C`est à dessein que l`auteur n`a pas effectué trop de précisions quant aux
applications géographiques de ce texte. La raison en est simple ; tous les
hommes ont en eux une part de barbarie et c`est dans l`acceptation commune
de notre violence innée que nous saurons bâtir, partout dans le monde, une
coopération utile, bonne et nécessaire à tous, sans que nul apôtre ne tente de
nous sauver bien malgré nous. A l`Afrique pourtant, berceau trop vite oublié de
l`humanité, j`offre ces lignes et mes meilleurs espoirs ; puisse ce souffle palpiter
dans d`autres cœurs que le mien et, ainsi, dépasser les mers et les montagnes.
La chute d`un régime personnifié semble signifier, pour de nombreux pays du
monde, la fin d`une gouvernance autoritaire. L`idée, immédiatement, vue du
vieux continent, est à la reconstruction. Pourtant, le philosophe ne saurait se
borner à enfermer sa raison dans un si petit espoir tant l`expression du pouvoir
politique sait s`insinuer dans l`esprit des citoyens qu`il encadre. Le pouvoir,
politique ou militaire, n`est jamais connoté de manière neutre ; grand serpent à
plume digne des pires contes Maya il sait dévorer et corrompre celles et ceux
qui doivent rester sous sa coupe. Vivre sous un régime ou sous un autre n`est
donc pas détaché de la construction de l`esprit des populations. Du
communisme qui tendait, par la propagande, et l`embrigadement des peuples,
à la dégradation de l`espoir et de la nécessaire individualité, le pouvoir fort
quant à lui, non partagé, associé à une justice corrompue et des institutions
souillées de lenteur et de passe-droits, ne saurait s`oublier en un jour. Il faudra,
pourtant, tourner la page et voir dans un nouveau dirigeant non un
thaumaturge mais un vecteur populaire d`espoir. Le rapport des populations à
l`image de l`incarnation du pouvoir est fondamental à qui veut comprendre les
grandes réactions, souvent imprévues, des peuples. N`hésitons pas, alors, à
parler d`une psychanalyse collective, laquelle dépasse très largement le cadre
étroit de la sociologie. Qu`incarnait l`ancien président si ce n`est l`image d`un
homme fort, une sorte de père de la Nation portant sur ses épaules l`avenir du
pays contre les autres dirigeants, souvent stigmatisés comme étant vendus à
un étranger coupable de tous les vices ? Ici aussi une insertion à analyser ; en
frappant l`autre moralement, en lui faisant endosser les responsabilités d`un
système corrompu, le régime s`attachait les faveurs de la population en se
dédouanant de la responsabilité qui devrait aller avec l`exercice du pouvoir.
Intellectuellement le phénomène a un nom, c`est la victimisation de celui qui,
au regard des faits, est coupable et devrait endosser la responsabilité. Ce
premier degré est fondamental pour qui veut comprendre comment des êtres
logiques, portés par la liesse, peuvent, rassemblés sur une place ou dans un
amphithéâtre, sentir un soulagement immédiat à brûler des drapeaux ou des
effigies. Le phénomène n`est pas nouveau ; dans la Bible, par exemple, il était
courant que les populations des villes touchées par la maladie ou la sécheresse,
envoient dans le désert un bouc chargé de leur culpabilité (matérialisée par des
sacs ou des pierres) ; l`homme venait d`inventer le bouc-émissaire. La réaction
intellectuelle est presque instantanée mais l`effet dure fort peu de temps. Le
risque est, ensuite, une cristallisation de la violence et une montée, croissante,
des troubles ; le peuple cherche, alors, d`autres personnes, d`autres catégories,
à persécuter sans trop de raisons apparentes mais en étant intimement
convaincu que ses arguments sont fondés. Du bouc biblique à un groupe
ethnique, ou politique, le pas est vite franchi. Un pays en reconstruction ne
peut ignorer, et sa classe politique doit y prendre garde, ce phénomène qui
consiste à reporter sur l`ancien leader et ses représentants détachés, les
coupables parfaits dont la mise au supplice suffirait à détruire les erreurs et les
fautes. Le soulagement, pourtant, semble parfait ; la mise à mort, médiatique
ou réelle, songeons à Ceaucescu en Roumanie et son procès mis en scène de
toute pièce, procure un vrai soulagement moral au peuple. Pourtant, l`effet
s`estompe vite. Non, pareilles dérives, si elles sont acceptées voire réclamées
par les représentants de l`ordre, n`honorent pas ceux qui les acceptent.
