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Politique Publié le jeudi 22 septembre 2011 | Le Patriote

Bataï François Chef du Canton Wê : “Nous réclamons Konan Banny à Duékoué”

Passé le deuil, le peuple wê se réorganise dans les villages et en ville. Mais qu’en est-il de la réconciliation ? Nous avons échangé avec le Chef de canton Zanhé, président de la coordination des chefs traditionnels du département de Duékoué.
Le Patriote : Duékoué a-t-il fait le deuil du drame qu’il a vécu ?
François Bataï : Merci mon fils, je crois que c’est la deuxième fois que tu viens chez moi pour savoir comment se passent les choses ici. J’apprécie la démarche de votre journal. En effet, nous travaillons à la réconciliation de Duékoué et nous sommes toujours avec l’administration et la population. C’est le rôle de tout bon chef de rechercher la paix entre les communautés. Quand on est dans le contexte de Duékoué, ce n’est pas facile de convaincre tout le monde d’un coup. Beaucoup ont du mal à se remettre du choc. Nous sensibilisons la population à la paix mais nous reconnaissons qu’il y a des ressentiments. Ceux qui ont perdu un mari ou un enfant au cours de cette guerre, continuent de pleurer. Quitte à nous, de les consoler et de les amener à regarder l’avenir avec espoir. Ce n’est donc pas une démarche facile. Certains ne sont pas encore disposés à retourner au village à cause du traumatisme. C’est pourquoi, nous tenons régulièrement des réunions avec ces personnes pour les convaincre de retourner chez elles. Nous avons donc fait le deuil mais les séquelles de la guerre demeurent encore.

LP : En votre qualité de Chef du canton Wê, est-ce que vous pouvez nous dire si votre communauté est disposée au pardon et à la réconciliation prônée par le président Ouattara?
FB : Nous nous inscrivons dans la réconciliation. Mais, il faut reconnaître que des problèmes demeurent encore sans solution dans le département. Des maisons ont été brûlés et des personnes tuées par endroits. Les Wê sont des déplacés dans les missions et ailleurs, ils sont devenus des étrangers sur leurs propres terres. Ils voient leurs villages à deux cents mètres mais ne peuvent pas y accéder. Les cours sont envahies aujourd’hui par les herbes, les puits sont détruits. Comment dans ces conditions peut-on leur demander objectivement, de retourner chez eux. Nous leur demandons pardon, mais nous sommes bloqués quand ils nous posent certaines questions. Or, on ne peut véritablement parler de réconciliation que lorsque chacun retrouve sa maison. Nous sommes prêts pour la réconciliation mais on ne met pas la charrue avant les bœufs.

LP : Il est donc prématuré selon vous de parler de réconciliation maintenant à Duékoué?
FB : Ce n’est pas prématuré, mais nous demandons que le Premier Ministre Charles Konan Banny soit-là. Comme c’est lui qui a été choisi pour réconcilier les Ivoiriens, il faut qu’il vienne parler aux populations de Duékoué. Sa voix portera un peu plus que nous. Quelqu’un qui a tout perdu, on ne peut pas presser la personne de retourner dans le vide, sans soutien. Ce n’est pas possible. Voilà pourquoi la situation reste en l’Etat depuis six mois. Nos actions de sensibilisation resteront vaines tant que l’Etat ne soutient pas concrètement ces personnes. Et comme nous ne tenons pas à une réconciliation de façade, nous allons rencontrer Banny et lui dire ce qu’il y a à faire dans cette région.

LP : En attendant donc, les déplacés sont assistés par les humanitaires depuis six mois, êtes-vous satisfait de leurs actions ?
FB : C’est grâce aux humanitaires que tout ce monde vit aujourd’hui depuis six mois. Sans eux, on aurait dénombré plus de morts par maladies ou par faim que la guerre elle-même n’en a causés. Seulement, nous avons posé un préalable depuis le début mais nous n’avons pas eu gain de cause avec eux. Nous leur avons dit que sortir les gens de la mission pour les relocaliser sur un autre site ne nous honore pas. L’ensemble de la chefferie que je préside à Duékoué a demandé que les tentes soient dressées dans les villages pour faciliter leur retour au village. Au lieu de construire ces sites sur la route de Guiglo, on peut dresser des tentes dans les villages. Mais les humanitaires estiment que cela n’est pas de leur ressort. Maintenir ces gens sur un site, c’est leur faire oublier leurs villages. Mieux vaut renvoyer nos parents dans leurs villages ensuite l’Etat peut discuter avec nous sur les autres aspects.

LP : Qu’est ce que vous demandez au gouvernement concrètement?
FB : Nous demandons à l’Etat d’assurer la sécurité de nos parents et de reconstruire leurs villages. L’Etat doit désarmer ceux qui ont pris des fusils et qui n’appartiennent pas aux effectifs de l’armée. Tant que ces gens, surtout les Dozo, auront des fusils en main et roderont autour des villages, les villageois ne se sentiront pas en sécurité chez eux. Nous ne comprenons pas que des chasseurs traditionnels soient devenus des guerriers.

LP : Ce sont vos conditions pour retourner dans les villages ?
FB : Ce n’est pas une condition en tant que telle mais une inquiétude pour nous. On ne peut pas dire que les Wê sont mauvais parce que ce sont des gens qui habitent avec nous depuis plus de quarante ans. Ils exploitent nos terres, ils ont eu des enfants ici qui ont fréquenté ici et qui sont pour certains devenus des hommes respectables. Si nous étions mauvais, nous n’aurions pas gardé ce monde aussi longtemps. Mais ceux qui nous ont agressés trouvent des arguments pour dire que nous sommes mauvais, c’est pourquoi ils ont pris des fusils contre nous. Dans les campements aujourd’hui, si vous avez 20 personnes c’est qu’ils ont 20 fusils. Nous demandons à l’Etat de désarmer ces gens et de les ramener à leur place.

LP : Vous souhaitez donc que le président de la commission Dialogue-vérité et réconciliation vienne ici. Quel est le message que les chefs wê veulent lui transmettre ?
FB : Nous réclamons le premier Ministre Banny. Si j’avais un fétiche, je l’aurais utilisé pour que Banny arrive ici dès demain. Il faut que les gens prennent en compte nos doléances. On parle depuis des mois, mais les gens ne nous écoutent pas. Mais notre sécurité doit être prise en compte. Je le répète, les Chefs wê et la population réclament la présence de Charles Konan Banny à Duékoué. Nous avons besoin de lui maintenant pour remonter le moral de nos parents. Nous faisons ce que nous pouvons mais quand Charles Konan Banny viendra, les choses avanceront plus vite vers la réconciliation. Les communautés Wê, Baoulé, et Malinké peuvent revivre ensemble comme par le passé parce que nous sommes capables de surmonter les problèmes que nous avons vécus.
Propos recueillis par ALI,
Envoyé spécial
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