Dans un article paru dans Paris Match le 23 décembre 2010, le confrère fait un reportage sur l'hôtel du Golf à la faveur d'une visite de l'ambassadeur de France, Jean-Marc Simon, à Alassane Ouattara, alors sous blocus des soldats de Laurent Gbagbo. Dans cet extrait du texte, il livre au passage quelques informations sur Frédéric Lafont.
La turbine du vieil hélicoptère MI-8 blanc de l’Onu démarre dans un bruit de ferraille. Aux commandes, un pilote ghanéen souriant. « Le vol durera dix minutes, assure-t-il. En cas de problème, suivez les instructions du mécanicien qui aura ouvert les portes. » Notre itinéraire passe au-dessus de la lagune d’Abidjan, peuplée de varans. Quant aux crocodiles, m’a-t-on dit, ils ne seraient pas méchants. Un détail qui a son importance en cas d’amerrissage.
L’ambassadeur de France, lui, n’en a cure. Il en a vu d’autres. Depuis le Tchad et l’opération Manta, je croise Jean-Marc Simon sur le continent africain depuis près de trente ans. Révolutions, coups d’Etat, émeutes, guerres, à Bangui, Libreville, N’Djamena, il a traversé des moments difficiles. Il était même consul général à Beyrouth sous les obus syriens qui bombardaient le réduit chrétien du général Aoun. Assis sur un strapontin, les oreilles couvertes par un casque antibruit, M. Simon mène aujourd’hui une nouvelle mission. La France soutenant le président Alassane Ouattara, et non pas son rival Laurent Gbagbo qui refuse de quitter son palais, l’ambassadeur est chargé de porter un message de la République française au nouveau chef de l’Etat, reclus dans un hôtel assiégé par les forces de sécurité -ivoiriennes(...)
Les gendarmes qui le protègent hésitent à l’exposer de nouveau.
Aussi, aujourd’hui, c’est dans un hélicoptère de l’Onu que Jean-Marc Simon ¬rejoint le camp retranché. La majorité des 800 Casques bleus déployés autour de l’hôtel sont musulmans. Comme beaucoup de rebelles, selon l’appellation des sbires de l’autre camp. Tous commencent à manquer de nourriture et d’eau. Un convoi des Nations unies a été empêché, cet après-midi, de passer par un barrage. L’appareil se pose sur le gazon d’un ancien terrain de golf. Des blindés blancs de l’Onuci, les Nations unies en Côte d’Ivoire, pointent leurs canons vers la lagune au cas où des commandos de Gbagbo tenteraient un débarquement. Derrière des sacs de sable, des Casques bleus jordaniens se demandent ce qu’ils font dans cette galère(...)
«On ne se laissera plus piller comme en 2004»
Ce sont des patriotes, des jeunes désœuvrés, souvent payés pour manifester, qui risquent de s’opposer aux Casques bleus. « Comment empêcher 5 000 personnes désarmées de pénétrer dans l’hôtel, ou comment le ravitailler s’ils se couchent sur la route en travers des blindés de l’Onu ? » ¬demande un expatrié, resté malgré la menace qui pèse sur les Français. Une bonne partie est rentrée pour les fêtes de Noël et, en pleine récolte du cacao, certains ne peuvent pas s’absenter trop longtemps. D’autres ont choisi de protéger leur entreprise. « On ne se laissera plus piller comme en 2004 », me dit un Français de la Zone 4.
Acheter une arme n’est pas difficile à Abidjan. Il faut environ 700 euros pour une kalachnikov et une boîte de cartouches. Le chiffre d’affaires des sociétés de gardiennage a explosé. Après quinze ans de Légion, Frédéric Lafont est à la tête de la plus importante compagnie de sécurité privée du pays. Ce protestant atypique, fils de médecin, a bâti en quelques années un petit empire en Afrique, qui comprend une compagnie d’aviation, des hôtels, des bars et des restaurants, près d’une trentaine de sociétés. Pendant les émeutes de 2004, avec son colt, il a fait huit prisonniers qui avaient franchi son mur d’enceinte. « J’avais seulement 17 cartouches, dont la moitié était périmée », dit-il en souriant. Aujourd’hui, c’est avec un Glock, un automatique dernier cri, qu’il va chercher ses clients en difficulté.
En une semaine, lui et ses hommes ont évacué vers l’aéroport une soixantaine d’expatriés, pris au piège chez eux par une foule en colère. La télévision ne distille-t-elle pas, tous les jours, l’idée que la France est la source de tous les maux de la Côte d’Ivoire ? Plus grave encore est le ¬discours haineux que les médias pro-Gbagbo, c’est-à-dire presque tous, déversent sur les partisans de Ouattara. Des cadavres de ses partisans sont retrouvés le matin dans les quartiers. On parle désormais à Abidjan d’escadrons de la mort, et le spectre du Rwanda commence à ¬effrayer la population.
