Nord-Sud Quotidien a fait une incursion dans l’univers des femmes de chambre à Abidjan. Pour des besoins évidents de préservation d’identité et de protection de l’image, les vraies identités des intervenantes et les noms des hôtels ne seront pas dévoilés. Que de découvertes ! Lire plutôt notre enquête exclusive.
«C’était tout récemment lors d’un colloque organisé ici même à Abidjan. Notre hôtel a reçu une forte délégation d’hommes d’affaires, de chercheurs et d’universitaires. Je m’occupais de la chambre de certains parmi eux au 9ème étage. C’est avec politesse que je frappais à leurs portes pour faire le ménage. Et au bout de trois jours, l’un d’eux m’a proposé un matin la somme de 10.000Fcfa, pour passer quelques minutes d’intimité avec lui. J’étais choquée et scandalisée», révèle avec désolation Gisèle K, femme de chambre dans un luxueux hôtel du Plateau, non loin de l’ex-Sorbonne. Ce matin du 23 août, Gisèle vient de terminer son service. Difficile pour elle de nous recevoir à son lieu de service. Rendez-vous est pris pour continuer la conversation qui a donc lieu sur un banc de jardin public.
Toutes innocentes ?
Agée d’une trentaine d’années, Gisèle est une jeune femme au visage agréable. Elle est aussi belle que Nafissatou Diallo, mais semble avoir eu plus chance que la célèbre femme de chambre d’origine guinéenne dont l’histoire avec l’ex-directeur général du Fmi Dominique Strauss Kahn dans la suite 28-06 de Sofitel New-York continue de défrayer la chronique. Dans son cas, Gisèle reconnaît n’avoir subi aucune violence. Le client en question lui a proposé un marché. Et la femme de chambre d’Abidjan jure avoir décliné l’offre malgré les nombreuses tentatives du demandeur qui a séjourné quelques jours dans le palace. «Il a doublé la mise, mais je suis restée indifférente. C’est assez malencontreux de travailler dans de telles conditions. Nous n’avons pas le choix. C’est aussi difficile d’expliquer cela aux responsables », soutient-elle.
Les témoignages sont nombreux. L’histoire de Mireille B., une autre femme de chambre qui exerce dans un hôtel situé à 10 minutes de marche de celui de Gisèle, se déroule devant la chambre d’un client européen. Venu assurer le service, c’est en peignoir qu’il lui a ouvert la porte. «J’ai voulu ressortir et il m’a demandé de revenir faire mon travail pendant qu’il prendrait sa douche », relate-t-elle. Elle n’a pas voulu entrer. Elle est repartie pour revenir plus tard, après s’être assurée que l’occupant était parti. «On travaille souvent seule à l’étage et lorsqu’on est agressée, il est difficile d’être secourue», explique Mireille pour justifier sa méfiance de ce jour. «Parfois, quand vous arrivez dans une chambre, le client n’hésite pas à vous faire des compliments du genre : vous avez une belle paire de fesses. Ou bien : votre poitrine ferme me plaît», ou encore «vous êtes belle à croquer !», ajoute Perpétue A dans un hôtel non loin de la pharmacie Kénéya, à Yopougon. Comme ses consœurs, elle soutient n’avoir jamais accepté les avances d’un client. Dans son hôtel, il arrive que des hommes sans gêne se mettent à caresser des parties intimes des femmes qui assurent le ménage dans leur chambre ou des serveuses du restaurant qui assurent le room-service. «Ils cherchent soit à éveiller le désir en nous, soit à vérifier si nous sommes des filles légères ou non. Je ne pourrais pas vous dire que certaines filles ne se laissent pas prendre au jeu. Mais moi, jamais. Il m’arrive même de toiser les hommes qui s’adonnent à ce genre de comportements». Les situations de harcèlement sexuel, même si elles sont nombreuses, ne sont pas les seules épreuves qu’endurent les femmes de chambre. Elles sont aussi victimes de violences verbales et accusées de vols, rien que pour être intimidées et se laisser fléchir.
Attention aux rats de chambres
«J’ai débuté ma carrière en 2000. La gouvernante des femmes de chambre m’a dit d’être très vigilante parce qu’il y avait beaucoup de souris ou de rats d’hôtels», témoigne N.D., femme de chambre dans un autre hôtel de Yopougon à une centaine de mètres de l’ex- cinéma Saguidiba. Dans le métier, l’on surnomme souris ou rats d’hôtels les clients qui volent dans l’établissement. Ils s’introduisent dans les chambres quand la porte est entrouverte et que la femme de chambre est occupée dans une pièce ou dans la salle de bain. Il y a aussi des clients qui simulent des vols contre eux-mêmes. D’autres encore volent le linge ou les accessoires de table. « J’ai failli me faire virer une fois suite à l’accusation d’un client. Pendant que je mettais de l’ordre dans sa chambre, il est revenu prendre un dossier au chevet du lit. Et le soir, j’ai été convoquée à la direction parce que la même personne était revenue se plaindre de la disparition de son ordinateur- portable. Après un interrogatoire serré, il s’est rétracté, en faisant croire qu’il aurait plutôt oublié l’appareil dans un taxi », se souvient N.D.
