Union de soi à soi et union de soi avec les autres après une scission, la réconciliation est fondamentalement une œuvre tournée vers l’intériorité pour réaliser l’unité perdue. La première médiation ou médiatisation se déroule dans l’intimité à travers le canal de la pensée et du cœur. Dans le cadre social, mettant en scène plusieurs acteurs, la réconciliation se donne à voir comme une sorte de théatralisation de l’interlocution dialoguée d’où l’exigence d’une médiatisation. Mais une médiatisation mal maîtrisée peut impacter négativement sur le processus de réconciliation. Réconciliation dans l’ombre ou réconciliation à la lumière du jour ? N’est-ce pas dans l’ombre que se tisse secrètement ce qui est appelé à venir à la lumière du jour ? Rester dans l’ombre, c’est prendre le risque d’être perçu comme inactif. Tout porter à la lumière, c’est exposer sa totale beauté, donc sa totale laideur. N’est-il pas convenant de se donner dans le retrait ? Faire signe de sa présence et non s’offrir à toutes les étreintes, telle devrait être la posture de la CDVR car les conditions mêmes de son exister l’exigent.
Comment accueillir alors la CDVR sans l’inclure dans une totalité conceptuelle, politique ou esthétique ?
La réconciliation est, dans notre contexte actuel, un concept polysémique. Chacun y va de son approche définitionnelle en le cristallisant autour du schème de son vécu personnel, de sa subjectivité, de son idéologie, de ses intérêts. Il est plus que nécessaire de mettre en œuvre une définition consensuelle et opératoire de la réconciliation. La vérité ne relève pas forcément des choses. Elle appartient également et surtout à l’ordre des dénominations c’est-à-dire les désignations des choses par un nom. Les mauvaises définitions sont bien souvent les sources des erreurs dont il est difficile de retrouver l’origine. Il appartient à la CDVR d’aiguillonner pour susciter les points de vue et de les cadrer pour éviter les errements. La réconciliation, en tant qu’action normativement orientée, ne peut donner lieu à des choix individuels, à des intérêts non universalisables. C’est la CDVR qui doit structurer le mouvement instituant par lequel va se construire « des significations partagées » ou « le partage de sens ». Sans ce socle essentiel constituant le socle de son agir, la CDVR perdrait sa signification dynamique.
C’est surtout au niveau politique que le binôme Réconciliation-Médiatisation présente des défaillances majeures. La réconciliation est aujourd’hui un enjeu politique. Elle se pose ,pour certains, comme un argument de marketing politique où logique des places et logique des forces cohabitent constamment. Pour d’autres, elle est un moyen de dédouanement moral au regard de l’ampleur des préjudices et des atrocités. A dire vrai, la réconciliation ne relève pas seulement d’un souci pratique mais elle est surtout une exigence éthique pour chacun des citoyens de ce pays. Certes, l’institution de la CDVR est un acte éminemment politique ; il faut ,toutefois, éviter que la réconciliation n’appartienne qu’aux hommes politiques. Elle est l’affaire de tous et de chacun. L’attestation de cette dimension participative et intégrative ne peut provenir que du mode d’institution de la CDVR chargée de conduire le processus. Pour que le peuple dans son ensemble s’approprie cette nouvelle institution, il faut que celle-ci émane de lui, à travers le vote de ses représentants. Un statut précis, un cadre juridique bien dégagé, une mission clairement saisissable sont quelques conditions indépassables qu’il faut satisfaire pour donner du crédit à la CDVR. Les juristes disent souvent qu’un décret, même présidentiel, ne peut avoir la même valeur juridique qu’une loi. La loi est l’expression de la volonté du peuple. Si la question de la médiatisation des actions de la CDVR est posée, c’est bien parce que l’institution elle- même est à la recherche de sa propre essence ; essence sans laquelle son sens ne peut être perçu. Certes, la réconciliation ne peut se faire sans une visibilité des actions de la CDVR. Cependant, l’exigence de visibilité doit-elle faire abandonner les questions essentielles relatives à sa genèse, à son statut juridique, à sa structure, à son fonctionnement, etc… ? Sincèrement, non ! Nous ne pouvons nous y soustraire. Assumons-les en toute honnêteté et en toute responsabilité.
Au niveau esthétique, nous sommes témoins d’une mise en branle généralisée, preuve de ce que la réconciliation est un besoin de notre temps qui engage la participation vivante de tous les acteurs sociaux. Des acteurs, de bonne foi assurément, ne manquent aucune occasion de donner leurs avis critiques sur la manière dont le processus pourrait ou devrait être mené. Quelques uns prennent même le risque de discréditer certains actes de médiation du Président de la CDVR avant même que cette institution ne nous donne sa méthode de travail. Nietzsche ne dit-il pas que « les richesses les plus précieuses sont les méthodes » ? S’il faut saluer cette hétérogénéité de points de vue et des méthodes, la crainte des égarements de l’esprit n’est ni à minimiser ni à écarter. Si l’on veut aider la CDVR, il faut comprendre que l’exposition dans les médias n’est pas négative en elle-même. Cette parole risquée présente le risque de donner lieu à des malentendus , à de mauvaises interprétations. Elle peut même vicier ,par anticipation, le processus. Dans le secret d’une rencontre par le biais d’un rendez-vous demandé dans les bureaux provisoires de la CDVR permettra à toutes les personnes de bonne volonté d’apporter leur contribution. Pour notre part, nous avons rempli cet office qu’on attendait de nous. Battre également ce sentier, comme nous l’avons fait, n’est pas perte de temps mais gain. La CDVR est la seule structure juridiquement instituée pour conduire le processus de réconciliation. A ce titre, pour ne pas renier sa source, la CDVR, en se haussant à son propre niveau, doit nous épargner les chemins tortueux en s’engageant à construire un large parvis où analyses, commentaires, expériences se côtoient, se confrontent pour en dégager une ligne directrice, gage de visibilité et de lisibilité.