Pourtant, les groupes qui composent la société, ce que l`on appelle à tort l’État-
nation, semblent retrouver une cohésion, une unité d`une intensité rare,
lorsqu`ils frappent, à l`unisson, cet autre vecteur cathartique de la violence. La
haine, avec les coups, dégonfle les pulsions et le soulagement, l`apaisement,
gagne les individus. Apparaît alors dans le ciel des esprits un soleil radieux ;
pourtant, cet astre est une étoile de sang et rien ne pousse dans ces sources-là.
Rapidement, à l`ivresse succède une prise de conscience; les bourreaux ne se
veulent plus si froids et si justiciables que cela. Les victimes d`hier deviennent
les saints de demain ; le dictateur immoral et froid semble, avec le temps, bien
moins terrible et de plus en plus humain. La responsabilité de son supplice ne
trouve plus de support où s`ancrer jusqu`à ce que la population, dressée
comme un seul homme, se retourne vers celui qui a succédé au démon d`hier
devenu icône d`un espoir sans lendemain. La foule, galvanisée par ses
anciennes ivresses, vient de désigner un nouveau bouc-émissaire, le porte au
supplice, le sacrifie, les persécutions reprennent, ont changé de camps et ceux
qui dansaient peu avant courent pour échapper aux coups et aux procès
publics avant exécution. Qui, des dictateurs ou des bourreaux improvisés, est le
plus coupable ? Tout le monde, et personne à la fois, répondra le philosophe ;
la responsabilité va, de pair, avec l`idée d`une décision prise en conscience. Or,
le phénomène de victimisation, de persécution, puis de bouc-émissaire,
parachevé par le sacrifice, est parfaitement involontaire ; il est une tentation
naturelle de l`homme, une sorte de mauvais courant vers lequel l`emporte sa
violence spontanée. Et de se demander si l’État peut sauver l`homme, si, en
Afrique comme ailleurs, c`est au pouvoir politique de proposer un nouveau
pacte social ou s`il est préférable de rendre au peuple tant sa souveraineté que
sa responsabilité afin qu`il se gère par et pour lui-même. L`exemple africain
devrait suffire à dégoûter les plus interventionnistes et les plus étatistes de nos
intellectuels. Plus l’État est présent, plus le politique s`insinue dans la société
civile, et plus le peuple, tôt ou tard, se révoltera violemment et portera sur le
premier groupe persécutable venu son besoin de violence. Réduire la toute
puissance du pouvoir politique, gommer l`habitude de présenter au devant des
peuples un homme, ou une femme, qui serait l`incarnation tant de la vérité que
de l`avenir, c`est préparer un antidote aux phénomènes spontanés de bouc-
émissaires. Il est impossible de faire disparaître la violence naturellement
présente en l`être humain ; par elle, et avec elle, se forment et se déforment
nos institutions. En réduisant la part de l’État, du politique, les populations
redécouvriront des formes pacifiées d`échanges et de gestion des conflits. Car
si la violence est intrinsèque à la condition humaine, n`oublions pas, en tout
point comparable à la boîte de Pandore que, même au fond du gouffre le plus
obscur, subsiste un je ne sais quoi de lumière ; si la violence est un des
phénomènes fondateurs des sociétés humaines, et non de l`Etat politique, qui
en est une conséquence artificielle, existe dans la nature même de l`être, le
besoin de vivre en compagnie. L`homme est un animal sociable ; les animaux
ne tuent jamais par plaisir. Par la réduction volontaire du risque de
victimisation, les sociétés de demain se protègeront contre leur plus grand
ennemi, qui n`est ni la différence, ni la diversité, mais tout simplement leur
propre violence. Il ne convient donc pas tant de punir plus, d`imposer des lois
et des règles mais, au contraire, de laisser la société en tant que corps
dynamique, spontané et vivant, sécréter ses usages et ses normes, réguler par
elle-même les pulsions individuelles ; l`avenir devrait donc être libéral, où
chacun assumerait ses choix et partagerait ses réussites, ses peines et ses
échecs. Car la société, loin de l`inertie imposée par les carcans politiques, est
une matière vivante à l`image de celles et ceux qui la composent dont nul
homme n`a le droit de dire qu`elle est sa chose, qu`il en est le père, ou pis
encore, le sauveur. Gardez-vous, peuples libres, de ceux qui vous offrent une
vérité parfaite ; ceux-là portent les germes de la dictature.
