Dans cette interview, Anne Désirée Ouloto, ministre de la Salubrité urbaine, ne s’est pas dérobée à sa réputation de personne pour qui le franc-parler reste un trait caractériel. Les vraies raisons du report de la visite du président Ouattara à l’ouest, les actions de sabotage et de déstabilisation, le système de sécurité en Côte d’Ivoire, sa candidature aux élections législatives, la place des Wê en Côte d’Ivoire. Sur ces questions et bien d’autres, elle s’est prononcée, sans faux-fuyant…
A la demande du comité d’organisation, la visite du chef de l’Etat, à l’ouest prévue pour les 13, 14 et 15 octobre 2011 a été reporté. Quelles en sont les vraies raisons ?
Anne Ouloto : Personnellement, ce report, pour moi, a été une très grande satisfaction. Parce que le comité s’est rendu à l’évidence d’un certain nombre de contraintes et de contingences, et a eu le courage de proposer au Président de la République, qu’il accepte de décaler de quelques semaines sa visite dans le Moyen-Cavaly.
Quelques semaines… C`est-à-dire ?
A. O : Quelques semaines, c`est-à-dire juste trois ou quatre semaines maximum. C’est la proposition que nous avons faite au Président de la République. Maintenant, vous savez que le président de la République a un programme d’activité, un agenda. Il lui a appartient, de façon discrétionnaire, en fonction de son calendrier, de nous donner la nouvelle date.
Cette visite n’est donc pas annulée ?
A. O : Cette visite ne saurait être annulée, parce qu’elle constitue une priorité pour le Président de la République. Il ne nous a pas consultés, avant de nous dire « je vais dans votre région ». Il a décidé d’y aller, parce qu’il a le pouls de la situation, il a pleinement connaissance des souffrances que les populations du Moyen-Cavaly ont endurées pendant la crise post-électorale et même depuis 2002. Il a suivi personnellement l’évolution de cette région depuis toujours, puisqu’il était candidat à l’élection présidentielle et donc il est bien au fait des réalités de toutes les régions du pays, y compris celles du Moyen-Cavaly où il s’est rendu, au moins deux fois déjà. Le président de la République sait exactement ce qui s’est passé dans cette région de la Côte d’Ivoire, puisque, par ailleurs, il a à ses côtés des filles et fils de cette région dont moi-même, originaire de Toulépleu, qu’il interroge au quotidien, et nous l’informons sur tout qui se déroule dans cette zone. C’est donc fort de tout cela que le Président de la République a estimé qu’il était, pour lui, indispensable de commencer ses visites d’Etat à l’intérieur du pays, par cette région fortement sinistrée. Nous avons applaudi vivement cette décision du Président de la République. Maintenant que nous nous sommes rendus à l’évidence, suite aux missions que nous y avons effectuées avec les différents émissaires qui ont été envoyés, moi-même j’ai fait une missions dans le département de Toulépleu, le ministre Dagobert Banzio s’y est rendu, le ministre Albert Mabri Toikeusse, vice-président du comité d’organisation s’y est rendu également avec une forte délégation composée de cinq ministres de la République, la présidence de la République a envoyé une mission composée des protocoles d’Etat, des membres de la sécurité présidentielle etc. nous avons proposé que la visite connaisse un léger report. Ce que nous souhaitons est que la visite du chef de l’Etat soit une véritable fête avec la population. Que le Président de la République ait l’occasion de répondre aux préoccupations des populations et que celles-ci aient une lueur d’espoir, après le passage du président de la République, en lui donnant l’opportunité de mettre en œuvre son programme de gouvernement.
Lorsque vous dites « le comité d’organisation n’est pas prêt », qu’est-ce que cela recouvre exactement ? Qu’est-ce qui cloche sur le terrain ?
