Rien ne va plus entre le personnel soignant d'Apouesso et à de Bianouan, un gros village et une sous-préfecture située dans le département d'Aboisso. La grogne contre ce personnel va grandissant de jour en jour. Notre reporter revient de Bianouan distant de 80 km d'Aboisso dont une cinquantaine non bitumée.
L'air pensif, le regard hagard, le « doyen » Zoumana Diarra, chef de famille n'en revient toujours pas. Sa fille, Djenebou, est morte, faute de soins dans le centre de santé d'Appouesso, situé à quelques mètres de lui. Assis sous un hangar devant sa cour, le vieil homme est encore sous le choc de ce drame dû à l'indifférence de l'infirmier Kouakou Yao Kra.
Nous sommes mardi 7 juin, il est un peu plus de 15h quand nous arrivons à Appouesso. Le centre est fermé à double tour. Kouakou Yao Kra, selon plusieurs témoignages, a quitté les lieux précipitamment le 28 mai dernier. Ce jour-là, une horde de jeunes du village en colère a manqué de peu de le lyncher. Ceux-ci, lui reprochent d'être à la base de la mort de Djenebou Diarra quelques heures plus tôt dans le centre de santé. « La jeune fille y a été conduite pour un accouchement. Elle n'a pas été assistée par l'infirmier qui l'a abandonnée pour une partie de football avec des jeunes du village », témoigne un habitant du village. Ce que confirme le « doyen » Zoumana. « L'affaire a été réglée, je ne veux plus revenir sur ce malheureux évènement », lâche-t-il presque la gorge nouée. Sur notre insistance, il accepte de se confier. « Abandonnée à elle-même, ma fille qui a été sommée de quitter le centre de santé par l'infirmier a finalement accouché dans une cour. L'infirmier a dit qu'il n'avait pas de gants et qu'il ne pouvait pas intervenir », se souvient le « vieux ». La fille a accouché dans la cour, mais n'a pas survécu. En colère, les populations se sont ruées sur l'infirmier qui n'a eu la vie sauve qu'en s'évanouissant dans la nature. Du coup, le centre est resté fermé au grand dam des habitants du village. « Depuis, nous sommes obligés de transporter nos femmes en travail à moto jusqu'à Bianouan », indique Assi Anoh Guillaume, fils du village. Il faut, suggère le jeune homme, que le différend soit rapidement réglé pour que les populations puissent se soigner comme par le passé. Une heure plus tard, nous voici à Bianouan. Là aussi, la grogne fait rage et les témoignages ne manquent pas. Le personnel soignant, surtout la sage-femme est dans le viseur de plusieurs femmes. « Jusqu'aujourd'hui, je me rappelle comme si c'était hier, ce que j'ai subi ce 29 avril 2011 », souligne dame Siritié Assetou, qui a dit avoir perdu l'un des jumeaux qu'elle portait lors de son évacuation sur Aboisso. « Là-bas, le médecin m'a dit que si la sage femme avait fait un petit effort, l'enfant ne serait pas décédé », poursuit-elle. En effet, la jeune dame s'est rendue à la maternité du village tenue par la sage-femme Yoboh Béatrice. Une fois sur les lieux, elle a été traitée de tous les maux, pour son appartenance ethnique avant d'être livrée à elle-même pendant des heures. Finalement, explique-t-elle, après la venue au monde de mon premier enfant, mes parents se sont rendus compte qu'il y avait un second enfant. « Plutôt que de s'oen ccuper, elle a dit qu'elle ne pouvait rien faire et qu'il fallait que je sois évacuée. Le temps de préparer l'évacuation, l'enfant était déjà décédé », se rappelle-t-elle. Les 3 et 5 mai derniers auront été des jours de calvaire, respectivement pour Bayaya Nafissatou et Doli Oho Ya. « Le 3 mai, j'ai accouché par césarienne. Mais le problème, c'est qu'après l'accouchement j'ai été abandonnée par la sage-femme qui est allée accompagner l'une de ses camarades à la gare. Elle n'a fait les sutures que quelques minutes plus tard », raconte-t-elle. Depuis, elle dit souffrir atrocement. Le 5 mai, restera à jamais gravé dans la tête de Mlle Doli Oho Ya. La jeune fille a perdu son bébé né dans la cour. La veille, elle s'est présentée à minuit à la maternité. Les tentatives de réveiller la sage-femme se sont avérées vaines. « On a frappé, frappé pendant longtemps à la porte. Elle a dit qu'elle dormait et qu'elle ne pouvait pas se lever. Livrée à moi-même, j'ai accouché au petit matin dans la cour de la maternité devant plusieurs patients», note t-elle, d'une voix étreinte de colère, avant d'enchaîner : «Epuisée, j'ai perdu connaissance. A mon réveil, le bébé était décédé ». Des accusations graves que réfute la mise en cause.
