Situation sociopolitique et sécuritaire du pays, attitude du Fpi, préparatifs des élections législatives, Rhdp, Pr Alhassane Salif N’diaye, Secrétaire général de l’Udpci, dit tout dans l’interview qui suit.
Monsieur le ministre, quelle lecture faites-vous aujourd’hui de la situation politique du pays, cent jours après la mise en place du gouvernement ?
Je pense que, fondamentalement, certains signes indiquent que notre pays est en train d’aller résolument vers la sérénité, vers la normalité, en clair, vers sa reconstruction. Le gouvernement pose un certain nombre d’actes qui indiquent clairement sa volonté d’effacer un peu toutes les affres que nous avons connues sous le régime des refondateurs. Sur ce point-là, je pense que les efforts du gouvernement sont à louer. Il reste, bien entendu, parce que la chose ne peut pas se faire comme sur un coup de baguette magique, un certain nombre de problèmes, notamment la sécurité tant en ville que dans nos campagnes. Il reste, deuxièmement, le comportement anti-républicain de ceux qui nous ont gouvernés pendant dix ans. Alors que toute la Côte d’Ivoire baigne dans une ambiance de réconciliation, nos frères d’en face, je veux parler de nos frères du Fpi, font comme une sorte de surenchère pour, ne serait-ce que leur participation à la reconstruction de ce pays qu’eux-mêmes ont eu à mettre par terre.
Vous parlez tantôt de la question de la sécurité, mais il y a également la santé, l’éducation et autres. N’avez-vous pas l’impression qu’en cent jours d’activités, le gouvernement a mis sous l’éteignoir, certaines urgences des Ivoiriens ?
Je vais peut-être vous faire sourire, mais dans des régimes de terreur, les peuples sont relativement patients. Peut-être par peur, ils réclament très peu de choses. Lorsque vous vous rendez compte que le peuple exige, c’est qu’il se rend compte qu’il y a des ouvertures qui se font, c’est qu’il a confiance en ceux qui sont en train de gouverner. Et, ils sont plus pressés que d’ordinaire. C’est pourquoi, aujourd’hui, on se pose des questions sur l’école. Très bien, c’est une excellente chose. Il faut absolument que notre école renaisse. Mais enfin, pendant dix ans, nous avons vu l’école qu’on assassinait tant au niveau des étudiants que des professeurs. A l’époque, le peuple ne criait pas trop pour que l’école redevienne l’école. Parce qu’il y avait la terreur, parce que la peur possédait chacun d’entre nous et on regardait faire. Peut-être que les réclamations du peuple aujourd’hui sont des bons signes indiquant qu’il est possible, avec ceux qui nous gouvernent, qu’on peut reconstruire l’école, redonner espoir à notre pays à travers l’école. Il est de même du problème de la santé. Certaines mesures ont été prises. Je veux parler de la gratuité des médicaments, sur un certain nombre de choses …
Il y a des blocages à ce niveau.
Oui, parce que…Un penseur a dit que nos défauts sont des passants, puis des autres puis des maitres. Pendant dix ans, des gens se sont complu dans des comportements, ils ont eu certains défauts. Il fallait payer n’importe quel agent de la santé ne serait-ce que pour avoir droit à une urgence. Alors, aujourd’hui qu’on veut balayer toutes ces choses-là, et bien, ces défauts persistent. Ce qui fait que ces blocages dont vous parlez viennent certainement de ça. Les gens ont perdu l’habitude de faire leur travail tout simplement en tant qu’agents de l’Etat sans contrepartie immédiate, puisque l’Etat les rémunère.
Vous êtes enseignant, la fermeture de l’université se prolonge, n’êtes-vous pas inquiet ?
