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Politique Publié le vendredi 23 septembre 2011 | Le Patriote

Gbagbo, Soklokpeu, Voici la longue liste de tes victimes

Soklokpeu, c’est l’histoire de cette bestiole à mille pattes, d’où son nom, racontée par un chansonnier du pays bété, précisément de la région de Guibéroua. Une chanson rendue célèbre par une reprise d’un artiste très à la mode, dans le temps, Amédée Pierre, ancien conseiller du président déchu. Ceci explique peut-être cela. Soklokpeu, le Mille-pattes était le roi des vaniteux. Il se promenait dans le village en criant qu’il était le plus fort, que personne ne pourrait le terrasser, que même si le blanc parvenait à le mettre en prison, son fétiche l’aiderait à en sortir sans difficulté. L’histoire se passe donc pendant la colonisation. Soklokpeu disait ne craindre personne. Il était invincible. Il n’avait peur de rien. Mais comme cela arrive toujours aux vaniteux, un jour Soklokpeu va défier le blanc. Il est mis aux arrêts et enfermé. Ses parents du village n’en firent pas un problème. Pour eux, Soklokpeu va sortir de prison sans coup férir. Ils attendent deux, trois, quatre jours, Soklokpeu n’apparaît pas. Bien au contraire, ils l’entendent gémir, leur demandant de venir à son secours, d’intervenir auprès du blanc pour qu’il le libère. Aux parents de lui répondre : « N’est-ce pas toi Soklokpeu qui criait partout que le blanc ne pouvait te mettre en prison, que tu ne redoutais rien, que rien ne pouvait t’arriver ? Pourquoi nous appelles-tu ? Et ton fétiche qui te rendait si arrogant, où l’as-tu laissé ? En réalité, Soklopkpeu n’était qu’un petit provocateur, un vaniteux invétéré.

