18 octobre 2007-31 août 2011. Après trois ans et dix mois passés à la tête de la Mission de maintien de paix de l’Onu, le Coréen Young Jin Choi part avec de bons et de mauvais souvenirs de la Côte d’Ivoire. Au micro de Rfi, hier, il s’est réjoui de n’avoir pas échoué dans la gestion du processus de sortie de crise.
Est-ce que vous partez avec le sentiment du devoir accompli ?
Oui ! Ou plutôt de n’avoir pas échoué.
De n’avoir pas échoué ?
Voilà !
Qu’avez-vous appris en Côte d’Ivoire ?
Beaucoup de choses, mais surtout j’avais le bonheur de servir le peuple ivoirien ; avec mes amis qui sont venus de tous les coins du monde, on a traversé des moments difficiles. Mais, on n’a pas perdu la tête.
Quel état des lieux vous faites, aujourd’hui, à l’heure où vous partez ?
Je crois que la fin de la crise couvre vingt ans de crise du passé. Maintenant, je crois que le pays a une grande opportunité avec le président Ouattara, pour regagner sa place (qui était la sienne) à savoir le centre de prospérité pour toute l’Afrique de l’Ouest.
Quel est le défi qui vous semble le plus difficile, est-ce que c’est la restauration de la paix, la réconciliation ou la démobilisation des anciens combattants ?
C’est la relance économique, puisque quand vous voyez la nomination des chefs de services, le 7 juillet, et les cadres, le 4 août, vous réalisez qu’il y a un excellent équilibre entre l’armée du nord et l’armée du sud. Ce qui s’annonce bien pour la réconciliation nationale.
L’Onu a joué un rôle de certification inédit, au moment des élections présidentielles à l’automne dernier ; est-ce que vous aviez mesuré la portée de cette mission ?
Oui. Je crois que s’il n’y avait pas de certification onusienne, il pourrait y avoir des confusions encore. Entre ce qui a été proclamé par la Commission électorale indépendante et ce qui a été proclamé par le Conseil constitutionnel.
L’ex-président Thabo Mbéki vous accuse d’avoir outrepassé votre mandat en déclarant qui a gagné les élections…
Non. J’ai dit voilà comment le peuple ivoirien a voté le 28 novembre. Et, quand ils ont voté, le président Ouattara avait une marge (avance, ndlr) de 8%. C’est la vérité.
Ce qui revient à dire qu’il est le vainqueur ?
Absolument ! Il est le vainqueur des élections. Je l’ai toujours dit, cela fait partie de mon mandat. Mais qui est le président après cela, ce n’est pas mon mandat. Donc, je ne crois pas qu’il y avait des confusions.
Est-ce que vous avez senti, à un moment donné, que l’Onuci ne pouvait pas remplir sa tâche de protection des civils ?
On peut toujours faire mieux mais nous n’avons pas échoué dans les moments critiques tels que dans les nuits des 11 et 12 janvier. Il y avait des possibilités très grandes de massacres de centaines de populations civiles. Facilement. Nous étions là toute la nuit, y compris moi-même avec les patrouilles, pour empêcher des massacres civils. Donc, s’il y avait eu des massacres civils d’envergure, notre mission aurait échoué.
Vous avez rencontré Laurent Gbagbo deux fois à Korhogo, quelles sont les dernières nouvelles que vous avez de lui ? Que vous a-t-il dit ?
Quand je l’ai vu le lendemain de son arrestation, je l’ai vu comme un homme totalement accablé. Je l’ai revu à Korhogo où il m’a dit : « nous avons travaillé ensemble pendant trois ans et demi. Les trois premières années étaient excellentes, mais les derniers mois n’étaient pas aussi bons. » Il m’a dit de nous souvenir, seulement, des trois bonnes années. Je lui ai dit : « Monsieur le président, c’est une excellente idée ». Je crois qu’il a dit : « nous allons nous joindre à la réconciliation ». Je crois qu’il a regagné son esprit.
Il ne vous en veut pas aujourd’hui ?
Non, pas du tout. Pas du tout. Je suis arrivé à une heure de l’après-midi, il m’a dit : « je vous ai attendu jusqu’à 11 heures, pourquoi vous arrivez si tard ? »
Est-ce que vous estimez que les droits de Laurent Gbagbo sont respectés aujourd’hui ?