Par Audace Institut Afrique (http://www.audace-afrique.net)
applications géographiques de ce texte. La raison en est simple ; tous les
hommes ont en eux une part de barbarie et c`est dans l`acceptation commune
de notre violence innée que nous saurons bâtir, partout dans le monde, une
coopération utile, bonne et nécessaire à tous, sans que nul apôtre ne tente de
nous sauver bien malgré nous. A l`Afrique pourtant, berceau trop vite oublié de
l`humanité, j`offre ces lignes et mes meilleurs espoirs ; puisse ce souffle palpiter
dans d`autres cœurs que le mien et, ainsi, dépasser les mers et les montagnes.
La chute d`un régime personnifié semble signifier, pour de nombreux pays du
monde, la fin d`une gouvernance autoritaire. L`idée, immédiatement, vue du
vieux continent, est à la reconstruction. Pourtant, le philosophe ne saurait se
borner à enfermer sa raison dans un si petit espoir tant l`expression du pouvoir
politique sait s`insinuer dans l`esprit des citoyens qu`il encadre. Le pouvoir,
politique ou militaire, n`est jamais connoté de manière neutre ; grand serpent à
plume digne des pires contes Maya il sait dévorer et corrompre celles et ceux
qui doivent rester sous sa coupe. Vivre sous un régime ou sous un autre n`est
donc pas détaché de la construction de l`esprit des populations. Du
communisme qui tendait, par la propagande, et l`embrigadement des peuples,
à la dégradation de l`espoir et de la nécessaire individualité, le pouvoir fort
quant à lui, non partagé, associé à une justice corrompue et des institutions
souillées de lenteur et de passe-droits, ne saurait s`oublier en un jour. Il faudra,
pourtant, tourner la page et voir dans un nouveau dirigeant non un
thaumaturge mais un vecteur populaire d`espoir. Le rapport des populations à
l`image de l`incarnation du pouvoir est fondamental à qui veut comprendre les
grandes réactions, souvent imprévues, des peuples. N`hésitons pas, alors, à
parler d`une psychanalyse collective, laquelle dépasse très largement le cadre
étroit de la sociologie. Qu`incarnait l`ancien président si ce n`est l`image d`un
homme fort, une sorte de père de la Nation portant sur ses épaules l`avenir du
pays contre les autres dirigeants, souvent stigmatisés comme étant vendus à
un étranger coupable de tous les vices ? Ici aussi une insertion à analyser ; en
frappant l`autre moralement, en lui faisant endosser les responsabilités d`un
système corrompu, le régime s`attachait les faveurs de la population en se
dédouanant de la responsabilité qui devrait aller avec l`exercice du pouvoir.
Intellectuellement le phénomène a un nom, c`est la victimisation de celui qui,
au regard des faits, est coupable et devrait endosser la responsabilité. Ce
premier degré est fondamental pour qui veut comprendre comment des êtres
logiques, portés par la liesse, peuvent, rassemblés sur une place ou dans un
amphithéâtre, sentir un soulagement immédiat à brûler des drapeaux ou des
effigies. Le phénomène n`est pas nouveau ; dans la Bible, par exemple, il était
courant que les populations des villes touchées par la maladie ou la sécheresse,
envoient dans le désert un bouc chargé de leur culpabilité (matérialisée par des
sacs ou des pierres) ; l`homme venait d`inventer le bouc-émissaire. La réaction
intellectuelle est presque instantanée mais l`effet dure fort peu de temps. Le
risque est, ensuite, une cristallisation de la violence et une montée, croissante,
des troubles ; le peuple cherche, alors, d`autres personnes, d`autres catégories,
à persécuter sans trop de raisons apparentes mais en étant intimement
convaincu que ses arguments sont fondés. Du bouc biblique à un groupe
ethnique, ou politique, le pas est vite franchi. Un pays en reconstruction ne
peut ignorer, et sa classe politique doit y prendre garde, ce phénomène qui
consiste à reporter sur l`ancien leader et ses représentants détachés, les
coupables parfaits dont la mise au supplice suffirait à détruire les erreurs et les
fautes. Le soulagement, pourtant, semble parfait ; la mise à mort, médiatique
ou réelle, songeons à Ceaucescu en Roumanie et son procès mis en scène de
toute pièce, procure un vrai soulagement moral au peuple. Pourtant, l`effet
s`estompe vite. Non, pareilles dérives, si elles sont acceptées voire réclamées
par les représentants de l`ordre, n`honorent pas ceux qui les acceptent.