A. O : Comme vous le savez, cette région a été fortement sinistrée, du fait de la guerre. Quand un président de la République se déplace dans cette région, cela implique le déploiement de toute une batterie de moyens. Il y aura un déferlement humain important. Il faut des structures d’accueil. Le problème d’hébergement pose problème. Nous avons également, les questions climatiques. Nous sommes en ce moment, en pleine saison de grandes pluies dans la région. Les routes sont fortement dégradées. En ce qui concerne les routes bitumées, il y a des nids de poule qu’il va falloir fermer. L’un des gros problèmes de la région, c’est la route allant de Blolequin ( Yoya) à Toulépleu qui n’est pas bitumée. Cette route est fortement dégradées et elle nécessite un traitement particulier. Fort de tout cela, nous avons pensé, en toute objectivité et selon le désir du Président de la République, qui souhaite qu’avant son arrivée, ses engagements pris pendant la campagne électorale et même son programmé de gouvernement, dans le cadre du Programme présidentiel d’urgence ( Ppu), commencent a être mis en œuvre sur le terrain. Il souhaite qu’avant l’entame de sa visite dans cette région, que ses engagements soient réalisés ou partiellement réalisés. Donc, le (Plan présidentiel d’urgence), Ndlr Ppu a commencé à être exécuté dans cette région il n’y a pas bien longtemps. Nous pensons donc à notre niveau, que le Ppu aille un peu plus loin, pour permettre au Président de la République d’être en parfaite harmonie avec les populations. Ce sont autant de préoccupations du Comité d’organisation que nous avons analysé pour proposer au Président de la République ce report. Parce que le délai qui nous était imparti entre la fin de nos missions respectives et l’arrivée du chef de l’Etat dans la région était très court pour nous permettre de lui présenter une organisation parfaite. Le président de la République est un grand homme, un homme d’exception, de rigueur qui aiment les choses bien faites et nous ne pouvions pas nous permettre de recevoir le Premier magistrat du pays, dans des conditions approximatives. Il y va aussi de l’image de marque des cadres de la région. Voilà les raisons pour lesquelles nous avons demandé au Président de la République de nous permettre de parfaire l’organisation et de lui réserver un accueil chaleureux.
On a vite fait d’attribuer ce report aux incidents survenus à Duékoué où des émissaires du Président de la République, dont des ministres, auraient été hués et lapidés. Qu’en est-il exactement ?
A. O : Ecoutez, je ne suis surprise que ce soit seulement certains journaux qui ont colporté ces informations et en ont fait leur chou gras. Ceci, pour nous, n’est pas un objet de préoccupation. Vous savez que plusieurs délégations se sont succédé à l’Ouest, de Man, à Toulépleu en passant par Duékoué, Guiglo, Bloléquin. Ces missions ce sont donc succédé et aucun incident n’a été signalé. On ne peut pas donc dire, à partir d’un groupuscule quelque peu agité et qui s’est montré quelque peu menaçant ou violent, que c’est un problème d’insécurité qui peu gêner, au point de faire reporter la visite du Président de la République. Moi, je ne le crois pas. Cet incident est d’une extrême banalité et foncièrement marginale qui ne peut avoir une quelconque incidence sur les préparatifs de la visite du chef de l’Etat. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que dans cette région, on signale l’agitation de groupuscules. Avant l’élection présidentielle de 2010, des cadres du Front populaire ivoirien ( Fpi) et ex-Lmp avaient été fortement inquiétés par ces jeunes miliciens. Le conseiller spécial de l’ex-chef de l’Etat Laurent Gbagbo, M. Alphonse Voho Sahi, avait été séquestré pendant pratiquement 24 h par des jeunes miliciens de Toulépleu. M. Marcel Gossio, ex-Dg du Port, avait été pris à partie par des jeunes miliciens de Bloléquin. Gossio avait essuyé des jets de pierre et sa garde rapprochée passée à tabac, les installations devant abriter son meeting ont été saccagées. Je ne comprends donc pas qu’aujourd’hui on veuille focaliser l’attention des gens sur des agitations de jeunes qui veulent s’exprimer. En fait, ces jeunes gens souhaitent que le gouvernement ait un peu d’attention à leur égard. Cette agitation n’est pas du tout inquiétante et ne pourrait être considérée comme une situation aggravante au point d’être la raison du report d’un voyage d’Etat du Président de la République dans cette région. Cette agitation de ces personnes est un indicateur du niveau de précarité dans lequel le Front populaire ivoirien et ses Refondateurs ont laissé la Côte d’Ivoire et particulièrement l’ouest ivoirien. Ces jeunes, manipulés, hier, gonflés à bloc, armés, sont aujourd’hui laissés à l’abandon. Ne sachant plus à quel saint se vouer et ayant en face d’eux un nouveau gouvernement, ils ont peur du sort qui leur sera réservé. Je crois qu’ils ont besoin d’être rassurés.
