Il y a quelques jours, de récurrentes informations faisaient état de retraits anormaux de nombreux corps de certaines morgues du District d’Abidjan voire de cas de disparition. Des parents de victimes s'en seraient même plaints. Informés de ces faits, nous avons, pendant quelques jours, sillonné quelques-uns de ces établissements.
Aux morgues du Chu de Treichville, de Yopougon et d'Anyama, notre objectif est d’en savoir davantage sur cette affaire qui défraie la chronique dans la cité abidjanaise : les retraits anormaux de corps dans des morgues. Une incursion, le jeudi 26 mai 2011, à la morgue d'Anyama nous permet de nous rendre compte que les conditions d'entretien de corps se sont nettement améliorées. Nous remarquons qu’au parc automobile, cinq corbillards stationnés, attendent. Ce n’est pas l’affluence des grands jours. En attendant, les chauffeurs sont assis juste en face, sur un long banc. Le vigile à qui nous nous présentons, nous conduit immédiatement à la direction générale. Là-bas, nous sommes reçus par une dame qui a requis l’anonymat. Lorsque nous lui demandons si des transferts de corps anormaux avaient été enregistrés à la morgue d’Anyama, elle est embarrassée. « ... Ici, nous n'avons jamais été confrontés à ce genre de problème. Tout se passe très bien et les parents viennent normalement retirer leurs corps pour les inhumer », déclare-t-elle. Nous lui révelons que l’affaire avait fait grand bruit. « Tout ce qu’on raconte n’est pas vrai. C’est faux !», rétorque-t-elle. Elle se refuse à en dire plus sur le sujet lorsque nous la questionnons sur la direction prise par les innombrables corps ramassés dans les rues et conduits à la morgue d’Anyama par la Croix rouge et Médecins Sans frontières, lors de la crise post-électorale. Et elle écourte l’entretien. « Je ne peux pas répondre à cette question. Vous les journalistes, vous en posez trop. Le directeur est mieux placé pour vous répondre », indique-t-elle. Sur ce, nous prenons congé d’elle, non sans tenter en vain de joindre le directeur de la morgue. Les numéros qui nous ont été transmis ne sont pas fonctionnels. Par la suite, nous décidons de nous adresser à un autre employé. Une fois encore, l’omerta semble de mise. Personne ne tient à s’étendre sur la question. Même, les conducteurs de corbillards, au nombre desquels figurait une dame, n'ont daigné donner leur point de vue sur cette affaire. Toutefois, un habitant nous confie sur place, sous le sceau de l'anonymat, avoir été témoin des mouvements suspects de transferts de corps. «A un moment des combats, la morgue était très remplie. Et la situation devenait intenable puisque les conditions d'entretien des corps s'étaient considérablement détériorées. Des nuits, nous avons vu des gens aller et venir à la morgue. C’était très suspect», fait-il remarquer. L’information a été confirmée par une autre riveraine de ce faubourg. « C'est un business qui se passe en silence. Les parents de défunts qui n'ont pas assez d'argent paient un peu de sou pour récupérer leur corps sans remplir toutes les formalités pour l'inhumation. C'est la nuit que tous les mouvements se font après un arrangement à l'amiable» apprend-elle. Toutes nos tentatives pour avoir la version de la direction générale de la morgue d'Anyama, sur ces faits d'une extrême gravité, restent sans suite. Après Anyama, nous mettons le cap sur la morgue du Chu de Yopougon. Dans cet établissement, nous sommes éconduits par un vigile, sous prétexte qu'il est formellement interdit à la presse d'y avoir accès. Notre insistance ne changera pas d'un iota sa position. Sans perdre de temps, nous quittons les lieux. Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons pour échanger avec un fabricant de cercueils. «Pendant les affrontements, beaucoup de corps arrivaient à la morgue. Il y a de cela quelques semaines, la Croix Rouge était là avec de nombreux corps. On nous a dit que c'était des miliciens et mercenaires tués lors des combats », fait savoir Thomas, fabricant de cercueils d'origine ghanéenne. Installé à quelques encablures de la morgue du Chu de Yopougon, ce dernier déplore le fait que «depuis la crise, c'est dur pour nous et ça ne marche plus. A cause de la situation, les gens enterrent sans cercueil leur corps mais le plus souvent dans leurs maisons ». Et Thomas de signaler que des cas de retraits suspects de corps lui ont été rapportés. « Ce sont des amis qui me l'ont dit mais moi-même, je n'ai pas été témoin de ce genre de choses», précise-t-il. Une vendeuse de banane braisée, dévisant juste à côté avec deux jeunes, indique aussi avoir appris ces pratiques. Par ailleurs, elle s'inquiète d'éventuelles épidémies. «C'est vrai que les choses se sont améliorées mais l’air devient des fois irrespirable. Et l'odeur de plus en plus insupportable. Et nous craignons des épidémies dans les jours à venir », prévient-elle. Ce laps de temps passé dans ces deux morgues, nous a instruits sur le fait que ces lieux doivent être assainis afin d'éviter que ne se propagent des maladies qu’on ne pourra pas circonscrire.
