Qu’est-ce qui est le plus facile ?
Entre opposition et gestion du pouvoir, il se creuse bien souvent un fossé que les acteurs politiques eux-mêmes s’expliquent difficilement. Promesses pharaoniques, loquacité, critiques tous azimuts à l’égard des tenants du pouvoir. Les méthodes ne manquent pas chez les opposants pour acculer l’adversaire qui tient les rênes de l’Etat. Et quand arrive leur tour de mettre en pratique ce qu’ils avaient formulé, ils n’hésitent pas à lancer ‘’donnez nous le temps de travailler’’. Gbagbo avait promis un mieux-être aux Ivoiriens. L’a-t-il réalisé ? Ouattara a fait rêver avec ses promesses. Les réalisera-t-il ?
«Le problème c’est l’usure du pouvoir. Lorsque nous étions dans l’opposition, on faisait mieux avec moins de moyens. On rêvait d’une nouvelle Côte d’Ivoire et on déplaçait des montagnes. Dix ans plus tard, nous étions pleins de fric », a laissé entendre le président par intérim du Fpi à la question de savoir si le pouvoir prenait la tête. Cette réponse de Mamadou Koulibaly, à l’hebdomadaire Jeune Afrique de cette semaine exprime sans doute l’état d’esprit de quelqu’un qui a fait l’amère expérience de la gestion du pouvoir après les années sabbatiques de l’opposition. Ils sont généralement pétris d’idées et font rêver quand ils sont dans l’opposition. Mais une fois au pouvoir, les anciens opposants en Afrique, et nie même ailleurs, se trouvent généralement contrariés par de nouvelles réalités qui sont différentes des idées qu’ils se faisaient de la gestion de l’Etat. Realpolitik oblige. Laurent Gbagbo l’a expérimenté à ses dépens. « Les promesses n’engagent que ceux qui les
écoutent », disait Charles Pasqua, ancien ministre français de l’Intérieur (1986-1988 et 1993-1995).
Qu’en sera-t-il d’Alassane Ouattara ? Laurent Gbagbo, l’auteur de « propositions pour gouverner la Côte d’Ivoire » se montrait ambitieux pour son pays. Réaliser l’assurance maladie universelle, un projet jamais rêvé en Afrique subsaharienne. Assurer l’école gratuite pour tous les enfants en âge d’être scolarisés. Améliorer les revenus des paysans et faire revenir la croissance dans des proportions jamais égalées. Mais dix ans après, quel bilan peut-on faire de ces grands rêves s’ils ne sont devenus des chimères ? L’assurance maladie est restée à l’étape de projet pilote même si plusieurs centres de santé avaient été inaugurés entre 2000 et 2002. L’école gratuite a connu ses débuts sans jamais atteindre le niveau des années d’avant l’indépendance qui a inspiré son initiateur.
La filière café-cacao s’est vue doter d’un cartel de structures qui ont fini par se marcher dessus, laissant les paysans sur les bords. Les prix du kilogramme de cacao sont restés en moyenne au-dessus de 500 Fcfa. Mais combien étaient les pisteurs, plus nombreux que les coopératives organisées pouvaient garantir ce prix aux producteurs ? N’oublions pas les détournements suivis des
emprisonnements des dirigeants. Voilà le fossé entre promesses et réalités. Quand il formulait son
projet pour la Côte d’Ivoire, jamais le Fpi n’a tenu compte du facteur de l’instabilité qui a contrarié sa
gestion neuf ans durant (2002 -2011). « En venant au pouvoir nous n’avions pas prévu la guerre », se
plaisent à dire des barons du régime déchu. Et pourtant « Gouverner c’est prévoir », dit l’adage.
Comment le régime n’a-t-il pas vu venir la guerre ? Suffisait-il d’entreprendre des démarches auprès
des autorités burkinabè en multipliant des réunions au sujet de déserteurs de l’armée pour se croire
à l’abri de toute surprise ? Dans tous les cas, le régime a sacrifié ses objectifs initiaux pour s’inscrire
dans une logique de maintien au pouvoir face à la stratégie de l’adversaire. Dix ans ont passé et tous
les plans ont montré leurs limites. Gbagbo est parti sans parvenir à faire le maximum pour son
peuple comme il l’aurait souhaité. Arrive Alassane Ouattara qui bénéficie du soutien de la
communauté internationale qu’elle soit des milieux financiers, diplomatiques ou politiques. Peut-il
réussir ?
