est-ce que c’est dans l’équité en respectant les droits des uns et des autres ? C’est ça qui est un problème donc il y aura des procès chacun devra répondre de ses actes devant les instances compétentes en la matière soit nationales soit internationales.
Vous êtes un membre du bureau politique du PDCI, il y a six mois vous avez fait campagne pour Bédié au premier tour et Ouattara au second tour, et beaucoup de gens au FPI disent ‘’mais il est très mal placé pour être le réconciliateur entre tout le monde’’…
Non, au contraire, les gens du FPI sont heureux que ce soit Charles Konan Banny qui soit président de cette commission parce que j’ai jamais rompu le dialogue avec les uns et les autres même avec Laurent Ggagbo. Mais il sait que je n’étais pas d’accord avec lui donc aucun membre du FPI n’est contre cela en tout cas. Au contraire, c’est la meilleure chose qui puisse leur arriver parce que, avec moi, ils parlent même quand on n’est pas d’accord, on parle quand même. Maintenant, je suis membre du PDCI mais je suis d’abord un citoyen indépendant d’esprit et je suis connu pour ça. Ceux qui m’aiment disent que j’ai un mauvais caractère. Quand on dit ça, c’est que vous êtes indépendant. Là, j’ai une mission, ce n’est pas une fonction, c’est une mission quand on parle de mission c’est quelque chose qui élève.
Je vais choquer ceux qui ne sont pas croyants mais c’est une mission divine. C’est Dieu qui réconcilie. Vous avez parlé de Desmond Tutu mais, n’était-il pas un membre de l’ANC ? Et cela ne l’a pas empêché de faire un travail remarquable.
Pendant les 5 mois de la grave crise est ce que vous avez maintenu le dialogue avec le camp Gbagbo ? Est-ce que vous avez parlé avec lui ?
Non, je n’ai pas parlé avec lui mais je sais que ce n’est pas l’envie qui leur a manqué. Seulement, il y un moment pour le dialogue et il y a un moment pour prendre ses responsabilités.
Vous parlez de mission divine vos deux premiers collaborateurs seront des chefs religieux : un musulman et un chrétien est-ce que dans le camp Gbagbo, il n’y a pas des responsables de la communauté chrétienne qui ont dérapé ces derniers mois ?
L’erreur, si ce n’est une faute, c’est que certains se sont un peu trop mêlés, sont rentrés dans la mêlée. Vous savez que j’aime le rugby et dans la mêlée on reçoit des coups. S’ils en ont pris, c’est qu’ils l’ont mérité. Vous savez quand c’est comme cela, il ne faut pas mêler les choses de l’esprit aux choses temporaires.
En Afrique du Sud, la commission vérité et réconciliation a duré 5 ans, en Côte d’Ivoire combien de temps vous donnez-vous ?
Il faut se donner le temps qu’il fau. Ca peut se terminer dans un an. Ca serait très bien mais il ne faut pas se dire qu’impérativement ça doit être fini dans un an. Et si ce n’est pas dans un an, qu’est-ce qu’on fait ? Moi, je tiens à ma crédibilité.
Est-ce que ça veut dire que Charles Konan Banny à 68 ans, vous renoncez à la vie politique active ?
Ça veut dire quoi ? Pourquoi, moi je suis un citoyen de Côte d’Ivoire, rien ne peut m’enlever une responsabilité si je la sens. Je sais bien que dans les officines, il y a quelques stratèges soi-disant qui estiment qu’on lui a donné ça pour l’enterrer mais personne ne peut m’enterrer.
Et ceux qui peuvent, ils iront au suffrage universel. C’est le peuple qui donne le pouvoir ce n’est pas quelques petits ou grands fonctionnaires qui sont ici et là qui sont, soit politiques ou autres, qui déterminent la vie des gens. Donc moi, je ne vois pas le problème comme çà. Je considère qu’il y a une mission importante qui m’a été donnée par le Président de la République….