Accusée, défendez- vous
C'est une sage-femme surprise qui nous reçoit dans son bureau le lendemain mercredi autour de 10h. « C'est vous qui m'apprenez que les femmes n'apprécient pas ma façon de travailler », lâche t-elle d'entrée. Et Yoboh Béatrice de préciser : « Cela fait plus de 20 ans que j'exerce dans ce village. Je n'ai jamais eu de problème avec quelqu'un ». Selon la sage-femme, certaines personnes s'acharnent sur elle pour des raisons inavouées.
Comme elle, le sous-préfet de Bianouan, Lebouath Jacques dit être surpris de tout ce qui arrive dans sa circonscription. Pour ce qui est de la sage-femme, toutes les accusations portées contre elle, sont, selon lui, « des rumeurs ». Ces accusations ne sont pas fondées, précise-t-il. Avant d'ajouter : « chaque jour, elle fait accoucher de nombreuses femmes. Pour ce qui est d'Appouesso, le sous-préfet, reconnaît qu'il y a eu un problème entre les parents d'une patiente et l'infirmier d'Appouesso, à la suite d'un accouchement qui s'est mal terminé ». L'infirmier, poursuit-il, a été accusé de ne s'être pas occupé suffisamment de la parturiente. « J'ai interrogé les deux parties. Je peux vous rassurer qu'il ne s'agit pas d'un cas de non assistance à personne en danger », fait-il remarquer. A l'en croire, les choses sont rentrées dans l'ordre. « Le centre de santé sera ouvert dans quelques jours. L'infirmier va reprendre le service bientôt », conclut-il.
En attendant, à Appouesso et Bianouan, les victimes ruminent leur colère et pleurent leurs disparus.
Thiery Latt (Envoyé spécial)
L'air pensif, le regard hagard, le « doyen » Zoumana Diarra, chef de famille n'en revient toujours pas. Sa fille, Djenebou, est morte, faute de soins dans le centre de santé d'Appouesso, situé à quelques mètres de lui. Assis sous un hangar devant sa cour, le vieil homme est encore sous le choc de ce drame dû à l'indifférence de l'infirmier Kouakou Yao Kra.
Nous sommes mardi 7 juin, il est un peu plus de 15h quand nous arrivons à Appouesso. Le centre est fermé à double tour. Kouakou Yao Kra, selon plusieurs témoignages, a quitté les lieux précipitamment le 28 mai dernier. Ce jour-là, une horde de jeunes du village en colère a manqué de peu de le lyncher. Ceux-ci, lui reprochent d'être à la base de la mort de Djenebou Diarra quelques heures plus tôt dans le centre de santé. « La jeune fille y a été conduite pour un accouchement. Elle n'a pas été assistée par l'infirmier qui l'a abandonnée pour une partie de football avec des jeunes du village », témoigne un habitant du village. Ce que confirme le « doyen » Zoumana. « L'affaire a été réglée, je ne veux plus revenir sur ce malheureux évènement », lâche-t-il presque la gorge nouée. Sur notre insistance, il accepte de se confier. « Abandonnée à elle-même, ma fille qui a été sommée de quitter le centre de santé par l'infirmier a finalement accouché dans une cour. L'infirmier a dit qu'il n'avait pas de gants et qu'il ne pouvait pas intervenir », se souvient le « vieux ». La fille a accouché dans la cour, mais n'a pas survécu. En colère, les populations se sont ruées sur l'infirmier qui n'a eu la vie sauve qu'en s'évanouissant dans la nature. Du coup, le centre est resté fermé au grand dam des habitants du village. « Depuis, nous sommes obligés de transporter nos femmes en travail à moto jusqu'à Bianouan », indique Assi Anoh Guillaume, fils du village. Il faut, suggère le jeune homme, que le différend soit rapidement réglé pour que les populations puissent se soigner comme par le passé. Une heure plus tard, nous voici à Bianouan. Là aussi, la grogne fait rage et les témoignages ne manquent pas. Le