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Politique Publié le jeudi 29 septembre 2011 | L’intelligent d’Abidjan

CDVR / Charles Konan Banny, hier à Yamoussoukro : ‘’Nous ne nous engageons pas sur un terrain inconnu’’

© L’intelligent d’Abidjan
Conference de presse de Charles Konan Banny
Charles Konan Banny, ancien Premier ministre ivoirien, président de la commission commission Dialogue Vérité et Réconciliation donne une conference de presse a Dakar
Les membres de la CDVR (Commission Dialogue, vérité et réconciliation) ont officiellement pris fonction hier. Charles Konan Banny, le président de ladite commission a pris l’engagement de ramener la paix, gage de la stabilité de la croissance. Ci-dessous sous discours.

Nous voici réunis pour donner le signal d’un nouveau départ dans notre quête inlassable de la paix, dans notre volonté proclamée de réconcilier la Côte d’Ivoire avec elle-même. La volonté de réconciliation est là, exprimée de façon unanime, par vous-même une fois de plus, à travers votre présence Monsieur le Président, et par tous ceux qui prennent la parole au sujet de la grave crise que traverse notre pays.

Mais les déclarations de bonnes intentions ne doivent pas nous faire oublier que nous n’en sommes pas à notre coup d’essai. Le travail accompli les années précédentes n’a pas empêché ni arrêté l’intrusion de la violence dans les affaires politiques.

Pourquoi n’avons-nous pas su épargner à notre chère Côte d’Ivoire le spectacle effroyable de la guerre ? Pourquoi nous, Ivoiriens, que caractérise l’esprit de dialogue et de conciliation, en sommes-nous arrivés à cette extrémité ?

La guerre n’ayant pas été évitée, nous avons entrepris la longue et humiliante tournée des capitales, en Afrique et ailleurs, en quête d’une paix introuvable. Côte d’Ivoire ! Toi qui fus naguère le siège des règlements des conflits survenus en Afrique, te voilà sur les routes du monde, exposant à l’univers ton inconstance et ta fragilité !

Avec l’accord de Ouagadougou qui a permis de mettre autour d’une même table les principaux protagonistes, une nouvelle dynamique a été instaurée. Quatre ans plus tard, les élections présidentielles qui se sont tenues en octobre-novembre 2011 ont malheureusement débouché sur une escalade de la violence. Trois mille habitants de la Côte d’Ivoire ont laissé la vie dans cette folle aventure post-électorale, ajoutant une nouvelle page noire à la tragédie ivoirienne.

Aujourd’hui, par la volonté du Président de la République et grâce à la contribution de tous, nous bénéficions d’une relative accalmie. La situation est assez calme en effet pour que nous nous posions les bonnes questions : Comment en sommes-nous arrivés à ce degré de barbarie et d’irresponsabilité ? Pourquoi aucune des tentatives antérieures n’a-t-elle donné les résultats escomptés ? Que faire pour que l’actuelle Commission, qui vient d’être portée sur les fonts baptismaux par vous-même, Monsieur le Président de la République, n’aboutisse pas à la même impasse que les forums passés ?

La réponse à ces questions présuppose la ferme volonté de rechercher la vérité sans tabous, sans entraves, ni faux-fuyants. Il s’agit pour la Côte d’Ivoire de se regarder en face, courageusement, et d’accepter de se découvrir telle qu’elle est et non pas de brouiller sa propre image pour se proclamer telle que certains voudraient qu’elle soit.

Or qu’est-ce que la Côte d’Ivoire ? La Côte d’Ivoire, c’est ce quadrilatère richement doté par la nature où les peuples divers qui en sont devenus les citoyens, continuent malheureusement à accorder la primauté à l’appartenance communautaire sur la citoyenneté. Nous agissons encore comme originaires de telle région, comme membres de telle ethnie avant d’être ivoiriens, alors que, de l’ensemble éclaté que nous constituons, les Pères-Fondateurs ont nourri la remarquable ambition de faire un havre cosmopolite et humanitaire.

