Dans cette interview sur Radio France internationale, la première qu’il accorde depuis sa nomination en qualité de président de la Commission ‘’dialogue, vérité et réconciliation’’, Charles Konan Banny estime que la réconciliation nationale ne saurait se faire sans la justice.
l Est-ce que la Commission dialogue, vérité et réconciliation n’est pas un gadget ?
D’un, je ne suis pas un homme de gadget. Les Ivoiriens me connaissent depuis longtemps, je ne suis pas un homme de gadget. J’ai dépassé l’âge des gadgets. Deuxièmement, j’ai accepté parce que je suis persuadé que c’est une commission d’utilité publique dont l’issue du travail est la condition sine qua non pour que la Côte d’Ivoire redevienne le pays que tout le monde a aimé, respecté ou craint.
l Le risque n’est-il pas que les gens viennent demander pardon devant votre commission dans l’espoir d’échapper à la justice et qu’ils ne soient pas sincères en réalité ?
Le pardon n’est pas exclusif de la vérité et de la justice. Le droit de tout citoyen de demander réparation via l’administration judiciaire est un droit républicain. Donc, nous ne sommes pas là pour nous substituer à la loi.
l Donc ce ne sera pas une lessiveuse, ça ne permettra pas aux gens de venir se blanchir très facilement ?
Non ! Ça ne sera pas une lessiveuse. Ça ne sera pas vu comme cela. La justice fera son travail. Nous sommes-là pour créer les conditions de retrouvailles des Ivoiriens, dans la vérité. Le peuple ivoirien a besoin de comprendre ce qui lui est arrivé. Ç’a été un traumatisme profond. Moi particulièrement, je ne comprends pas pourquoi des responsables ivoiriens ont pu en arriver là. Je veux donc comprendre.
l Alassane Ouattara annonce que Laurent Gbagbo sera jugé. Un procès, ça divise ; est-ce que c’est compatible avec la réconciliation ?
Si je vous comprends bien, pour que la société soit harmonieuse et unie, il ne faut jamais de procès. Moi, j’ai la conviction du contraire. Ce qui est important, c’est comment le procès est assuré, est-ce que c’est dans l’équité, est-ce que c’est en respectant les droits des uns et des autres. C’est cela qui est important. Donc probablement, il y aura des procès. Chacun devra répondre devant les instances compétentes en la matière, soit nationales, soit internationales.
l Vous êtes un membre du bureau politique du Pdci-Rda. Il y a 6 mois, vous avez fait campagne pour Bédié au premier tour et pour Ouattara au second tour. Beaucoup de gens au Fpi estiment que vous êtes mal placé pour être le réconciliateur entre tout le monde…
Non ! Au contraire, les gens du Fpi sont heureux que ce soit Charles Konan Banny qui soit le président de cette commission parce que je n’ai jamais rompu le dialogue avec les uns et les autres, pas même avec Laurent Gbagbo quoiqu’il sait que je n’ai pas été d’accord avec lui. Au contraire, c’est la meilleure chose qui puisse leur arriver parce qu’avec moi, ils parlent et ils savent que quand on n’est pas d’accord, on parle. Ceci étant dit, je suis membre du Pdci mais, je suis avant tout un citoyen indépendant d’esprit. Je crois que je suis connu comme cela. Ceux qui m’aiment disent que j’ai mauvais caractère. Quand on dit ça, c’est que vous êtes indépendant. Parce que là, j’ai une mission, pas une fonction. La mission, c’est quelque chose qui élève. C’est une mission divine parce que c’est Dieu qui réconcilie. Ne me comparez-vous pas à Desmond Tutu ? Eh bien, Desmond Tutu n’était-il pas membre de l’Anc (Congrès national africain, Ndlr) ? Cela ne l’a pas pourtant empêché de faire un travail remarquable.
l Pendant les cinq mois de la grave crise, est-ce que vous avez maintenu le dialogue avec le camp Gbagbo ? Est-ce que vous avez parlé avec lui par exemple ?
Non, je n’ai pas parlé avec lui mais je sais que ce n’est pas l’envie qui a manqué. Seulement, il y a un moment pour toute chose. Il y a un moment pour le dialogue, il y a un moment pour prendre ses responsabilités.
l Vous parlez de mission divine, vos deux premiers collaborateurs seront des chefs religieux, un musulman et un chrétien. Est-ce que dans le camp Gbagbo, il n’y a pas des responsables de la communauté chrétienne qui ont dérapé ces derniers mois ?
Ce qu’il faut relever, c’est que certains se sont un peu trop mêlés. Ils sont entrés dans la mêlée. Vous savez que j’aime le rugby non ? Quand on est dans la mêlée, on reçoit des coups. Ils en ont pris et s’ils en ont pris, c’est qu’ils l’ont mérité. Quand c’est comme cela, il ne faut pas mêler les choses de l’esprit aux choses temporelles.
l En Afrique du Sud, la Commission vérité et réconciliation a duré cinq ans. En Côte d’Ivoire, combien de temps vous donnez-vous ?