Le Moyen-Cavaly et en particulier le département de Toulépleu rimait avec légions de mercenaires, de miliciens. Comment se présente aujourd’hui l’environnement, notamment, au plan de la sécurité.
A. O : Je peux vous avouer que j’ai passé un séjour agréable à Toulépleu. Nous avons travaillé nuit et jour, nous avons sillonné les villages et les populations nous ont accueillis dans la ferveur. La résidence où j’étais ne désemplissais pas. Jeunes, femmes, adultes, chefs de village, tous étaient à nos côtés partout où nous sommes rendus.
Peut-on dire ces milices se sont totalement éteintes aujourd’hui ?
A. O : Je ne peux pas affirmer ici que ces milices se sont éteintes aujourd’hui à Toulépleu, dans la mesure où nous savons qu’elles ne sont pas visibles. La plupart des jeunes qui constituaient ces milices ont trouvé refuge au Liberia. Je voudrais saluer ici, au passage, le Préfet de Toulépleu M. Karim Diarra qui a entrepris des actions visant à les faire revenir en Côte d’Ivoire. Mais, ils ont peur des représailles par rapport aux actes qu’ils ont posés. Il y a eu des morts d’hommes très atroces dans ce département. Des militaires ont été froidement tués. C’est le cas par exemple du Lieutenant des ex-Fds Zouzouko, qui a été tué par ces miliciens à la solde du Front populaire ivoirien. Donc ces jeunes s’interrogent sur leur sort. Auront-ils affaires à la justice ? Que leur réserve la réconciliation ? Ce sont des questions qu’ils se posent. On parle de réconciliation, c’est vrai. Mais elle doit se faire dans la justice et la vérité. Et ces jeunes miliciens de Toulépleu qui ont une pleine conscience des crimes abominables qu’ils ont commis ont peur du sort qui pourrait leur être réservé. Mais, comme le Président de la République l’a dit, il vaut mieux que tous ceux qui se sont réfugiés au Ghana ou ailleurs, sortent de leur cachette, prennent sur eux la responsabilité de faire confiance aux institutions du pays, à la justice de Côte d’Ivoire, et qu’ils reviennent pour qu’ensemble, nous puissions affronter cette réalité. Moi, je l’ai dit. Que nos frères cadres de l’ex-Lmp qui sont à l’extérieur, viennent. Je suis leur sœur, aujourd’hui au gouvernement. Il est tout à fait normal qu’ils se confient à moi. Alors, en ce moment, nous pouvons les accompagner, mais dans la justice et la vérité.
Que faites-vous concrètement pour faire revenir, vos frères cadres de Toulépleu qui sont en exil ?
A.D.O : Ce que je fais, de façon concrète, c’est de les rassurer. Dans cette approche, j’ai pris sur moi l’initiative de rassembler tous les cadres, d’organiser des missions envers les populations. La récente mission que nous avons faite à Toulépleu s’inscrit dans cette perspective. Cette mission est la première du genre à Toulépleu. En tout cas, en ma qualité de première responsable du Rdr à Toulépleu, jamais, auparavant, on ne m’a associée à une quelconque mission de ce type, dirigée par ceux qui étaient aux affaires, au titre du rapprochement des populations, de la solidarité et de la cohésion. Moi, je me suis fait accompagner par des militants de tous les bords politiques y compris ceux issus de l’ex-Lmp, et nos parents étaient heureux et fiers de nous voir la main dans la main. Aussi bien nos parents du village que le corps préfectoral salué cette initiative et apprécié la démarche visant à fédérer toutes les filles et les fils dans un creuset d’union et de fraternité.