Pour la solution de ce problème, il y avait deux voies. Continuer, c'est-à-dire donner satisfaction à ceux qui disent qu’il n’y aura pas d’année blanche, mais dans les conditions qu’on sait, pas d’enseignement, pas d’évaluation dans un environnement d’hostilité totale entre apprenants et enseignants, dans des conditions d’infrastructures déplorables. C’était une voie et alors, on aura dit qu’il n’y a pas eu d’année blanche. Mais que d’années blanches en réalité que nous avons connues depuis quelques années, puisque les années se chevauchent. Je sais en tout cas dans l’Ufr qui est mienne, que des étudiants sont encore à leur année académique 2007, 2009, 2009. Ne sont-ce pas là des années blanches ? C’était là la première voie, celle que n’a pas choisie le gouvernement. La deuxième, c’est de dire, mettons un peu tout cela à plat, ça va nous coûter un an, peut-être deux ans. Mais après un ou deux ans, sur des bases solides, l’université peut repartir. Vous voyez l’énorme travail qui est en train d’être fait au niveau des infrastructures. Vous voyez que nos enseignants sont en train de réfléchir parce qu’il y a un certain nombre de rencontres, de séminaires de réflexion qui ont cours au niveau pratiquement de tous le corpus enseignant. Tout cela, pour voir si dans un an maximum, on ne peut pas repartir avec cette université qui a eu ses lettres de noblesse à un moment donné et qui, aujourd’hui, est dans la grisaille au niveau sous continental.
Comment comprenez-vous l’hostilité, voire l’insurrection dont fait preuve le Fpi aujourd’hui vis-à-vis du pouvoir Ouattara?
J’ai eu l’habitude de dire que ce parti, dans sa philosophie, a l’habitude de crier avant même qu’on ne le pince. Voilà un parti qui a eu à gouverner dans des méthodes antidémocratiques. Ils ont eu toute latitude pour exécuter leur programme, faire avancer leur projet de société. Et le résultat, on le connait. J’ai toujours eu le sentiment que ces gens-là sont incompétents. Ils ont eu l’habitude de crier, de vilipender tous ceux qui étaient en charge de la gestion de notre pays. Ils ont eu à dire que les responsables de ce pays, à un moment donné, étaient tous des tocards. Il y en a qui avaient, parait-il, deux ou trois gouvernements pour remplacer le gouvernement houphouétiste. Et ils ont eu le pouvoir. Le résultat est là : la carence, l’incompétence, l’incurie. Et ces gens-là, malgré cela, par la terreur, les voies de la violence, voulaient se maintenir au pouvoir. Ne le pouvant plus aujourd’hui, on crie, on se croit persécuté. Le dixième, le centième de ce qu’ils ont fait ne leur est pas fait, et ils crient en disant que la démocratie a foutu le camp, qu’on est en insécurité aujourd’hui, qu’on est persécuté, qu’il n’y a plus de droit, plus d’Etat, etc…Toute chose qui n’est que le résultat de la gestion qu’ils ont eue. Alors, je ne suis vraiment pas surpris de leur réaction. Ils étaient partis à l’idée que quels que soient les moyens utilisés, il fallait qu’ils restent 40 ans au pouvoir. Ils n’en ont pas fait dix. Ils se préparaient effectivement quitte à trucider le peuple, à rester au pouvoir. Ils n’ont pas pu le faire, ils ont perdu une guerre qu’eux-mêmes ont enclenchée. Et aujourd’hui, qu’est-ce qu’ils font ? Ils ne veulent pas voir ce régime reconstruire la Côte d’Ivoire. Ce qui est antipatriotique, inimaginable pour ceux qui se donnent la prétention de pouvoir gérer un pays. Alors, tout est bon pour eux de décrier le régime, de fomenter même à la limite des complots, puisqu’on entend ces bruits.
On ne vous a pas encore entendu sur la détention des anciens dirigeants. Le débat a cours sur la procédure judiciaire. Quelle est votre position ?