Jusqu’à présent, oui. Son médecin privé était là, avec nous. Il (Laurent Gbagbo) a dit : « est-ce que je suis en bonne santé ? » Son médecin n’a pas nié. Je lui ai demandé : « est-ce que (la résidence est) confortable ? ». Il a dit : « pour la télévision, nous n’avons que deux chaînes. Je voulais même avoir plus de deux chaînes. Et, aussi je voulais avoir plus accès à mes avocats ». La semaine suivante, son avocat préféré a effectué une visite. Donc, grosso modo, oui.
Vous avez ressenti quoi, en le rencontrant en détention ?
J’avais une question toujours, pourquoi a-t-il défié la volonté du peuple ? Je n’ai pas obtenu de réponse à cette question. Mais je crois qu’il est épuisé. Il était totalement épuisé ; il était épuisé avant, pendant et après les élections. L’épuisement, il faut faire attention. Il faut être trop fatigué.
Est-ce qu’après ce qui s’est passé, le Fpi a toujours sa place sur la scène politique ivoirienne ?
Je ne crois pas. Le Fpi sans monsieur Gbagbo, le Fpi qui a défié la volonté du peuple, qui l’a appuyé avec les forces militaires contre la population civile… Je ne crois pas. S’il (le Fpi) avait accepté le résultat, c’était une grande différence.
Quels sont vos regrets en partant de la Côte d’Ivoire ?
Il y a un instant que je ne répéterais pas. Mais à part cela, je ferais la même chose.
C’est quoi cet instant ?
J’ai mis inutilement en danger ma vie, mes chers collègues et mes bodygards (garde du corps) dans la nuit du 5 mars, quand je suis allé protéger le Fpi. C’était inutile. J’ai fait un mauvais jugement.
Quels sont vos projets ?
J’ai fini le manuscrit de mon livre intitulé ‘’J’y suis, j’y reste‘’. Avec ce titre, je parle de mon expérience de maintien de la paix en Côte d’Ivoire. A part cela, il faut que je prenne un peu de repos ; je vais aller en montagne une fois arrivé en Corée, pour un mois et demi.
Propos retranscris sur Rfi par Bidi Ignace
Est-ce que vous partez avec le sentiment du devoir accompli ?
Oui ! Ou plutôt de n’avoir pas échoué.
De n’avoir pas échoué ?
Voilà !
Qu’avez-vous appris en Côte d’Ivoire ?
Beaucoup de choses, mais surtout j’avais le bonheur de servir le peuple ivoirien ; avec mes amis qui sont venus de tous les coins du monde, on a traversé des moments difficiles. Mais, on n’a pas perdu la tête.
Quel état des lieux vous faites, aujourd’hui, à l’heure où vous partez ?
Je crois que la fin de la crise couvre vingt ans de crise du passé. Maintenant, je crois que le pays a une grande opportunité avec le président Ouattara, pour regagner sa place (qui était la sienne) à savoir le centre de prospérité pour toute l’Afrique de l’Ouest.
Quel est le défi qui vous semble le plus difficile, est-ce que c’est la restauration de la paix, la réconciliation ou la démobilisation des anciens combattants ?
C’est la relance économique, puisque quand vous voyez la nomination des chefs de services, le 7 juillet, et les cadres, le 4 août, vous réalisez qu’il y a un excellent équilibre entre l’armée du nord et l’armée du sud. Ce qui s’annonce bien pour la réconciliation nationale.
L’Onu a joué un rôle de certification inédit, au moment des élections présidentielles à l’automne dernier ; est-ce que vous aviez mesuré la portée de cette mission ?
Oui. Je crois que s’il n’y avait pas de certification onusienne, il pourrait y avoir des confusions encore. Entre ce qui a été proclamé par la Commission électorale indépendante et ce qui a été proclamé par le Conseil constitutionnel.
L’ex-président Thabo Mbéki vous accuse d’avoir outrepassé votre mandat en déclarant qui a gagné les élections…
Non. J’ai dit voilà comment le peuple ivoirien a voté le 28 novembre. Et, quand ils ont voté, le président Ouattara avait une marge (avance, ndlr) de 8%. C’est la vérité.
