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Politique Publié le mardi 7 juin 2011 | Le Patriote

Interview / Mme Koné Coumba Sylla (Présidente du Mofapec) : “Le Président Ouattara sait qu`un pays sans justice n`avancera pas”

Juriste de formation, elle a fait de son cheval de bataille, le combat pour le respect des droits des femmes. Mme Koné Coumba Sylla, c'est son nom, est la présidente du Mouvement des femmes africaines pour l'éveil des consciences (Mofapec). Dans cet entretien, elle explique pourquoi les femmes doivent jouer un rôle prépondérant dans la reconstruction d'une nouvelle Côte d'Ivoire, prospère et réconciliée.
Le Patriote : Que recherchez-vous en créant le Mofapec ?
Koné Coumba Sylla : Avant toute chose, je voudrais faire mes hommages à toutes femmes et les hommes tués dans cette crise postélectorale. Je présente également mes condoléances aux parents des victimes et je souhaite prompt rétablissement aux blessés. La création de ce mouvement a été suscitée par un constat simple : les femmes africaines sont trop faiblement représentées dans les différents ballets diplomatiques post-crise. En Côte d'Ivoire, nous avons voulu prévenir un état de fait. Ce qui nous a amené à lancer ce mouvement exactement le 6 février 2011 durant le Forum social à Dakar, au Sénégal.

L.P : Quels objectifs poursuivez-vous concrètement ?
KCS : L'un des objectifs est de défendre l'égalité des droits de tous les citoyens, hommes et femmes et favoriser le maintien de la paix sociale en Afrique à l'issue des élections par le respect des règles consensuelles et la participation effective des femmes. Elles sont les principales victimes de la crise postélectorale en Côte d'Ivoire. Parce qu'on sait que les femmes constituent plus de la moitié des populations et jouent un rôle primordial en tant qu'actrices et victimes permanentes des conflits.

L.P : Le lancement du Mofapec est prévu pour juillet. Quelle sera votre première action sur le terrain ?
KCS : Nous allons d'abord sensibiliser et éduquer les populations à la culture de la non-violence. Nous initierons des conférences, des rencontres avec les populations des dix-neuf régions du pays, en collaboration avec les chefs religieux de toutes obédiences confondues. Nous avons déjà pris contact avec l'archevêque et les « Oulémas » de Dakar, ceux de la Gambie, de la Guinée-Bissau et de la Mauritanie. Car nous pensons que cette réconciliation ne se fera pas sans l'apport véritable des hommes de Dieu et de la main de Dieu pour nous apaiser, parce que ce qui s'est passé en Côte d'Ivoire dépasse l'entendement. On se serait cru dans un film de science-fiction. Malheureusement, c'était la triste réalité que vivait le peuple ivoirien. Il faut donc la main de Dieu pour désarmer nos cœurs. Je suis entièrement d'accord avec le président de la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation, Charles Konan Banny, quand il dit que le réconciliation est un processus long, qui prendra du temps.

L.P : Cette réconciliation est-elle possible, selon vous, à quel prix ?
KCS : Pour nous au Mofapec, réconciliation ne veut pas dire impunité. Il faut que justice soit faite. Je ne partage pas du tout l'avis de ceux pensent qu'il faut faire table-rase du passé comme s'il ne s'était rien passé. Nous sommes absolument contre l'impunité. Le mouvement se bat pour la légalité, la justice et la paix. Un pays sans justice est voué à l'échec. Il n'avancera jamais. Un pays sans démocratie n'avancera jamais.

L.P : D'aucuns disent que les procès pourraient raviver les tensions entre les populations…
KCS : Pour éviter que le drame que nous avons vécu ne se reproduise, il faut regarder la vérité en face. Ce qui signifie qu'il faut retrouver les coupables, les juger et les punir. Il faut les rechercher, même s'ils sont au fin fond de l'Alaska.

L.P : Vous avez tantôt dit que la réconciliation ne sera pas sans les hommes de Dieu. Elle ne se fera pas non plus sans les femmes. Quel rôle le Mofapec compte-t-il jouer pour que le processus de réconciliation soit un succès ?
KCS : Les femmes ont un rôle non seulement primordial mais aussi prépondérant à jouer pour que cette réconciliation soit possible. Ce sont elles qui ont payé le plus lourd tribut de cette crise postélectorale. C'est nous les femmes qui avons été battues, violées et tuées. Nos enfants et nos maris ont été tués. Le pardon devrait commencer par les femmes. D'où la résolution pour le Mofapec de sensibiliser les femmes. Nous allons rencontrer les femmes de toutes les couches sociales, surtout celles qui vivent en milieu rural. Nous irons dans tous les hameaux et villages pour leur porter le message de paix et de réconciliation. Vous savez, quand vous êtes meurtris dans votre chair, même si on ne vous apporte pas de solutions idoines dans l'immédiat, le fait de vous écouter vous soulage déjà. Alors l'un des objectifs du Mofapec, c'est d'écouter les femmes victimes de cette crise. Car, une réponse à une préoccupation est déjà un pas vers la réconciliation. Nous allons créer des cellules de psychologues pour encadre ces victimes.

L.P : Le nouveau gouvernement vient d'être formé. Il compte en son sein cinq femmes. Que pensez-vous de cette représentativité féminine ?
KCS : Je voudrais d'abord rendre hommage à Mme Henriette Dagri-Diabaté, première à être nommée à la tête de la grande chancellerie de Côte d'Ivoire. Une institution aussi noble. Le mérite revient au président Alassane Ouattara. Je le remercie en tant que présidente du Mofapec pour ce premier pas. S'agissant du gouvernement, nous restons sur notre faim. Parce que nous estimons que sur 36 ministres, 5 femmes c'est peu. Je dirai même très peu. Est-ce à dire que nous n'avons pas assez de femmes capables en Côte d'Ivoire de participer de façon efficiente à la reconstruction du pays ? Je trouve que s'est inéquitable. A mon avis, il aurait fallu au moins quinze femmes.

L.P : Qu'attendez-vous de ce gouvernement?
KCS : C'est de s'atteler à résoudre les grands et brûlants problèmes de notre pays qui ont pour noms : corruption, impunité, gaspillage de nos ressources, culture de la violence, clanisme… Ce sont des sujets préoccupants sur lesquels, des réflexions pointues doivent être menées, pour la réhabilitation de l'Homme ivoirien en général et de la femme ivoirienne en particulier.

Réalisée par Y. Sangaré
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