Dr Sylvain N’guessan Yao
Membre de Initiatives Pédagogiques pour la recherche de la Paix
Comment accueillir alors la CDVR sans l’inclure dans une totalité conceptuelle, politique ou esthétique ?
La réconciliation est, dans notre contexte actuel, un concept polysémique. Chacun y va de son approche définitionnelle en le cristallisant autour du schème de son vécu personnel, de sa subjectivité, de son idéologie, de ses intérêts. Il est plus que nécessaire de mettre en œuvre une définition consensuelle et opératoire de la réconciliation. La vérité ne relève pas forcément des choses. Elle appartient également et surtout à l’ordre des dénominations c’est-à-dire les désignations des choses par un nom. Les mauvaises définitions sont bien souvent les sources des erreurs dont il est difficile de retrouver l’origine. Il appartient à la CDVR d’aiguillonner pour susciter les points de vue et de les cadrer pour éviter les errements. La réconciliation, en tant qu’action normativement orientée, ne peut donner lieu à des choix individuels, à des intérêts non universalisables. C’est la CDVR qui doit structurer le mouvement instituant par lequel va se construire « des significations partagées » ou « le partage de sens ». Sans ce socle essentiel constituant le socle de son agir, la CDVR perdrait sa signification dynamique.
C’est surtout au niveau politique que le binôme Réconciliation-Médiatisation présente des défaillances majeures. La réconciliation est aujourd’hui un enjeu politique. Elle se pose ,pour certains, comme un argument de marketing politique où logique des places et logique des forces cohabitent constamment. Pour d’autres, elle est un moyen de dédouanement moral au regard de l’ampleur des préjudices et des atrocités. A dire vrai, la réconciliation ne relève pas seulement d’un souci pratique mais elle est surtout une exigence éthique pour chacun des citoyens de ce pays. Certes, l’institution de la CDVR est un acte éminemment politique ; il faut ,toutefois, éviter que la réconciliation n’appartienne qu’aux hommes politiques. Elle est l’affaire de tous et de chacun. L’attestation de cette dimension participative et intégrative ne peut provenir que du mode d’institution de la CDVR chargée de conduire le processus. Pour que le peuple dans son ensemble s’approprie cette nouvelle institution, il faut que celle-ci émane de lui, à travers le vote de ses représentants. Un statut précis, un cadre juridique bien dégagé, une mission clairement saisissable sont quelques conditions indépassables qu’il faut satisfaire pour donner du crédit à la CDVR. Les juristes disent souvent qu’un décret, même présidentiel, ne peut avoir la même valeur juridique qu’une loi. La loi est l’expression de la volonté du peuple. Si la question de la médiatisation des actions de la CDVR est posée, c’est bien parce que l’institution elle- même est à la recherche de sa propre essence ; essence sans laquelle son sens ne peut être perçu. Certes, la réconciliation ne peut se faire sans une visibilité des actions de la CDVR. Cependant, l’exigence de visibilité doit-elle faire abandonner les questions essentielles relatives à sa genèse, à son statut juridique, à sa structure, à son fonctionnement, etc… ? Sincèrement, non ! Nous ne pouvons nous y soustraire. Assumons-les en toute honnêteté et en toute responsabilité.
Au niveau esthétique, nous sommes témoins d’une mise en branle généralisée, preuve de ce que la réconciliation est un besoin de notre temps qui engage la participation vivante de tous les acteurs sociaux. Des acteurs, de bonne foi assurément, ne manquent aucune occasion de donner leurs avis critiques sur la manière dont le processus pourrait ou devrait être mené. Quelques uns prennent même le risque de discréditer certains actes de médiation du Président de la CDVR avant même que cette institution ne nous donne sa méthode de travail. Nietzsche ne dit-il pas que « les richesses les plus précieuses sont les méthodes » ? S’il faut saluer cette hétérogénéité de points de vue et des méthodes, la crainte des égarements de l’esprit n’est ni à minimiser ni à écarter. Si l’on veut aider la CDVR, il faut comprendre que l’exposition dans les médias n’est pas négative en elle-même. Cette parole risquée présente le risque de donner lieu à des malentendus , à de mauvaises interprétations. Elle peut même vicier ,par anticipation, le processus. Dans le secret d’une rencontre par le biais d’un rendez-vous demandé dans les bureaux provisoires de la CDVR permettra à toutes les personnes de bonne volonté d’apporter leur contribution. Pour notre part, nous avons rempli cet office qu’on attendait de nous. Battre également ce sentier, comme nous l’avons fait, n’est pas perte de temps mais gain. La CDVR est la seule structure juridiquement instituée pour conduire le processus de réconciliation. A ce titre, pour ne pas renier sa source, la CDVR, en se haussant à son propre niveau, doit nous épargner les chemins tortueux en s’engageant à construire un large parvis où analyses, commentaires, expériences se côtoient, se confrontent pour en dégager une ligne directrice, gage de visibilité et de lisibilité.
Dr Sylvain N’guessan Yao
Membre de Initiatives Pédagogiques pour la recherche de la Paix