Ce qui revient à dire qu’il est le vainqueur ?
Absolument ! Il est le vainqueur des élections. Je l’ai toujours dit, cela fait partie de mon mandat. Mais qui est le président après cela, ce n’est pas mon mandat. Donc, je ne crois pas qu’il y avait des confusions.
Est-ce que vous avez senti, à un moment donné, que l’Onuci ne pouvait pas remplir sa tâche de protection des civils ?
On peut toujours faire mieux mais nous n’avons pas échoué dans les moments critiques tels que dans les nuits des 11 et 12 janvier. Il y avait des possibilités très grandes de massacres de centaines de populations civiles. Facilement. Nous étions là toute la nuit, y compris moi-même avec les patrouilles, pour empêcher des massacres civils. Donc, s’il y avait eu des massacres civils d’envergure, notre mission aurait échoué.
Vous avez rencontré Laurent Gbagbo deux fois à Korhogo, quelles sont les dernières nouvelles que vous avez de lui ? Que vous a-t-il dit ?
Quand je l’ai vu le lendemain de son arrestation, je l’ai vu comme un homme totalement accablé. Je l’ai revu à Korhogo où il m’a dit : « nous avons travaillé ensemble pendant trois ans et demi. Les trois premières années étaient excellentes, mais les derniers mois n’étaient pas aussi bons. » Il m’a dit de nous souvenir, seulement, des trois bonnes années. Je lui ai dit : « Monsieur le président, c’est une excellente idée ». Je crois qu’il a dit : « nous allons nous joindre à la réconciliation ». Je crois qu’il a regagné son esprit.
Il ne vous en veut pas aujourd’hui ?
Non, pas du tout. Pas du tout. Je suis arrivé à une heure de l’après-midi, il m’a dit : « je vous ai attendu jusqu’à 11 heures, pourquoi vous arrivez si tard ? »
Est-ce que vous estimez que les droits de Laurent Gbagbo sont respectés aujourd’hui ?
Jusqu’à présent, oui. Son médecin privé était là, avec nous. Il (Laurent Gbagbo) a dit : « est-ce que je suis en bonne santé ? » Son médecin n’a pas nié. Je lui ai demandé : « est-ce que (la résidence est) confortable ? ». Il a dit : « pour la télévision, nous n’avons que deux chaînes. Je voulais même avoir plus de deux chaînes. Et, aussi je voulais avoir plus accès à mes avocats ». La semaine suivante, son avocat préféré a effectué une visite. Donc, grosso modo, oui.
Vous avez ressenti quoi, en le rencontrant en détention ?
J’avais une question toujours, pourquoi a-t-il défié la volonté du peuple ? Je n’ai pas obtenu de réponse à cette question. Mais je crois qu’il est épuisé. Il était totalement épuisé ; il était épuisé avant, pendant et après les élections. L’épuisement, il faut faire attention. Il faut être trop fatigué.
Est-ce qu’après ce qui s’est passé, le Fpi a toujours sa place sur la scène politique ivoirienne ?
Je ne crois pas. Le Fpi sans monsieur Gbagbo, le Fpi qui a défié la volonté du peuple, qui l’a appuyé avec les forces militaires contre la population civile… Je ne crois pas. S’il (le Fpi) avait accepté le résultat, c’était une grande différence.
Quels sont vos regrets en partant de la Côte d’Ivoire ?
Il y a un instant que je ne répéterais pas. Mais à part cela, je ferais la même chose.
C’est quoi cet instant ?
J’ai mis inutilement en danger ma vie, mes chers collègues et mes bodygards (garde du corps) dans la nuit du 5 mars, quand je suis allé protéger le Fpi. C’était inutile. J’ai fait un mauvais jugement.
Quels sont vos projets ?
J’ai fini le manuscrit de mon livre intitulé ‘’J’y suis, j’y reste‘’. Avec ce titre, je parle de mon expérience de maintien de la paix en Côte d’Ivoire. A part cela, il faut que je prenne un peu de repos ; je vais aller en montagne une fois arrivé en Corée, pour un mois et demi.
Propos retranscris sur Rfi par Bidi Ignace