Vous êtes un vieux militant Pdci de toujours la grande question, est la succession de Henri Konan Bédié (77 ans). Est-ce que vous y pensez ?
Je ne peux pas vous dire que j’y pense en me rasant tous les matins mais je vais être court.
L’avenir du PDCI m’interpelle, mais je tiens aussi à la famille des houphouëtistes. Ce à quoi je rêve, c’est que tous les enfants de Félix Houphouët-Boigny reviennent à la maison.
Donc, il faut que le RDR revienne au PDCI ?
C’est une manière de voir les choses, pourquoi pas ? Pourquoi on veut exclure ça. Moi, je tiens au PDCI-RDA comme parti de rassemblement, de dialogue et de fraternité.
La présidentielle de 2015, est-ce que vous y pensez en vous rasant le matin ?
(Soupir). Est-ce que vous ne pensez pas que la mission qui m’est confiée est tellement risquée que franchement…Ce chantier est, celui du président Ouattara. Donnons le temps au temps.
Donc à la présidentielle 2015, vous serez candidat si Alassane ne se présente pas ?
Mais, écoutez…
Propos retranscrits par Franck O.
Cette commission dialogue, vérité, réconciliation, est-ce que ce n’est pas un gadget ?
Je ne suis pas un homme de gadget. Vous me connaissez depuis longtemps ; les ivoiriens me connaissent depuis longtemps ; je n’aime pas les gadgets, j’ai dépassé l’âge des gadgets.
Ça c’est d’un. Deuxièmement, j’ai accepté parce que je suis persuadé que c’est une commission d’utilité publique dont l’issue du travail est la condition sine qua non pour que la Côte d’Ivoire redevienne le pays que tout le monde a aimé, respecté ou craint.
Le risque n’est-il pas que les gens viennent demander pardon devant votre commission dans l’espoir d’échapper à la justice et qu’ils ne soient pas sincères ?
Le pardon n’est pas exclusif de la vérité et de la justice. Le droit de tout citoyen de demander réparation via l’administration judiciaire est un droit républicain donc on n’est pas là pour nous substituer à la loi.
Donc ce ne sera pas une lessiveuse, ça ne permettra pas aux gens de se blanchir trop facilement ?
Non, non, ça ne sera pas une lessiveuse, ça ne sera pas vu comme ça. La justice fera son travail. Nous sommes là pour créer les conditions de retrouvailles des ivoiriens dans la vérité. Le peuple ivoirien a besoin de comprendre ce qui lui est arrivé ; ça été un traumatisme profond. Moi qui vous parle, je ne comprends pas que des responsables ivoiriens aient pu en arriver là. Je veux comprendre.
Alassane Ouattara annonce que Laurent Gbagbo sera jugé, un procès ça divise. Est-ce que c’est compatible avec la réconciliation ?
Si je vous comprends bien pour qu’une société soit harmonieuse et unie il ne faut jamais de procès. Moi j’ai la conviction contraire. Ce qui est important : comment le procès est assuré.
Est-ce que c’est dans l’équité en respectant les droits des uns et des autres ? C’est ça qui est un problème donc il y aura des procès chacun devra répondre de ses actes devant les instances compétentes en la matière soit nationales soit internationales.
Vous êtes un membre du bureau politique du PDCI, il y a six mois vous avez fait campagne pour Bédié au premier tour et Ouattara au second tour, et beaucoup de gens au FPI disent ‘’mais il est très mal placé pour être le réconciliateur entre tout le monde’’…
Non, au contraire, les gens du FPI sont heureux que ce soit Charles Konan Banny qui soit président de cette commission parce que j’ai jamais rompu le dialogue avec les uns et les autres même avec Laurent Ggagbo. Mais il sait que je n’étais pas d’accord avec lui donc aucun membre du FPI n’est contre cela en tout cas. Au contraire, c’est la meilleure chose qui puisse leur arriver parce que, avec moi, ils parlent même quand on n’est pas d’accord, on parle quand même. Maintenant, je suis membre du PDCI mais je suis d’abord un citoyen indépendant d’esprit et je suis connu pour ça. Ceux qui m’aiment disent que j’ai un mauvais caractère. Quand on dit ça, c’est que vous êtes indépendant. Là, j’ai une mission, ce n’est pas une fonction, c’est une mission quand on parle de mission c’est quelque chose qui élève.