Je pense que les voies choisies pour le régime actuel sont meilleures. Pour tout ce qui est crime économique, cela peut se juger en Côte d’Ivoire. Les crimes de sang relèvent d’une autre juridiction, notamment au niveau de la Cour pénale internationale. Cela, on le savait depuis 2002, 2003 lorsqu’on a commencé à voir les grands massacres opérés par le régime de Gbagbo. Mais parler de la Cpi ne date pas d’aujourd’hui, ce n’est pas par rapport aux évènements post crise qu’on a commencé à parler de la Cpi. Rappelez-vous, un certain nombre de chefs d’Etat au niveau de l’Afrique ont eu à évoquer l’éventualité de la traduction de Gbagbo devant la Cour pénale internationale.
Les militants du Fpi rétorquent pour dire que l’enquête de la Cpi doit remonter jusqu’en 2002 afin que tous les anciens leaders de la rébellion soient, eux aussi, traduits devant cette Cour.
Qu’ils le disent alors
Ils l’ont déjà dit.
Ils disent « remontons à 2002 ». Moi, je propose par exemple qu’on remonte à 2000. Pourquoi pas 2000 ? Dès lors qu’ils ont pris le pouvoir, mais rappelez-vous, bon Dieu, ce qui s’est passé ici en octobre 2000 juste après les élections. Les massacres au stade Houphouët-Boigny, ne l’oubliez pas. Les viols à l’école de police, ne l’oubliez pas. Rappelez-vous ce qui s’est passé en novembre 2000. Rappelez-vous ce qui s’est passé en janvier 2001, le complot de la télévision et tous les massacres qui en ont suivi. Pourquoi ne va-t-on pas depuis 2000 jusqu’à maintenant ? J’ai entendu quelqu’un dire que les drames de la Côte d’Ivoire ne datent même pas de la dernière décennie, et qu’il faut remonter depuis le régime d’Houphouët-Boigny.
Donc, vous préconisez la période postélectorale ?
Non, le régime ivoirien a connu après la dernière élection présidentielle la guerre en Côte d’Ivoire. On n’avait jamais connu ça. On estime donc que tous les ingrédients ont été réunis à partir du moment où le président Gbagbo, à l’époque, avait refusé de reconnaitre sa défaite. Et qu’il a mis tous les moyens à sa disposition, dont les moyens de terreur, les moyens de guerre pour conserver son pouvoir. Cela a dégénéré et on a connu les massacres qu’on a enregistrés à Abobo, à Yopougon, à l’intérieur du pays. Dieu seul sait combien de charniers jonchent la terre ivoirienne. Il était donc bon que pour les crimes de sang, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre reviennent à la juridiction prévue à cet effet, c'est-à-dire la Cour pénale internationale.
Le Fpi renchérit pour dire que si l’on traduit Laurent Gbagbo devant la Cpi sans les autres, il rendra le pays ingouvernable. Pensez-vous que ce parti a la capacité de rendre le pays ingouvernable ?
Ils ont une capacité de nuisance qu’ils ont démontrée, ça, personne ne le nie. Mais en même temps, qu’ils ont cette capacité de nuisance, l’Etat étant restauré, un Etat se défend quand il se sent agressé. Alors donc, raconter pour faire peur encore qu’on va rendre le pays ingouvernable, c’est à la limite, aujourd’hui, un effet de mode, c’est même un slogan qu’ils lancent. Lorsqu’ils prendront ce genre de responsabilité, ils assumeront. Quand on attaque un Etat, l’Etat se défend par les voies légales. Donc, ceux qui ont en tête de rendre ce pays ingouvernable, répondront de leurs actes.
N’est-ce-pas alors le cycle infernal de la violence inouïe qui se dessine à l’horizon ?
Tout dépend. Ce n’est pas la violence aveugle que nous avons connue ces dix dernières années. Par exemple, aujourd’hui, sommes-nous violents lorsqu’on a arrêté tous les responsables des crimes que nous avons connus après les élections ? Il y en a même qui sont dans les geôles dorés entre parenthèses.
A qui faites-vous allusion ?