Des femmes exposées…
Les mauvais comportements de clients, les femmes de chambre s’en plaignent tous les jours. C’est même leur sujet favori de conversation lors des pauses. Ce qui leur permet de classer les clients entre plus polis, respectueux, sales et propres. Certaines découvertes horrifient. Des clients, bien qu’ils soient dans des établissements luxueux ont un problème d’hygiène. « Il nous arrive de ramasser des draps sur lesquels se trouvent des excréments humains. Parfois, la chambre sent mauvais et l’on est obligé de respirer par la bouche. Il y en a qui jettent leurs brosses à dents dans le WC et la femme de chambre est obligée de la repêcher», déplore Elise. «Peut-être qu’ils se disent que nous sommes-là pour ça. Certes, nous recevons souvent de bons pourboires, mais ce n’est pas le plus important », précise Elise T., doyenne des femmes de chambre d’un hôtel de renom du quartier des affaires, dans la zone de l’agence principale de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao). Une autre catégorie de clients rend le travail laborieux : les fêtards. « Ils reviennent des soirées complètement ivres et mettent la chambre sens dessus-dessous. Ils vomissent sur la moquette ou sur le drap. Pour des personnes qui ne supportent pas l’odeur de l’alcool, et aussi la vision des vomissures, ces découvertes sont extrêmement difficiles à supporter». Selon l’hôtelière, lors d’une finale du concours de miss Côte d’Ivoire, une délégation de miss invitées et venues de pays étrangers a été hébergée dans leur bâtiment. Elle s’occupait de la chambre d’une jeune fille à l’allure de star. C’était la catastrophe. Elle laissait traîner ses dessous et des serviettes hygiéniques usées partout. «Comprenez-vous ce que je veux dire ?», interroge-t-elle, la mine dégoûtée. « Le plus révoltant, poursuit Elise, c’est lorsque des messieurs exposent sans aucun scrupule des préservatifs déjà utilisés. Ces personnes-là n’ont franchement aucune pudeur et aucun respect pour les autres.»
Soro Sita (stagiaire)
«C’était tout récemment lors d’un colloque organisé ici même à Abidjan. Notre hôtel a reçu une forte délégation d’hommes d’affaires, de chercheurs et d’universitaires. Je m’occupais de la chambre de certains parmi eux au 9ème étage. C’est avec politesse que je frappais à leurs portes pour faire le ménage. Et au bout de trois jours, l’un d’eux m’a proposé un matin la somme de 10.000Fcfa, pour passer quelques minutes d’intimité avec lui. J’étais choquée et scandalisée», révèle avec désolation Gisèle K, femme de chambre dans un luxueux hôtel du Plateau, non loin de l’ex-Sorbonne. Ce matin du 23 août, Gisèle vient de terminer son service. Difficile pour elle de nous recevoir à son lieu de service. Rendez-vous est pris pour continuer la conversation qui a donc lieu sur un banc de jardin public.
Toutes innocentes ?
Agée d’une trentaine d’années, Gisèle est une jeune femme au visage agréable. Elle est aussi belle que Nafissatou Diallo, mais semble avoir eu plus chance que la célèbre femme de chambre d’origine guinéenne dont l’histoire avec l’ex-directeur général du Fmi Dominique Strauss Kahn dans la suite 28-06 de Sofitel New-York continue de défrayer la chronique. Dans son cas, Gisèle reconnaît n’avoir subi aucune violence. Le client en question lui a proposé un marché. Et la femme de chambre d’Abidjan jure avoir décliné l’offre malgré les nombreuses tentatives du demandeur qui a séjourné quelques jours dans le palace. «Il a doublé la mise, mais je suis restée indifférente. C’est assez malencontreux de travailler dans de telles conditions. Nous n’avons pas le choix. C’est aussi difficile d’expliquer cela aux responsables », soutient-elle.