Interview réalisée par Armand B. DEPEYLA
A la demande du comité d’organisation, la visite du chef de l’Etat, à l’ouest prévue pour les 13, 14 et 15 octobre 2011 a été reporté. Quelles en sont les vraies raisons ?
Anne Ouloto : Personnellement, ce report, pour moi, a été une très grande satisfaction. Parce que le comité s’est rendu à l’évidence d’un certain nombre de contraintes et de contingences, et a eu le courage de proposer au Président de la République, qu’il accepte de décaler de quelques semaines sa visite dans le Moyen-Cavaly.
Quelques semaines… C`est-à-dire ?
A. O : Quelques semaines, c`est-à-dire juste trois ou quatre semaines maximum. C’est la proposition que nous avons faite au Président de la République. Maintenant, vous savez que le président de la République a un programme d’activité, un agenda. Il lui a appartient, de façon discrétionnaire, en fonction de son calendrier, de nous donner la nouvelle date.
Cette visite n’est donc pas annulée ?
A. O : Cette visite ne saurait être annulée, parce qu’elle constitue une priorité pour le Président de la République. Il ne nous a pas consultés, avant de nous dire « je vais dans votre région ». Il a décidé d’y aller, parce qu’il a le pouls de la situation, il a pleinement connaissance des souffrances que les populations du Moyen-Cavaly ont endurées pendant la crise post-électorale et même depuis 2002. Il a suivi personnellement l’évolution de cette région depuis toujours, puisqu’il était candidat à l’élection présidentielle et donc il est bien au fait des réalités de toutes les régions du pays, y compris celles du Moyen-Cavaly où il s’est rendu, au moins deux fois déjà. Le président de la République sait exactement ce qui s’est passé dans cette région de la Côte d’Ivoire, puisque, par ailleurs, il a à ses côtés des filles et fils de cette région dont moi-même, originaire de Toulépleu, qu’il interroge au quotidien, et nous l’informons sur tout qui se déroule dans cette zone. C’est donc fort de tout cela que le Président de la République a estimé qu’il était, pour lui, indispensable de commencer ses visites d’Etat à l’intérieur du pays, par cette région fortement sinistrée. Nous avons applaudi vivement cette décision du Président de la République. Maintenant que nous nous sommes rendus à l’évidence, suite aux missions que nous y avons effectuées avec les différents émissaires qui ont été envoyés, moi-même j’ai fait une missions dans le département de Toulépleu, le ministre Dagobert Banzio s’y est rendu, le ministre Albert Mabri Toikeusse, vice-président du comité d’organisation s’y est rendu également avec une forte délégation composée de cinq ministres de la République, la présidence de la République a envoyé une mission composée des protocoles d’Etat, des membres de la sécurité présidentielle etc. nous avons proposé que la visite connaisse un léger report. Ce que nous souhaitons est que la visite du chef de l’Etat soit une véritable fête avec la population. Que le Président de la République ait l’occasion de répondre aux préoccupations des populations et que celles-ci aient une lueur d’espoir, après le passage du président de la République, en lui donnant l’opportunité de mettre en œuvre son programme de gouvernement.
Lorsque vous dites « le comité d’organisation n’est pas prêt », qu’est-ce que cela recouvre exactement ? Qu’est-ce qui cloche sur le terrain ?