Le champion du « vivre ensemble » a mené vingt ans de lutte politique. Il n’avait jamais imaginé qu’il
prendrait le pouvoir dans des conditions aussi scabreuses que précaires. L’économie doit partir de
zéro si ce n’est du négatif. Ses promesses ont mobilisé des foules. Cinq universités en cinq ans, cinq
CHU en cinq ans, plus d’un million d’emplois en cinq ans, des milliards de FCFA promis à toutes les
régions du pays ! De quoi à faire pâlir d’envie. Finie la campagne, l’heure est à l’application. ‘’Nous
nous engageons à construire un gouvernement de rassemblement intégrant les compétences
de l’ensemble des partis politiques et de la société civile. En se fondant sur les critères de mérite
qui prennent en compte un équilibre judicieux de nos référents géographiques’’, a écrit Alassane
Dramane Ouattara, alors candidat du Rdr dans « mon projet pour la Côte d’Ivoire », page 7. Parmi
les premiers actes posés par le numéro 1 ivoirien figure la formation du gouvernement. Mais avant,
le président Alassane Ouattara a gratifié les Ivoiriens des soins de santé dans les hôpitaux comme
il l’avait promis lors de sa campagne. D’autres promesses sont en cours d’être réalisées après la
formation du gouvernement. Tiendra-t-il toutes les autres ? Les faits sont là que les Ivoiriens par
presse interposées jugent selon leur bon vouloir. Il est certainement plus facile de dire que de faire.
Mais en ce qui concerne l’ancien haut fonctionnaire du Fmi, il est peut-être trop tôt pour juger
comme le reconnaît Charles Blé Goudé, l’un de ses adversaires en exil. Rendez-vous dans cinq ans.
L’argent ivoirien sera bien géré. Pas d’histoires, ni de soucis en vue…
S.Débailly
Entre opposition et gestion du pouvoir, il se creuse bien souvent un fossé que les acteurs politiques eux-mêmes s’expliquent difficilement. Promesses pharaoniques, loquacité, critiques tous azimuts à l’égard des tenants du pouvoir. Les méthodes ne manquent pas chez les opposants pour acculer l’adversaire qui tient les rênes de l’Etat. Et quand arrive leur tour de mettre en pratique ce qu’ils avaient formulé, ils n’hésitent pas à lancer ‘’donnez nous le temps de travailler’’. Gbagbo avait promis un mieux-être aux Ivoiriens. L’a-t-il réalisé ? Ouattara a fait rêver avec ses promesses. Les réalisera-t-il ?
«Le problème c’est l’usure du pouvoir. Lorsque nous étions dans l’opposition, on faisait mieux avec moins de moyens. On rêvait d’une nouvelle Côte d’Ivoire et on déplaçait des montagnes. Dix ans plus tard, nous étions pleins de fric », a laissé entendre le président par intérim du Fpi à la question de savoir si le pouvoir prenait la tête. Cette réponse de Mamadou Koulibaly, à l’hebdomadaire Jeune Afrique de cette semaine exprime sans doute l’état d’esprit de quelqu’un qui a fait l’amère expérience de la gestion du pouvoir après les années sabbatiques de l’opposition. Ils sont généralement pétris d’idées et font rêver quand ils sont dans l’opposition. Mais une fois au pouvoir, les anciens opposants en Afrique, et nie même ailleurs, se trouvent généralement contrariés par de nouvelles réalités qui sont différentes des idées qu’ils se faisaient de la gestion de l’Etat. Realpolitik oblige. Laurent Gbagbo l’a expérimenté à ses dépens. « Les promesses n’engagent que ceux qui les
écoutent », disait Charles Pasqua, ancien ministre français de l’Intérieur (1986-1988 et 1993-1995).