Pourtant, les groupes qui composent la société, ce que l`on appelle à tort l’État-
nation, semblent retrouver une cohésion, une unité d`une intensité rare,
lorsqu`ils frappent, à l`unisson, cet autre vecteur cathartique de la violence. La
haine, avec les coups, dégonfle les pulsions et le soulagement, l`apaisement,
gagne les individus. Apparaît alors dans le ciel des esprits un soleil radieux ;
pourtant, cet astre est une étoile de sang et rien ne pousse dans ces sources-là.
Rapidement, à l`ivresse succède une prise de conscience; les bourreaux ne se
veulent plus si froids et si justiciables que cela. Les victimes d`hier deviennent
les saints de demain ; le dictateur immoral et froid semble, avec le temps, bien
moins terrible et de plus en plus humain. La responsabilité de son supplice ne
trouve plus de support où s`ancrer jusqu`à ce que la population, dressée
comme un seul homme, se retourne vers celui qui a succédé au démon d`hier
devenu icône d`un espoir sans lendemain. La foule, galvanisée par ses
anciennes ivresses, vient de désigner un nouveau bouc-émissaire, le porte au
supplice, le sacrifie, les persécutions reprennent, ont changé de camps et ceux
qui dansaient peu avant courent pour échapper aux coups et aux procès
publics avant exécution. Qui, des dictateurs ou des bourreaux improvisés, est le
plus coupable ? Tout le monde, et personne à la fois, répondra le philosophe ;
la responsabilité va, de pair, avec l`idée d`une décision prise en conscience. Or,
le phénomène de victimisation, de persécution, puis de bouc-émissaire,
parachevé par le sacrifice, est parfaitement involontaire ; il est une tentation
naturelle de l`homme, une sorte de mauvais courant vers lequel l`emporte sa
violence spontanée. Et de se demander si l’État peut sauver l`homme, si, en
Afrique comme ailleurs, c`est au pouvoir politique de proposer un nouveau
pacte social ou s`il est préférable de rendre au peuple tant sa souveraineté que
sa responsabilité afin qu`il se gère par et pour lui-même. L`exemple africain
devrait suffire à dégoûter les plus interventionnistes et les plus étatistes de nos
intellectuels. Plus l’État est présent, plus le politique s`insinue dans la société
civile, et plus le peuple, tôt ou tard, se révoltera violemment et portera sur le
premier groupe persécutable venu son besoin de violence. Réduire la toute
puissance du pouvoir politique, gommer l`habitude de présenter au devant des
peuples un homme, ou une femme, qui serait l`incarnation tant de la vérité que
de l`avenir, c`est préparer un antidote aux phénomènes spontanés de bouc-
émissaires. Il est impossible de faire disparaître la violence naturellement
présente en l`être humain ; par elle, et avec elle, se forment et se déforment
nos institutions. En réduisant la part de l’État, du politique, les populations
redécouvriront des formes pacifiées d`échanges et de gestion des conflits. Car
si la violence est intrinsèque à la condition humaine, n`oublions pas, en tout
point comparable à la boîte de Pandore que, même au fond du gouffre le plus
obscur, subsiste un je ne sais quoi de lumière ; si la violence est un des
phénomènes fondateurs des sociétés humaines, et non de l`Etat politique, qui
en est une conséquence artificielle, existe dans la nature même de l`être, le
besoin de vivre en compagnie. L`homme est un animal sociable ; les animaux
ne tuent jamais par plaisir. Par la réduction volontaire du risque de
victimisation, les sociétés de demain se protègeront contre leur plus grand
ennemi, qui n`est ni la différence, ni la diversité, mais tout simplement leur
propre violence. Il ne convient donc pas tant de punir plus, d`imposer des lois
et des règles mais, au contraire, de laisser la société en tant que corps
dynamique, spontané et vivant, sécréter ses usages et ses normes, réguler par
elle-même les pulsions individuelles ; l`avenir devrait donc être libéral, où
chacun assumerait ses choix et partagerait ses réussites, ses peines et ses
échecs. Car la société, loin de l`inertie imposée par les carcans politiques, est
une matière vivante à l`image de celles et ceux qui la composent dont nul
homme n`a le droit de dire qu`elle est sa chose, qu`il en est le père, ou pis
encore, le sauveur. Gardez-vous, peuples libres, de ceux qui vous offrent une
vérité parfaite ; ceux-là portent les germes de la dictature.
Par Audace Institut Afrique (http://www.audace-afrique.net)