La Côte d’Ivoire a été conçue comme la patrie de l’homme et le cadre d’épanouissement de toutes les populations en quête de mieux-être par le travail, dans l’union et la discipline. Tant que le pays était prospère, cette philosophie était largement partagée. Mais la récession économique a réveillé les pulsions enfouies en chacun de nous et les tensions qui sommeillaient ont surgi, amenant sur le devant de la scène de nouvelles problématiques.
À la question : “Qu’est-ce que la Côte d’Ivoire ?“, s’est ajoutée une seconde : “Qu’est-ce qu’être ivoirien ?“ À cette interrogation, les dénis d’identité et de citoyenneté, le refus de l’intégration et la politique de la citadelle assiégée ont servi de simulacre de réponse. Nous voici donc aujourd’hui à nouveau face à nous-mêmes, sommés par les événements et les circonstances, de répondre sans ambages à ces deux questions. De la qualité et de l’exactitude des réponses, dépendront la paix et la réconciliation. À trop différer la résolution du problème, nous courons le risque de le voir s’aggraver.

Aucune victoire par la force ne peut être tenue pour définitive, car le vaincu d’aujourd’hui fourbira ses armes dans l’espoir de devenir le vainqueur de demain. Et c’est ainsi que s’installe l’escalade. Désarmons donc aujourd’hui nos haines, faute de quoi nous nous acheminons à grands pas vers une guerre de cent ans !

Mesdames et Messieurs,

la mission assignée par le Président de la République à la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation repose sur des attributions claires. En outre, les instruments mis à sa disposition sont précis. Il revient à la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation d’aider la Côte d’Ivoire à répondre aux questions que se posent les citoyens. La Commission, usant de la seule arme du dialogue, doit être l’accoucheuse de vérité qu’attendent les Ivoiriens. Mais, ne nous y trompons pas, sans un dialogue franc, ouvert, inclusif et équitable, sans la participation de tous, elle ne saurait faire œuvre utile. La Commission doit être aussi l’auxiliaire de l’œuvre de rédemption de notre pays. Mais, nous le savons bien, la rédemption passe par la contrition et la repentance. Enfin, pour réussir, la Commission doit être indépendante. Et cette indépendance, vous l’avez compris, Monsieur le Président, est gravée dans le marbre de l’Ordonnance qui l’institue. La CDVR s’efforcera donc de mériter la confiance que vous avez placée en elle et que lui accordent les Ivoiriens, en maintenant le cap de cette indépendance.
En toute indépendance, la Commission s’efforcera de conduire les Ivoiriens vers la réconciliation. Ainsi, tous les commissaires agiront, non pas dans l’intérêt d’une ethnie, d’un parti ou d’une communauté religieuse, mais dans le seul intérêt de la Nation tout entière qu’ils représentent tous dans sa diversité. Le travail ne s’arrêtera pas cependant à cette échéance. Avec l’aide des pouvoirs publics et des Ivoiriens dans leur ensemble, la CDVR devra créer les conditions d’une paix permanente et proposer des outils de veille et de prévention qui mettent notre pays à l’abri de nouvelles secousses. Cela aussi figure dans l’Ordonnance. Les années à venir verront naître un citoyen nouveau, si nous mettons tout en œuvre pour ne pas retomber dans les mêmes errements.

Nous ne nous engageons pas sur un terrain inconnu. Des travaux ont été effectués sur l’objet de la mission de la CDVR. Celle-ci se fera le devoir de s’en inspirer. Elle procèdera en effet à une revue critique des résultats des forums antérieurs dans l’intention bien comprise de s’en servir comme tremplin pour une nouvelle tentative que nous espérons fructueuse.
Nous sommes conscients que la tâche ne sera pas aisée. Toute action qui s’applique au matériau humain est difficile à réaliser, parce que l’être humain est un matériau mouvant qu’il faut considérer avec patience, délicatesse et opiniâtreté. Si désireux que nous soyons de clore rapidement l’épisode douloureux de notre vie commune, nous devrons nous armer de patience pour atteindre notre objectif. C’est la raison pour laquelle nous prendrons le temps de réunir les conditions de faisabilité de l’œuvre que nous allons entreprendre. La Côte d’Ivoire est encore sous le choc des atteintes inouïes à l’intégrité des personnes. Nous devons donc, avant toute autre démarche, apaiser les esprits, conformément à nos traditions culturelles.