Qu’en sera-t-il d’Alassane Ouattara ? Laurent Gbagbo, l’auteur de « propositions pour gouverner la Côte d’Ivoire » se montrait ambitieux pour son pays. Réaliser l’assurance maladie universelle, un projet jamais rêvé en Afrique subsaharienne. Assurer l’école gratuite pour tous les enfants en âge d’être scolarisés. Améliorer les revenus des paysans et faire revenir la croissance dans des proportions jamais égalées. Mais dix ans après, quel bilan peut-on faire de ces grands rêves s’ils ne sont devenus des chimères ? L’assurance maladie est restée à l’étape de projet pilote même si plusieurs centres de santé avaient été inaugurés entre 2000 et 2002. L’école gratuite a connu ses débuts sans jamais atteindre le niveau des années d’avant l’indépendance qui a inspiré son initiateur.
La filière café-cacao s’est vue doter d’un cartel de structures qui ont fini par se marcher dessus, laissant les paysans sur les bords. Les prix du kilogramme de cacao sont restés en moyenne au-dessus de 500 Fcfa. Mais combien étaient les pisteurs, plus nombreux que les coopératives organisées pouvaient garantir ce prix aux producteurs ? N’oublions pas les détournements suivis des
emprisonnements des dirigeants. Voilà le fossé entre promesses et réalités. Quand il formulait son
projet pour la Côte d’Ivoire, jamais le Fpi n’a tenu compte du facteur de l’instabilité qui a contrarié sa
gestion neuf ans durant (2002 -2011). « En venant au pouvoir nous n’avions pas prévu la guerre », se
plaisent à dire des barons du régime déchu. Et pourtant « Gouverner c’est prévoir », dit l’adage.
Comment le régime n’a-t-il pas vu venir la guerre ? Suffisait-il d’entreprendre des démarches auprès
des autorités burkinabè en multipliant des réunions au sujet de déserteurs de l’armée pour se croire
à l’abri de toute surprise ? Dans tous les cas, le régime a sacrifié ses objectifs initiaux pour s’inscrire
dans une logique de maintien au pouvoir face à la stratégie de l’adversaire. Dix ans ont passé et tous
les plans ont montré leurs limites. Gbagbo est parti sans parvenir à faire le maximum pour son
peuple comme il l’aurait souhaité. Arrive Alassane Ouattara qui bénéficie du soutien de la
communauté internationale qu’elle soit des milieux financiers, diplomatiques ou politiques. Peut-il
réussir ?
Le champion du « vivre ensemble » a mené vingt ans de lutte politique. Il n’avait jamais imaginé qu’il
prendrait le pouvoir dans des conditions aussi scabreuses que précaires. L’économie doit partir de
zéro si ce n’est du négatif. Ses promesses ont mobilisé des foules. Cinq universités en cinq ans, cinq
CHU en cinq ans, plus d’un million d’emplois en cinq ans, des milliards de FCFA promis à toutes les
régions du pays ! De quoi à faire pâlir d’envie. Finie la campagne, l’heure est à l’application. ‘’Nous
nous engageons à construire un gouvernement de rassemblement intégrant les compétences
de l’ensemble des partis politiques et de la société civile. En se fondant sur les critères de mérite
qui prennent en compte un équilibre judicieux de nos référents géographiques’’, a écrit Alassane
Dramane Ouattara, alors candidat du Rdr dans « mon projet pour la Côte d’Ivoire », page 7. Parmi
les premiers actes posés par le numéro 1 ivoirien figure la formation du gouvernement. Mais avant,
le président Alassane Ouattara a gratifié les Ivoiriens des soins de santé dans les hôpitaux comme
il l’avait promis lors de sa campagne. D’autres promesses sont en cours d’être réalisées après la
formation du gouvernement. Tiendra-t-il toutes les autres ? Les faits sont là que les Ivoiriens par
presse interposées jugent selon leur bon vouloir. Il est certainement plus facile de dire que de faire.
Mais en ce qui concerne l’ancien haut fonctionnaire du Fmi, il est peut-être trop tôt pour juger
comme le reconnaît Charles Blé Goudé, l’un de ses adversaires en exil. Rendez-vous dans cinq ans.
L’argent ivoirien sera bien géré. Pas d’histoires, ni de soucis en vue…
S.Débailly