Des assurances à Treichville
Bien avant Anyama et Yopougon, nous étions à Treichville, précisément à la morgue du Chu. Il était10h, quand nous y arrivions. Un silence de cimetière nous frappe. L’affluence n’est pas celle des jours précédents, nous confie un parent de défunt. «Dieu merci, aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup d’hommes. Les conditions dans cette morgue se sont nettement améliorées. Sinon, il y a quelques semaines, tout était débordé ici. On a frôlé le pire », fait-il remarquer. Par ailleurs, dame Diaby Mamou, parente d’un patient interné au Chu de Treichville, confirme les informations de notre premier interlocuteur. En effet, elle estime que la situation s’est considérablement améliorée. « C’était difficile de respirer. Les casiers étaient pleins et les cadavres trainaient partout. Les malades et parents de malades ont fortement été éprouvés à cause de l'odeur pestilentielle qui se répandait partout dans les salles du Chu», décrie-t-elle. Avant que nous n’ayons accès à la salle d’accueil de la morgue, nos regards sont attirés par la présence d’un corbillard. Le chauffeur qui y est confortablement assis, est plongé dans les bras de Morphée. Nous sommes interpellés par un homme en blouse blanche portant des gants. Il fait partie des employés de cette morgue. Nous nous présentons et lui faisons cas des raisons de notre présence. Les instants qui suivent, l'homme arbore un air grave. «Qui vous a dit que des corps ont disparu ici?», nous interroge-t-il. Nous lui rétorquons qu’il s’agit d’informations que nous voulons vérifier. «C’est faux! Il n’en est rien. Déjà, des parents de défunts sont venus prendre leurs morts pour aller les inhumer», insiste-t-il. Et de révéler qu’aucun mort n’a disparu de la morgue de Treichville, la capacité de ces établissements ayant été renforcée. Information confirmée par une source de la Direction générale d’Ivosep avec qui nous échangeons. «Aucun corps n’a disparu. Je confirme qu’il n’y a pas de disparition de corps ici. Tout est fait chez nous de manière claire. Parce que nous travaillons dans la transparence», indique notre source. A propos de l’ultimatum qu'Ivosep avait lancé aux parents de défunts afin qu’ils viennent retirer leurs corps avant la date du 19 mai 2011, elle a tenu à faire des éclairages. «Il faut qu’on soit clair, rien ne va arriver aux corps si leurs parents ne viennent pas les chercher. Nous voulons seulement qu’ils se rapprochent de nous le plus tôt possible pour l’inhumation de leurs parents», souligne notre source. Aussi n'oublie-t-elle pas de préciser que l’objectif est de se mettre en accord avec les parents des défunts afin ‘’d'éviter, au dernier moment, les problèmes de remises sur les frais d’entretien des corps''.
DIARRA Tiémoko
Aux morgues du Chu de Treichville, de Yopougon et d'Anyama, notre objectif est d’en savoir davantage sur cette affaire qui défraie la chronique dans la cité abidjanaise : les retraits anormaux de corps dans des morgues. Une incursion, le jeudi 26 mai 2011, à la morgue d'Anyama nous permet de nous rendre compte que les conditions d'entretien de corps se sont nettement améliorées. Nous remarquons qu’au parc automobile, cinq corbillards stationnés, attendent. Ce n’est pas l’affluence des grands jours. En attendant, les chauffeurs sont assis juste en face, sur un long banc. Le vigile à qui nous nous présentons, nous conduit immédiatement à la direction générale. Là-bas, nous sommes reçus par une dame qui a requis l’anonymat. Lorsque nous lui demandons si des transferts de corps anormaux avaient été enregistrés à la morgue d’Anyama, elle est embarrassée. « ... Ici, nous n'avons jamais été confrontés à ce genre de problème. Tout se passe très bien et les parents viennent normalement retirer leurs corps pour les inhumer », déclare-t-elle. Nous lui révelons que l’affaire avait fait grand bruit. « Tout ce qu’on raconte n’est pas vrai. C’est faux !», rétorque-t-elle. Elle se refuse à en dire plus sur le sujet lorsque nous la questionnons sur la direction prise par les innombrables corps ramassés dans les rues et conduits à la morgue d’Anyama par la Croix rouge et Médecins Sans frontières, lors de la crise post-électorale. Et elle écourte l’entretien. « Je ne peux pas répondre à cette question. Vous les journalistes, vous en posez trop. Le directeur est mieux placé pour vous répondre », indique-t-elle. Sur ce, nous prenons congé d’elle, non sans tenter en vain de joindre le directeur de la morgue. Les numéros qui nous ont été transmis ne sont pas fonctionnels. Par la suite, nous décidons de nous adresser à un autre employé. Une fois encore, l’omerta semble de mise. Personne ne tient à s’étendre sur la question. Même, les conducteurs de corbillards, au nombre desquels figurait une dame, n'ont daigné donner leur point de vue sur cette affaire. Toutefois, un habitant nous confie sur place, sous le sceau de l'anonymat, avoir été témoin des mouvements suspects de transferts de corps. «A un moment des combats, la morgue était très remplie. Et la situation devenait intenable puisque les conditions d'entretien des corps s'étaient considérablement