La quête de la vérité et la réconciliation ne pourront être effectives que si, telle une plaie qu’on débarrasse de ses impuretés avant de la soigner, les communautés nationales sont soumises au préalable à tous les rites qui ont le pouvoir psychologique d’apaiser les tensions.

Il se trouve que toutes les cultures ivoiriennes ont en commun l’attachement particulier à la vie. Nous nous inspirerons de ces valeurs de civilisation de notre peuple. En effet, l’effusion de sang et la mort d’hommes qui s’ensuit, sont considérées chez nous comme une immense catastrophe parce qu’elles entraînent la rupture de trois liens sacrés : la relation à la terre qui a été forcée d’absorber le sang humain versé, le respect envers les esprits tutélaires ainsi profanés et le lien de la personne avec l’univers dont elle est partie intégrante. L’infraction majeure que constitue tout meurtre de sang exige, dès lors, un rituel de purification.
À cette occasion, la société ivoirienne s’interrogera sur les raisons de la tragédie vécue et s’efforcera de s’appliquer une thérapie qui, sans exonérer les criminels, ramène la paix. En effet, toute mort violente est considérée comme une atteinte grave à l’équilibre du monde et doit faire l’objet d’un traitement spécifique. Cet exercice est censé apaiser à la fois l’esprit de la victime, celui des ancêtres, la colère de Dieu et la perturbation sociale qui s’en est suivie.
Face au désastre dans lequel est engluée la Côte d’Ivoire, devant les monceaux de corps abattus par la crise meurtrière qui l’a secouée, il est impératif de rechercher toutes les voies susceptibles d’aider à la restauration de la vie en commun.

Tout en créant les conditions de l’apaisement, la commission mettra en œuvre un dispositif de consultation dont la finalité est d’amener les Ivoiriens à s’approprier le processus. La connaissance de ce que souhaitent les Ivoiriens nous permettra d’élaborer une démarche appropriée. Nous devons nous persuader que les techniques les plus savantes ne seront d’aucun secours si les populations qui doivent être réconciliées ne se sentent pas concernées par l’opération. Un citoyen convaincu de la pertinence du processus sera désireux d’y prendre part, car il aura été mis en confiance.

Je voudrais dire, à présent, un mot à tous ceux qu’inquièterait l’éventuel règne de l’impunité. La CDVR n’est en aucun cas une instance dotée du pouvoir d’amnistie et d’absolution.
Ni vengeance, ni impunité, mais repentance, réparation, restauration, pardon et paix pour la reconstruction ; voilà le programme qui t’est proposé chère Côte d’Ivoire.

Mesdames et Messieurs, je vais conclure. Nous voulons accomplir au mieux la lourde tâche qui nous incombe. C’est pourquoi nous attachons un prix particulier aux approches humaines qui viennent d’être exposées. La justice “restaurative“, qui se trouve au cœur de notre mission, ne pourra que profiter de cette entrée en matière qui permettra d’amener tous les Ivoiriens autour de la table de la Vérité et de la Réconciliation.

Nous voulons réussir ! Y parviendrons-nous ? Seul Dieu le sait. Pour notre part, nous conduirons le processus de réconciliation sans exclure personne, sans interférence avec la justice qui continuera à suivre son cours. Nous conduirons le processus avec la foi et la volonté de personnes convaincues que la Côte d’Ivoire doit sortir de l’impasse. Nous sommes persuadés que la réconciliation est la seule issue à l’impasse dans laquelle nous nous sommes enfermés pendant des années. Cela seul suffit à rendre notre détermination inébranlable. Cela suffit à nous rendre sourds aux présages des oiseaux de mauvais augure. Dieu, qui aime la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens, nous y aidera !

Je vous remercie.
Charles Konan Banny
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