A. O : Comme vous le savez, cette région a été fortement sinistrée, du fait de la guerre. Quand un président de la République se déplace dans cette région, cela implique le déploiement de toute une batterie de moyens. Il y aura un déferlement humain important. Il faut des structures d’accueil. Le problème d’hébergement pose problème. Nous avons également, les questions climatiques. Nous sommes en ce moment, en pleine saison de grandes pluies dans la région. Les routes sont fortement dégradées. En ce qui concerne les routes bitumées, il y a des nids de poule qu’il va falloir fermer. L’un des gros problèmes de la région, c’est la route allant de Blolequin ( Yoya) à Toulépleu qui n’est pas bitumée. Cette route est fortement dégradées et elle nécessite un traitement particulier. Fort de tout cela, nous avons pensé, en toute objectivité et selon le désir du Président de la République, qui souhaite qu’avant son arrivée, ses engagements pris pendant la campagne électorale et même son programmé de gouvernement, dans le cadre du Programme présidentiel d’urgence ( Ppu), commencent a être mis en œuvre sur le terrain. Il souhaite qu’avant l’entame de sa visite dans cette région, que ses engagements soient réalisés ou partiellement réalisés. Donc, le (Plan présidentiel d’urgence), Ndlr Ppu a commencé à être exécuté dans cette région il n’y a pas bien longtemps. Nous pensons donc à notre niveau, que le Ppu aille un peu plus loin, pour permettre au Président de la République d’être en parfaite harmonie avec les populations. Ce sont autant de préoccupations du Comité d’organisation que nous avons analysé pour proposer au Président de la République ce report. Parce que le délai qui nous était imparti entre la fin de nos missions respectives et l’arrivée du chef de l’Etat dans la région était très court pour nous permettre de lui présenter une organisation parfaite. Le président de la République est un grand homme, un homme d’exception, de rigueur qui aiment les choses bien faites et nous ne pouvions pas nous permettre de recevoir le Premier magistrat du pays, dans des conditions approximatives. Il y va aussi de l’image de marque des cadres de la région. Voilà les raisons pour lesquelles nous avons demandé au Président de la République de nous permettre de parfaire l’organisation et de lui réserver un accueil chaleureux.
On a vite fait d’attribuer ce report aux incidents survenus à Duékoué où des émissaires du Président de la République, dont des ministres, auraient été hués et lapidés. Qu’en est-il exactement ?
A. O : Ecoutez, je ne suis surprise que ce soit seulement certains journaux qui ont colporté ces informations et en ont fait leur chou gras. Ceci, pour nous, n’est pas un objet de préoccupation. Vous savez que plusieurs délégations se sont succédé à l’Ouest, de Man, à Toulépleu en passant par Duékoué, Guiglo, Bloléquin. Ces missions ce sont donc succédé et aucun incident n’a été signalé. On ne peut pas donc dire, à partir d’un groupuscule quelque peu agité et qui s’est montré quelque peu menaçant ou violent, que c’est un problème d’insécurité qui peu gêner, au point de faire reporter la visite du Président de la République. Moi, je ne le crois pas. Cet incident est d’une extrême banalité et foncièrement marginale qui ne peut avoir une quelconque incidence sur les préparatifs de la visite du chef de l’Etat. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que dans cette région, on signale l’agitation de groupuscules. Avant l’élection présidentielle de 2010, des cadres du Front populaire ivoirien ( Fpi) et ex-Lmp avaient été fortement inquiétés par ces jeunes miliciens. Le conseiller spécial de l’ex-chef de l’Etat Laurent Gbagbo, M. Alphonse Voho Sahi, avait été séquestré pendant pratiquement 24 h par des jeunes miliciens de Toulépleu. M. Marcel Gossio, ex-Dg du Port, avait été pris à partie par des jeunes miliciens de Bloléquin. Gossio avait essuyé des jets de pierre et sa garde rapprochée passée à tabac, les installations devant abriter son meeting ont été saccagées. Je ne comprends donc pas qu’aujourd’hui on veuille focaliser l’attention des gens sur des agitations de jeunes qui veulent s’exprimer. En fait, ces jeunes gens souhaitent que le gouvernement ait un peu d’attention à leur égard. Cette agitation n’est pas du tout inquiétante et ne pourrait être considérée comme une situation aggravante au point d’être la raison du report d’un voyage d’Etat du Président de la République dans cette région. Cette agitation de ces personnes est un indicateur du niveau de précarité dans lequel le Front populaire ivoirien et ses Refondateurs ont laissé la Côte d’Ivoire et particulièrement l’ouest ivoirien. Ces jeunes, manipulés, hier, gonflés à bloc, armés, sont aujourd’hui laissés à l’abandon. Ne sachant plus à quel saint se vouer et ayant en face d’eux un nouveau gouvernement, ils ont peur du sort qui leur sera réservé. Je crois qu’ils ont besoin d’être rassurés.