Il faut se donner le temps qu’il faut. Ça peut se terminer dans un an, ça sera très bien. Mais, il ne faut pas se dire qu’impérativement, ça doit être fini dans un an. Si ce n’est pas fini, qu’est-ce qu’on fait ? Moi, je tiens à ma crédibilité.
l Est-ce que cela veut dire qu’à 68 ans, vous renoncez à la vie politique active ?
Ça veut dire quoi et pourquoi ? Je suis un citoyen ivoirien et rien ne peut m’enlever une responsabilité si je la sens. Je sais très bien que dans les officines et quelques soi-disant stratèges pensent qu’on lui a donné ça pour l’enterrer. Personne ne peut m’enterrer. Ceux qui peuvent iront. Dans le suffrage universel, c’est le peuple qui donne le pouvoir. Ce ne sont pas de petits ou grands fonctionnaires politiques ou non, ici et là qui déterminent l’avenir politique. Moi, je ne vois pas les problèmes comme cela. Je considère qu’il y a une mission importante qui m’a été confiée, de surcroît par le président de la République qui plus est un ami. Et ça, vous le savez. Donc, on n’en est pas là.
l Vous êtes un vieux militant du Pdci de toujours. C’est votre parti. La grande question, aujourd’hui, c’est la succession d’Henri Konan Bédié, 77 ans. Est-ce que vous y pensez ?
Je ne vais pas vous dire que j’y pense chaque jour en me rasant. Non ! Franchement, je vais être cohérent. La vie du Pdci m’interpelle mais, je tiens aussi à la famille houphouétiste. Ceux à quoi je rêve, c’est que tous les enfants de Félix Houphouet-Boigny reviennent à la maison.
l Faut-il donc que le Rdr revienne au Pdci ?
C’est une façon de voir les choses. Pourquoi doit-on exclure cette hypothèse ? Moi je tiens au Pdci comme parti de rassemblement, de dialogue, de fraternité.
l Pensez-vous à la présidentielle de 2015 en vous rasant chaque matin ?
Ne pensez-vous pas que la mission qui m’a été confiée est tellement risquée et que forcément, ce chantier est celui du président Ouattara. Donnons du temps au temps.
l Donc en 2015, vous serez candidat, sauf si Alassane Ouattara se représente…
Voyons, je laisse tout ça à Dieu.
Propos recueillis sur Rfi par Marc Dossa
l Est-ce que la Commission dialogue, vérité et réconciliation n’est pas un gadget ?
D’un, je ne suis pas un homme de gadget. Les Ivoiriens me connaissent depuis longtemps, je ne suis pas un homme de gadget. J’ai dépassé l’âge des gadgets. Deuxièmement, j’ai accepté parce que je suis persuadé que c’est une commission d’utilité publique dont l’issue du travail est la condition sine qua non pour que la Côte d’Ivoire redevienne le pays que tout le monde a aimé, respecté ou craint.
l Le risque n’est-il pas que les gens viennent demander pardon devant votre commission dans l’espoir d’échapper à la justice et qu’ils ne soient pas sincères en réalité ?
Le pardon n’est pas exclusif de la vérité et de la justice. Le droit de tout citoyen de demander réparation via l’administration judiciaire est un droit républicain. Donc, nous ne sommes pas là pour nous substituer à la loi.
l Donc ce ne sera pas une lessiveuse, ça ne permettra pas aux gens de venir se blanchir très facilement ?
Non ! Ça ne sera pas une lessiveuse. Ça ne sera pas vu comme cela. La justice fera son travail. Nous sommes-là pour créer les conditions de retrouvailles des Ivoiriens, dans la vérité. Le peuple ivoirien a besoin de comprendre ce qui lui est arrivé. Ç’a été un traumatisme profond. Moi particulièrement, je ne comprends pas pourquoi des responsables ivoiriens ont pu en arriver là. Je veux donc comprendre.
l Alassane Ouattara annonce que Laurent Gbagbo sera jugé. Un procès, ça divise ; est-ce que c’est compatible avec la réconciliation ?