détériorées. Des nuits, nous avons vu des gens aller et venir à la morgue. C’était très suspect», fait-il remarquer. L’information a été confirmée par une autre riveraine de ce faubourg. « C'est un business qui se passe en silence. Les parents de défunts qui n'ont pas assez d'argent paient un peu de sou pour récupérer leur corps sans remplir toutes les formalités pour l'inhumation. C'est la nuit que tous les mouvements se font après un arrangement à l'amiable» apprend-elle. Toutes nos tentatives pour avoir la version de la direction générale de la morgue d'Anyama, sur ces faits d'une extrême gravité, restent sans suite. Après Anyama, nous mettons le cap sur la morgue du Chu de Yopougon. Dans cet établissement, nous sommes éconduits par un vigile, sous prétexte qu'il est formellement interdit à la presse d'y avoir accès. Notre insistance ne changera pas d'un iota sa position. Sans perdre de temps, nous quittons les lieux. Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons pour échanger avec un fabricant de cercueils. «Pendant les affrontements, beaucoup de corps arrivaient à la morgue. Il y a de cela quelques semaines, la Croix Rouge était là avec de nombreux corps. On nous a dit que c'était des miliciens et mercenaires tués lors des combats », fait savoir Thomas, fabricant de cercueils d'origine ghanéenne. Installé à quelques encablures de la morgue du Chu de Yopougon, ce dernier déplore le fait que «depuis la crise, c'est dur pour nous et ça ne marche plus. A cause de la situation, les gens enterrent sans cercueil leur corps mais le plus souvent dans leurs maisons ». Et Thomas de signaler que des cas de retraits suspects de corps lui ont été rapportés. « Ce sont des amis qui me l'ont dit mais moi-même, je n'ai pas été témoin de ce genre de choses», précise-t-il. Une vendeuse de banane braisée, dévisant juste à côté avec deux jeunes, indique aussi avoir appris ces pratiques. Par ailleurs, elle s'inquiète d'éventuelles épidémies. «C'est vrai que les choses se sont améliorées mais l’air devient des fois irrespirable. Et l'odeur de plus en plus insupportable. Et nous craignons des épidémies dans les jours à venir », prévient-elle. Ce laps de temps passé dans ces deux morgues, nous a instruits sur le fait que ces lieux doivent être assainis afin d'éviter que ne se propagent des maladies qu’on ne pourra pas circonscrire.
Des assurances à Treichville
Bien avant Anyama et Yopougon, nous étions à Treichville, précisément à la morgue du Chu. Il était10h, quand nous y arrivions. Un silence de cimetière nous frappe. L’affluence n’est pas celle des jours précédents, nous confie un parent de défunt. «Dieu merci, aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup d’hommes. Les conditions dans cette morgue se sont nettement améliorées. Sinon, il y a quelques semaines, tout était débordé ici. On a frôlé le pire », fait-il remarquer. Par ailleurs, dame Diaby Mamou, parente d’un patient interné au Chu de Treichville, confirme les informations de notre premier interlocuteur. En effet, elle estime que la situation s’est considérablement améliorée. « C’était difficile de respirer. Les casiers étaient pleins et les cadavres trainaient partout. Les malades et parents de malades ont fortement été éprouvés à cause de l'odeur pestilentielle qui se répandait partout dans les salles du Chu», décrie-t-elle. Avant que nous n’ayons accès à la salle d’accueil de la morgue, nos regards sont attirés par la présence d’un corbillard. Le chauffeur qui y est confortablement assis, est plongé dans les bras de Morphée. Nous sommes interpellés par un homme en blouse blanche portant des gants. Il fait partie des employés de cette morgue. Nous nous présentons et lui faisons cas des raisons de notre présence. Les instants qui suivent, l'homme arbore un air grave. «Qui vous a dit que des corps ont disparu ici?», nous interroge-t-il. Nous lui rétorquons qu’il s’agit d’informations que nous voulons vérifier. «C’est faux! Il n’en est rien. Déjà, des parents de défunts sont venus prendre leurs morts pour aller les inhumer», insiste-t-il. Et de révéler qu’aucun mort n’a disparu de la morgue de Treichville, la capacité de ces établissements ayant été renforcée. Information confirmée par une source de la Direction générale d’Ivosep avec qui nous échangeons. «Aucun corps n’a disparu. Je confirme qu’il n’y a pas de disparition de corps ici. Tout est fait chez nous de manière claire. Parce que nous travaillons dans la transparence», indique notre source. A propos de l’ultimatum qu'Ivosep avait lancé aux parents de défunts afin qu’ils viennent retirer leurs corps avant la date du 19 mai 2011, elle a tenu à faire des éclairages. «Il faut qu’on soit clair, rien ne va arriver aux corps si leurs parents ne viennent pas les chercher. Nous voulons seulement qu’ils se rapprochent de nous le plus tôt possible pour l’inhumation de leurs parents», souligne notre source. Aussi n'oublie-t-elle pas de préciser que l’objectif est de se mettre en accord avec les parents des défunts afin ‘’d'éviter, au dernier moment, les problèmes de remises sur les frais d’entretien des corps''.
DIARRA Tiémoko