Le Moyen-Cavaly et en particulier le département de Toulépleu rimait avec légions de mercenaires, de miliciens. Comment se présente aujourd’hui l’environnement, notamment, au plan de la sécurité.
A. O : Je peux vous avouer que j’ai passé un séjour agréable à Toulépleu. Nous avons travaillé nuit et jour, nous avons sillonné les villages et les populations nous ont accueillis dans la ferveur. La résidence où j’étais ne désemplissais pas. Jeunes, femmes, adultes, chefs de village, tous étaient à nos côtés partout où nous sommes rendus.
Peut-on dire ces milices se sont totalement éteintes aujourd’hui ?
A. O : Je ne peux pas affirmer ici que ces milices se sont éteintes aujourd’hui à Toulépleu, dans la mesure où nous savons qu’elles ne sont pas visibles. La plupart des jeunes qui constituaient ces milices ont trouvé refuge au Liberia. Je voudrais saluer ici, au passage, le Préfet de Toulépleu M. Karim Diarra qui a entrepris des actions visant à les faire revenir en Côte d’Ivoire. Mais, ils ont peur des représailles par rapport aux actes qu’ils ont posés. Il y a eu des morts d’hommes très atroces dans ce département. Des militaires ont été froidement tués. C’est le cas par exemple du Lieutenant des ex-Fds Zouzouko, qui a été tué par ces miliciens à la solde du Front populaire ivoirien. Donc ces jeunes s’interrogent sur leur sort. Auront-ils affaires à la justice ? Que leur réserve la réconciliation ? Ce sont des questions qu’ils se posent. On parle de réconciliation, c’est vrai. Mais elle doit se faire dans la justice et la vérité. Et ces jeunes miliciens de Toulépleu qui ont une pleine conscience des crimes abominables qu’ils ont commis ont peur du sort qui pourrait leur être réservé. Mais, comme le Président de la République l’a dit, il vaut mieux que tous ceux qui se sont réfugiés au Ghana ou ailleurs, sortent de leur cachette, prennent sur eux la responsabilité de faire confiance aux institutions du pays, à la justice de Côte d’Ivoire, et qu’ils reviennent pour qu’ensemble, nous puissions affronter cette réalité. Moi, je l’ai dit. Que nos frères cadres de l’ex-Lmp qui sont à l’extérieur, viennent. Je suis leur sœur, aujourd’hui au gouvernement. Il est tout à fait normal qu’ils se confient à moi. Alors, en ce moment, nous pouvons les accompagner, mais dans la justice et la vérité.
Que faites-vous concrètement pour faire revenir, vos frères cadres de Toulépleu qui sont en exil ?
A.D.O : Ce que je fais, de façon concrète, c’est de les rassurer. Dans cette approche, j’ai pris sur moi l’initiative de rassembler tous les cadres, d’organiser des missions envers les populations. La récente mission que nous avons faite à Toulépleu s’inscrit dans cette perspective. Cette mission est la première du genre à Toulépleu. En tout cas, en ma qualité de première responsable du Rdr à Toulépleu, jamais, auparavant, on ne m’a associée à une quelconque mission de ce type, dirigée par ceux qui étaient aux affaires, au titre du rapprochement des populations, de la solidarité et de la cohésion. Moi, je me suis fait accompagner par des militants de tous les bords politiques y compris ceux issus de l’ex-Lmp, et nos parents étaient heureux et fiers de nous voir la main dans la main. Aussi bien nos parents du village que le corps préfectoral salué cette initiative et apprécié la démarche visant à fédérer toutes les filles et les fils dans un creuset d’union et de fraternité.
Interview réalisée par Armand B. DEPEYLA