Les témoignages sont nombreux. L’histoire de Mireille B., une autre femme de chambre qui exerce dans un hôtel situé à 10 minutes de marche de celui de Gisèle, se déroule devant la chambre d’un client européen. Venu assurer le service, c’est en peignoir qu’il lui a ouvert la porte. «J’ai voulu ressortir et il m’a demandé de revenir faire mon travail pendant qu’il prendrait sa douche », relate-t-elle. Elle n’a pas voulu entrer. Elle est repartie pour revenir plus tard, après s’être assurée que l’occupant était parti. «On travaille souvent seule à l’étage et lorsqu’on est agressée, il est difficile d’être secourue», explique Mireille pour justifier sa méfiance de ce jour. «Parfois, quand vous arrivez dans une chambre, le client n’hésite pas à vous faire des compliments du genre : vous avez une belle paire de fesses. Ou bien : votre poitrine ferme me plaît», ou encore «vous êtes belle à croquer !», ajoute Perpétue A dans un hôtel non loin de la pharmacie Kénéya, à Yopougon. Comme ses consœurs, elle soutient n’avoir jamais accepté les avances d’un client. Dans son hôtel, il arrive que des hommes sans gêne se mettent à caresser des parties intimes des femmes qui assurent le ménage dans leur chambre ou des serveuses du restaurant qui assurent le room-service. «Ils cherchent soit à éveiller le désir en nous, soit à vérifier si nous sommes des filles légères ou non. Je ne pourrais pas vous dire que certaines filles ne se laissent pas prendre au jeu. Mais moi, jamais. Il m’arrive même de toiser les hommes qui s’adonnent à ce genre de comportements». Les situations de harcèlement sexuel, même si elles sont nombreuses, ne sont pas les seules épreuves qu’endurent les femmes de chambre. Elles sont aussi victimes de violences verbales et accusées de vols, rien que pour être intimidées et se laisser fléchir.
Attention aux rats de chambres
«J’ai débuté ma carrière en 2000. La gouvernante des femmes de chambre m’a dit d’être très vigilante parce qu’il y avait beaucoup de souris ou de rats d’hôtels», témoigne N.D., femme de chambre dans un autre hôtel de Yopougon à une centaine de mètres de l’ex- cinéma Saguidiba. Dans le métier, l’on surnomme souris ou rats d’hôtels les clients qui volent dans l’établissement. Ils s’introduisent dans les chambres quand la porte est entrouverte et que la femme de chambre est occupée dans une pièce ou dans la salle de bain. Il y a aussi des clients qui simulent des vols contre eux-mêmes. D’autres encore volent le linge ou les accessoires de table. « J’ai failli me faire virer une fois suite à l’accusation d’un client. Pendant que je mettais de l’ordre dans sa chambre, il est revenu prendre un dossier au chevet du lit. Et le soir, j’ai été convoquée à la direction parce que la même personne était revenue se plaindre de la disparition de son ordinateur- portable. Après un interrogatoire serré, il s’est rétracté, en faisant croire qu’il aurait plutôt oublié l’appareil dans un taxi », se souvient N.D.
Des femmes exposées…
Les mauvais comportements de clients, les femmes de chambre s’en plaignent tous les jours. C’est même leur sujet favori de conversation lors des pauses. Ce qui leur permet de classer les clients entre plus polis, respectueux, sales et propres. Certaines découvertes horrifient. Des clients, bien qu’ils soient dans des établissements luxueux ont un problème d’hygiène. « Il nous arrive de ramasser des draps sur lesquels se trouvent des excréments humains. Parfois, la chambre sent mauvais et l’on est obligé de respirer par la bouche. Il y en a qui jettent leurs brosses à dents dans le WC et la femme de chambre est obligée de la repêcher», déplore Elise. «Peut-être qu’ils se disent que nous sommes-là pour ça. Certes, nous recevons souvent de bons pourboires, mais ce n’est pas le plus important », précise Elise T., doyenne des femmes de chambre d’un hôtel de renom du quartier des affaires, dans la zone de l’agence principale de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao). Une autre catégorie de clients rend le travail laborieux : les fêtards. « Ils reviennent des soirées complètement ivres et mettent la chambre sens dessus-dessous. Ils vomissent sur la moquette ou sur le drap. Pour des personnes qui ne supportent pas l’odeur de l’alcool, et aussi la vision des vomissures, ces découvertes sont extrêmement difficiles à supporter». Selon l’hôtelière, lors d’une finale du concours de miss Côte d’Ivoire, une délégation de miss invitées et venues de pays étrangers a été hébergée dans leur bâtiment. Elle s’occupait de la chambre d’une jeune fille à l’allure de star. C’était la catastrophe. Elle laissait traîner ses dessous et des serviettes hygiéniques usées partout. «Comprenez-vous ce que je veux dire ?», interroge-t-elle, la mine dégoûtée. « Le plus révoltant, poursuit Elise, c’est lorsque des messieurs exposent sans aucun scrupule des préservatifs déjà utilisés. Ces personnes-là n’ont franchement aucune pudeur et aucun respect pour les autres.»
Soro Sita (stagiaire)