personnel soignant, surtout la sage-femme est dans le viseur de plusieurs femmes. « Jusqu'aujourd'hui, je me rappelle comme si c'était hier, ce que j'ai subi ce 29 avril 2011 », souligne dame Siritié Assetou, qui a dit avoir perdu l'un des jumeaux qu'elle portait lors de son évacuation sur Aboisso. « Là-bas, le médecin m'a dit que si la sage femme avait fait un petit effort, l'enfant ne serait pas décédé », poursuit-elle. En effet, la jeune dame s'est rendue à la maternité du village tenue par la sage-femme Yoboh Béatrice. Une fois sur les lieux, elle a été traitée de tous les maux, pour son appartenance ethnique avant d'être livrée à elle-même pendant des heures. Finalement, explique-t-elle, après la venue au monde de mon premier enfant, mes parents se sont rendus compte qu'il y avait un second enfant. « Plutôt que de s'oen ccuper, elle a dit qu'elle ne pouvait rien faire et qu'il fallait que je sois évacuée. Le temps de préparer l'évacuation, l'enfant était déjà décédé », se rappelle-t-elle. Les 3 et 5 mai derniers auront été des jours de calvaire, respectivement pour Bayaya Nafissatou et Doli Oho Ya. « Le 3 mai, j'ai accouché par césarienne. Mais le problème, c'est qu'après l'accouchement j'ai été abandonnée par la sage-femme qui est allée accompagner l'une de ses camarades à la gare. Elle n'a fait les sutures que quelques minutes plus tard », raconte-t-elle. Depuis, elle dit souffrir atrocement. Le 5 mai, restera à jamais gravé dans la tête de Mlle Doli Oho Ya. La jeune fille a perdu son bébé né dans la cour. La veille, elle s'est présentée à minuit à la maternité. Les tentatives de réveiller la sage-femme se sont avérées vaines. « On a frappé, frappé pendant longtemps à la porte. Elle a dit qu'elle dormait et qu'elle ne pouvait pas se lever. Livrée à moi-même, j'ai accouché au petit matin dans la cour de la maternité devant plusieurs patients», note t-elle, d'une voix étreinte de colère, avant d'enchaîner : «Epuisée, j'ai perdu connaissance. A mon réveil, le bébé était décédé ». Des accusations graves que réfute la mise en cause.
Accusée, défendez- vous
C'est une sage-femme surprise qui nous reçoit dans son bureau le lendemain mercredi autour de 10h. « C'est vous qui m'apprenez que les femmes n'apprécient pas ma façon de travailler », lâche t-elle d'entrée. Et Yoboh Béatrice de préciser : « Cela fait plus de 20 ans que j'exerce dans ce village. Je n'ai jamais eu de problème avec quelqu'un ». Selon la sage-femme, certaines personnes s'acharnent sur elle pour des raisons inavouées.
Comme elle, le sous-préfet de Bianouan, Lebouath Jacques dit être surpris de tout ce qui arrive dans sa circonscription. Pour ce qui est de la sage-femme, toutes les accusations portées contre elle, sont, selon lui, « des rumeurs ». Ces accusations ne sont pas fondées, précise-t-il. Avant d'ajouter : « chaque jour, elle fait accoucher de nombreuses femmes. Pour ce qui est d'Appouesso, le sous-préfet, reconnaît qu'il y a eu un problème entre les parents d'une patiente et l'infirmier d'Appouesso, à la suite d'un accouchement qui s'est mal terminé ». L'infirmier, poursuit-il, a été accusé de ne s'être pas occupé suffisamment de la parturiente. « J'ai interrogé les deux parties. Je peux vous rassurer qu'il ne s'agit pas d'un cas de non assistance à personne en danger », fait-il remarquer. A l'en croire, les choses sont rentrées dans l'ordre. « Le centre de santé sera ouvert dans quelques jours. L'infirmier va reprendre le service bientôt », conclut-il.
En attendant, à Appouesso et Bianouan, les victimes ruminent leur colère et pleurent leurs disparus.
Thiery Latt (Envoyé spécial)