Source : Paris Match
La turbine du vieil hélicoptère MI-8 blanc de l’Onu démarre dans un bruit de ferraille. Aux commandes, un pilote ghanéen souriant. « Le vol durera dix minutes, assure-t-il. En cas de problème, suivez les instructions du mécanicien qui aura ouvert les portes. » Notre itinéraire passe au-dessus de la lagune d’Abidjan, peuplée de varans. Quant aux crocodiles, m’a-t-on dit, ils ne seraient pas méchants. Un détail qui a son importance en cas d’amerrissage.
L’ambassadeur de France, lui, n’en a cure. Il en a vu d’autres. Depuis le Tchad et l’opération Manta, je croise Jean-Marc Simon sur le continent africain depuis près de trente ans. Révolutions, coups d’Etat, émeutes, guerres, à Bangui, Libreville, N’Djamena, il a traversé des moments difficiles. Il était même consul général à Beyrouth sous les obus syriens qui bombardaient le réduit chrétien du général Aoun. Assis sur un strapontin, les oreilles couvertes par un casque antibruit, M. Simon mène aujourd’hui une nouvelle mission. La France soutenant le président Alassane Ouattara, et non pas son rival Laurent Gbagbo qui refuse de quitter son palais, l’ambassadeur est chargé de porter un message de la République française au nouveau chef de l’Etat, reclus dans un hôtel assiégé par les forces de sécurité -ivoiriennes(...)
Les gendarmes qui le protègent hésitent à l’exposer de nouveau.
Aussi, aujourd’hui, c’est dans un hélicoptère de l’Onu que Jean-Marc Simon ¬rejoint le camp retranché. La majorité des 800 Casques bleus déployés autour de l’hôtel sont musulmans. Comme beaucoup de rebelles, selon l’appellation des sbires de l’autre camp. Tous commencent à manquer de nourriture et d’eau. Un convoi des Nations unies a été empêché, cet après-midi, de passer par un barrage. L’appareil se pose sur le gazon d’un ancien terrain de golf. Des blindés blancs de l’Onuci, les Nations unies en Côte d’Ivoire, pointent leurs canons vers la lagune au cas où des commandos de Gbagbo tenteraient un débarquement. Derrière des sacs de sable, des Casques bleus jordaniens se demandent ce qu’ils font dans cette galère(...)
«On ne se laissera plus piller comme en 2004»
Ce sont des patriotes, des jeunes désœuvrés, souvent payés pour manifester, qui risquent de s’opposer aux Casques bleus. « Comment empêcher 5 000 personnes désarmées de pénétrer dans l’hôtel, ou comment le ravitailler s’ils se couchent sur la route en travers des blindés de l’Onu ? » ¬demande un expatrié, resté malgré la menace qui pèse sur les Français. Une bonne partie est rentrée pour les fêtes de Noël et, en pleine récolte du cacao, certains ne peuvent pas s’absenter trop longtemps. D’autres ont choisi de protéger leur entreprise. « On ne se laissera plus piller comme en 2004 », me dit un Français de la Zone 4.
Acheter une arme n’est pas difficile à Abidjan. Il faut environ 700 euros pour une kalachnikov et une boîte de cartouches. Le chiffre d’affaires des sociétés de gardiennage a explosé. Après quinze ans de Légion, Frédéric Lafont est à la tête de la plus importante compagnie de sécurité privée du pays. Ce protestant atypique, fils de médecin, a bâti en quelques années un petit empire en Afrique, qui comprend une compagnie d’aviation, des hôtels, des bars et des restaurants, près d’une trentaine de sociétés. Pendant les émeutes de 2004, avec son colt, il a fait huit prisonniers qui avaient franchi son mur d’enceinte. « J’avais seulement 17 cartouches, dont la moitié était périmée », dit-il en souriant. Aujourd’hui, c’est avec un Glock, un automatique dernier cri, qu’il va chercher ses clients en difficulté.
En une semaine, lui et ses hommes ont évacué vers l’aéroport une soixantaine d’expatriés, pris au piège chez eux par une foule en colère. La télévision ne distille-t-elle pas, tous les jours, l’idée que la France est la source de tous les maux de la Côte d’Ivoire ? Plus grave encore est le ¬discours haineux que les médias pro-Gbagbo, c’est-à-dire presque tous, déversent sur les partisans de Ouattara. Des cadavres de ses partisans sont retrouvés le matin dans les quartiers. On parle désormais à Abidjan d’escadrons de la mort, et le spectre du Rwanda commence à ¬effrayer la population.
Source : Paris Match