Si je vous comprends bien, pour que la société soit harmonieuse et unie, il ne faut jamais de procès. Moi, j’ai la conviction du contraire. Ce qui est important, c’est comment le procès est assuré, est-ce que c’est dans l’équité, est-ce que c’est en respectant les droits des uns et des autres. C’est cela qui est important. Donc probablement, il y aura des procès. Chacun devra répondre devant les instances compétentes en la matière, soit nationales, soit internationales.
l Vous êtes un membre du bureau politique du Pdci-Rda. Il y a 6 mois, vous avez fait campagne pour Bédié au premier tour et pour Ouattara au second tour. Beaucoup de gens au Fpi estiment que vous êtes mal placé pour être le réconciliateur entre tout le monde…
Non ! Au contraire, les gens du Fpi sont heureux que ce soit Charles Konan Banny qui soit le président de cette commission parce que je n’ai jamais rompu le dialogue avec les uns et les autres, pas même avec Laurent Gbagbo quoiqu’il sait que je n’ai pas été d’accord avec lui. Au contraire, c’est la meilleure chose qui puisse leur arriver parce qu’avec moi, ils parlent et ils savent que quand on n’est pas d’accord, on parle. Ceci étant dit, je suis membre du Pdci mais, je suis avant tout un citoyen indépendant d’esprit. Je crois que je suis connu comme cela. Ceux qui m’aiment disent que j’ai mauvais caractère. Quand on dit ça, c’est que vous êtes indépendant. Parce que là, j’ai une mission, pas une fonction. La mission, c’est quelque chose qui élève. C’est une mission divine parce que c’est Dieu qui réconcilie. Ne me comparez-vous pas à Desmond Tutu ? Eh bien, Desmond Tutu n’était-il pas membre de l’Anc (Congrès national africain, Ndlr) ? Cela ne l’a pas pourtant empêché de faire un travail remarquable.
l Pendant les cinq mois de la grave crise, est-ce que vous avez maintenu le dialogue avec le camp Gbagbo ? Est-ce que vous avez parlé avec lui par exemple ?
Non, je n’ai pas parlé avec lui mais je sais que ce n’est pas l’envie qui a manqué. Seulement, il y a un moment pour toute chose. Il y a un moment pour le dialogue, il y a un moment pour prendre ses responsabilités.
l Vous parlez de mission divine, vos deux premiers collaborateurs seront des chefs religieux, un musulman et un chrétien. Est-ce que dans le camp Gbagbo, il n’y a pas des responsables de la communauté chrétienne qui ont dérapé ces derniers mois ?
Ce qu’il faut relever, c’est que certains se sont un peu trop mêlés. Ils sont entrés dans la mêlée. Vous savez que j’aime le rugby non ? Quand on est dans la mêlée, on reçoit des coups. Ils en ont pris et s’ils en ont pris, c’est qu’ils l’ont mérité. Quand c’est comme cela, il ne faut pas mêler les choses de l’esprit aux choses temporelles.
l En Afrique du Sud, la Commission vérité et réconciliation a duré cinq ans. En Côte d’Ivoire, combien de temps vous donnez-vous ?
Il faut se donner le temps qu’il faut. Ça peut se terminer dans un an, ça sera très bien. Mais, il ne faut pas se dire qu’impérativement, ça doit être fini dans un an. Si ce n’est pas fini, qu’est-ce qu’on fait ? Moi, je tiens à ma crédibilité.
l Est-ce que cela veut dire qu’à 68 ans, vous renoncez à la vie politique active ?
Ça veut dire quoi et pourquoi ? Je suis un citoyen ivoirien et rien ne peut m’enlever une responsabilité si je la sens. Je sais très bien que dans les officines et quelques soi-disant stratèges pensent qu’on lui a donné ça pour l’enterrer. Personne ne peut m’enterrer. Ceux qui peuvent iront. Dans le suffrage universel, c’est le peuple qui donne le pouvoir. Ce ne sont pas de petits ou grands fonctionnaires politiques ou non, ici et là qui déterminent l’avenir politique. Moi, je ne vois pas les problèmes comme cela. Je considère qu’il y a une mission importante qui m’a été confiée, de surcroît par le président de la République qui plus est un ami. Et ça, vous le savez. Donc, on n’en est pas là.
l Vous êtes un vieux militant du Pdci de toujours. C’est votre parti. La grande question, aujourd’hui, c’est la succession d’Henri Konan Bédié, 77 ans. Est-ce que vous y pensez ?
Je ne vais pas vous dire que j’y pense chaque jour en me rasant. Non ! Franchement, je vais être cohérent. La vie du Pdci m’interpelle mais, je tiens aussi à la famille houphouétiste. Ceux à quoi je rêve, c’est que tous les enfants de Félix Houphouet-Boigny reviennent à la maison.
l Faut-il donc que le Rdr revienne au Pdci ?
C’est une façon de voir les choses. Pourquoi doit-on exclure cette hypothèse ? Moi je tiens au Pdci comme parti de rassemblement, de dialogue, de fraternité.
l Pensez-vous à la présidentielle de 2015 en vous rasant chaque matin ?
Ne pensez-vous pas que la mission qui m’a été confiée est tellement risquée et que forcément, ce chantier est celui du président Ouattara. Donnons du temps au temps.
l Donc en 2015, vous serez candidat, sauf si Alassane Ouattara se représente…
Voyons, je laisse tout ça à Dieu.
Propos recueillis sur Rfi par Marc Dossa