Je vais choquer ceux qui ne sont pas croyants mais c’est une mission divine. C’est Dieu qui réconcilie. Vous avez parlé de Desmond Tutu mais, n’était-il pas un membre de l’ANC ? Et cela ne l’a pas empêché de faire un travail remarquable.
Pendant les 5 mois de la grave crise est ce que vous avez maintenu le dialogue avec le camp Gbagbo ? Est-ce que vous avez parlé avec lui ?
Non, je n’ai pas parlé avec lui mais je sais que ce n’est pas l’envie qui leur a manqué. Seulement, il y un moment pour le dialogue et il y a un moment pour prendre ses responsabilités.
Vous parlez de mission divine vos deux premiers collaborateurs seront des chefs religieux : un musulman et un chrétien est-ce que dans le camp Gbagbo, il n’y a pas des responsables de la communauté chrétienne qui ont dérapé ces derniers mois ?
L’erreur, si ce n’est une faute, c’est que certains se sont un peu trop mêlés, sont rentrés dans la mêlée. Vous savez que j’aime le rugby et dans la mêlée on reçoit des coups. S’ils en ont pris, c’est qu’ils l’ont mérité. Vous savez quand c’est comme cela, il ne faut pas mêler les choses de l’esprit aux choses temporaires.
En Afrique du Sud, la commission vérité et réconciliation a duré 5 ans, en Côte d’Ivoire combien de temps vous donnez-vous ?
Il faut se donner le temps qu’il fau. Ca peut se terminer dans un an. Ca serait très bien mais il ne faut pas se dire qu’impérativement ça doit être fini dans un an. Et si ce n’est pas dans un an, qu’est-ce qu’on fait ? Moi, je tiens à ma crédibilité.
Est-ce que ça veut dire que Charles Konan Banny à 68 ans, vous renoncez à la vie politique active ?
Ça veut dire quoi ? Pourquoi, moi je suis un citoyen de Côte d’Ivoire, rien ne peut m’enlever une responsabilité si je la sens. Je sais bien que dans les officines, il y a quelques stratèges soi-disant qui estiment qu’on lui a donné ça pour l’enterrer mais personne ne peut m’enterrer.
Et ceux qui peuvent, ils iront au suffrage universel. C’est le peuple qui donne le pouvoir ce n’est pas quelques petits ou grands fonctionnaires qui sont ici et là qui sont, soit politiques ou autres, qui déterminent la vie des gens. Donc moi, je ne vois pas le problème comme çà. Je considère qu’il y a une mission importante qui m’a été donnée par le Président de la République….
Vous êtes un vieux militant Pdci de toujours la grande question, est la succession de Henri Konan Bédié (77 ans). Est-ce que vous y pensez ?
Je ne peux pas vous dire que j’y pense en me rasant tous les matins mais je vais être court.
L’avenir du PDCI m’interpelle, mais je tiens aussi à la famille des houphouëtistes. Ce à quoi je rêve, c’est que tous les enfants de Félix Houphouët-Boigny reviennent à la maison.
Donc, il faut que le RDR revienne au PDCI ?
C’est une manière de voir les choses, pourquoi pas ? Pourquoi on veut exclure ça. Moi, je tiens au PDCI-RDA comme parti de rassemblement, de dialogue et de fraternité.
La présidentielle de 2015, est-ce que vous y pensez en vous rasant le matin ?
(Soupir). Est-ce que vous ne pensez pas que la mission qui m’est confiée est tellement risquée que franchement…Ce chantier est, celui du président Ouattara. Donnons le temps au temps.
Donc à la présidentielle 2015, vous serez candidat si Alassane ne se présente pas ?
Mais, écoutez…
Propos retranscrits par Franck O.