Parlements et agoras

L’histoire de Soklokpeu est semblable à celle du président capturé dans un bunker, Laurent Gbagbo. L’on se le rappelle, au lendemain de son élection dans des conditions que lui-même a qualifiées de calamiteuses, il criait sur tous les toits qu’il cracherait le feu sur les têtes de ses voisins. Des militaires en exil dont il voyait le dos, il en ferait une bouchée s’ils s’aventuraient, armés, au-delà de la frontière de leur pas d’exil. Quelques semaines après son investiture, dans un stade Houphouët-Boigny qu’il avait bondé de ses partisans, il se faisait passer pour ce guerrier sans peur ni reproche qui avait réussi là où beaucoup avaient échoué. Ses faits d’arme avaient convaincu ses courtisans qu’en face de lui, il n’y avait personne. Ses adversaires politiques n’étaient que du maïs, une céréale facile à broyer. Plus courageux que lui, il était difficile d’en trouver. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’ancien préfet de Bouaké dont il avait fait son directeur de cabinet, avait choisi de le suivre selon ses propres termes. Paul N’Zi David tombait en sublimation devant ce chef que rien n’effrayait. Le chef lui-même ne ratait aucune occasion pour affirmer sa bravoure. Il avait le verbe haut et tenait les autres dans le mépris. Parmi tous les candidats à la présidentielle, il se disait le seul qui avait une histoire avec le peuple. Les autres étaient des illustres inconnus, venant d’ailleurs ou défendant les intérêts des occidentaux. Il refusait d’être le, sous-préfet de la France. D’ailleurs, sans lui, les fonctionnaires français ne seraient pas payés. Le jour où il aurait des problèmes, ses oracles lui avaient dit qu’une armée d’Anges dépêchés par Dieu viendraient le sauver. Soklokpeu tenait-là son fétiche. Et fort de cela, il va défier tout le monde entier. Il va refuser de se plier au verdict des urnes. Il ne prendra pas le président des Etats-Unis au téléphone. Les conclusions de l’investigation des experts de l’Union africaine dans la crise post-électorale, seront froissées. A la CEI, ses partisans, devant les caméras du monde entier, vont déchirer les procès-verbaux des bureaux de vote. Il n’y a rien en face. Le Soklopkpeu de la réalité politique nationale est tout puissant.
Malheureusement, comme son alter ego de la chanson, un jour du 11 avril 2011, il est capturé et mis en prison. Son féticheur, le soi-disant prophète Malachie annonce que l’armée céleste est en route. Il donnera plusieurs dates de son arrivée. Jusque-là, on attend toujours et l’ancien président st toujours en prison. Son fétiche n’a pu le sauver jusqu’à présent. Quand on trace un parallèle entre les deux Soklokpeu, on voit que taillés dans le même marbre de la vanité, leurs comportements et agissements n’ont pas eu les mêmes conséquences. Le Soklokpeu de la chanson a payé seul sa vanité. Seul il a tiré la morale de l’aventure qu’il a connue. Ce qui n’est pas le cas du Soklokpeu de la réalité politique nationale. Son arrogance vis-à-vis de ses pairs des pays voisins et le dédain qu’il avait pour des militaires en exil, ont valu à la Côte d’Ivoire, une rébellion qui a éclaté en 2002 et dont les séquelles sont encore vivaces dans le pays. La Côte d’Ivoire avait été divisée en deux sans que celui qui sort le sabre dès qu’on lui montre le bout d’une aiguille n’ait pu rien faire. Et ce n’est pas tout.
Laurent Gbagbo a été un homme politique chanceux. Il a eu le rare privilège de bénéficier de l’adhésion d’une frange importante de la jeunesse ivoirienne à son discours. Malheureusement, ces jeunes, il les a entraînés dans la voie du banditisme. Il a fait d’eux, des individus sans foi ni loi. Des tueurs sans pitié qui brûlaient vifs des êtres humains. Ils ont inventé «l’article 125 » qui consistait à acheter litre de pétrole et une boîte d’allumettes, pour arroser des victimes avec ce liquide inflammable avant d’y mettre le feu. Avec lui, la jeunesse a perdu ses repères. Parce qu’il disait avoir libéré la parole, les jeunes qui le prenaient pour modèle, n’avaient qu’insultes et injures à la bouche. Ils ne respectaient rien. D’eux, au lieu de faire des chefs d’entreprises, il en a fait des chefs des « agoras » et autres « parlements ». Au lieu d’en faire de vrais ministres, il en a fait des ministres de la rue. Soklokpeu a fait du tort à l’avenir du pays. Et ce n’est toujours pas tout. A côté de ces jeunes, il y a le lot des adultes qui ont cru en l’invincibilité du « Garçon du village ». Se plaçant sous son parapluie, que n’ont-ils pas fait ? Ils ont dépecé le pays. Vidé les caisses publiques. Bâti des châteaux. Acheté des bateaux de plaisance. Voilà que Soklokpeu a bavardé pour rien. Il a été défait politiquement et militairement, condamnant ainsi la majorité de ses partisans à des exils honteux.
Gbagbo, Soklokpeu a surtout couvert son village de honte. A cause de lui, ses parents vivent comme une armée vaincue. Eux qui étaient si fiers, marchent à présent la tête baissée. Ils vivent un drame intérieur très profond. Par ces agissements, Soklokpeu donne d’eux, une image qui n’est pas reluisante. Bien au contraire. Certains avaient soutenu qu’ils étaient un peuple paresseux, belliqueux et tribal. Après les exploits de Soklokpeu il est difficile de ne pas leur donner raison ? Or, un peuple qui, en raison de la pratique de l’exogamie, fait de l’étranger, un don de Dieu, ne peut présenter ces traits de caractère. Dans le passé récent de ce peuple, les chefs dont on continue de chanter les louanges, sont ceux qui ont réservé un bon accueil au colon blanc et qui l’ont conduit auprès du grand chef.
Soklokpeu, c’est bien l’histoire du crapaud qui voulait se faire aussi costaud qu’un éléphant. Gbagbo est en prison à Korhogo. Quoi que disent ou pensent ses partisans, il a mal géré le pays. Il a trop parlé. Il n’a pas travaillé du tout. Il a défié, inutilement, la communauté internationale. Il a moqué avec imprudence, son opposition politique. Ila eu du mépris pour les autres. Après sa capture, son village est partagé entre la honte et la colère intérieure pour avoir été trahi. Quant au pays, sous l’impulsion du président houphouétiste, Alassane Ouattara, il panse ses plaies, doucement, mais sûrement.
Raphaël Lakpé
Journaliste-sociologue, consultant
raphlakpe@yahoo.fr
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