A tous ceux qui sont à Korhogo, à Odienné, à Boundiali, peut-être à Bouna. Est-ce que c’est être violent que de les maintenir là où ils sont contrairement à ce que nous avons connu. Je le répète, ce n’est pas si vieux que ça, avant la justice se faisait par les escadrons de la mort vous le saviez. C’est cela la violence, les disparitions inopinées, ces tueries aveugles, l’impunité totale, on fait et puis il n’y aura rien. C’était les nouveaux discours qu’on entendait ici en Côte d’Ivoire, on va tuer et puis il n’y aura rien. On a banalisé la mort, la vie.
Comment comprenez-vous le silence du gouvernement vis-à-vis des agissements du Fpi ?
Est-ce que c’est du silence ? On enverra certains à la Cour pénale internationale, ce n’est pas un silence.
Nous parlons de certaines personnalités du Fpi qui multiplient les déclarations même en exil, soutenant qu’ils ne reconnaissent, jusque-là, pas encore la victoire du président Alassane.
Je ne sais plus s’ils parlent de la même voix. Les discours changent. Ceux qui sont partis en exil ont un discours. Ceux qui sont sur le terrain commencent à être habités par un peu de sagesse, puisqu’ils disent qu’on ne peut pas gouverner un pays où qu’on ne peut pas faire d’opposition à un régime d’un pays si on n’est pas dans ce pays. Il y a des fractures qui s’annoncent. C’est une forme de cacophonie en quelque sorte qui commence à s’installer. Cela ne doit pas nous faire perdre notre vigilance, dans la mesure où les barons qui sont à l’extérieur, qui sont en exil on ne sait d’ailleurs pourquoi, parce qu’ils ne disent pas pourquoi. Quand on n’a rien fait, on est tranquille. Beaucoup sont là, en Côte d’Ivoire, qui n’ont pas perdu un seul cheveu. Ceux qui sont partis savent pertinemment ce qu’ils ont fait. Et comme nous nous battrons contre l’impunité, s’ils viennent, ils répondront de leurs actes.
N’est-ce pas alors que l’équation de la réconciliation devient davantage compliquée avec tout cela ?
Je pense que cette réconciliation n’allait pas se faire comme si on mettait un fil dans du beurre. C’est très très compliqué. Je pense que si chacun est honnête, il s’agit de cela, si chacun est de bonne foi, il est tout à fait possible que la Côte d’Ivoire puisse connaitre sa réconciliation. Malheureusement, il y a et la mauvaise foi, et l’arrogance de ceux qui sont en face. Il y a une sorte de refus de reconnaitre ce qu’on a fait. On veut être pardonné, mais on n’a pas le sursaut, l’honnêteté suffisante pour dire effectivement, j’ai fauté, alors je demande pardon. On refuse cela. C’est pourquoi, votre question est pertinente, ça risque d’être difficile. Et dans ce cas-là, l’impunité devant être combattue, ils seront combattus.
On parle de dialogue-vérité et réconciliation, comment vous comprenez cela ?
Que les Ivoiriens réapprennent à se parler. Le dialogue, méthode que nous avons connue sous Houphouët-Boigny, ce sont les conseils nationaux où des jours et des jours, les Ivoiriens, dans leur totalité, et en fonction des différents secteurs de leurs occupations, venaient parler, discuter et ensuite, des décisions étaient prises. C’était l’époque où la politique, en tout cas, pour ce qui était du parti unique à l’époque, était une véritable camaraderie. Houphouët-Boigny tenait à ce que nous restions en politique, des camarades et des frères. Nous avons connu hélas cette transition où un adversaire politique était pratiquement devenu un ennemi. Ce sont toutes ces choses-là qu’il faut d’abord dénoncer. Il y en a qui ont parlé de catharsis lors du forum de 2001, c’est vrai, il faut de la contrition, il faut être honnête, humble, il faut reconnaitre…Cela est valable même dans nos traditions africaines. L’arbre à palabre, c’était pour que les gens viennent dire "mon frère, pardonne-moi parce que je t’ai fait ça". En ce moment-là, le frère peut pardonner. Mais lorsqu’on se tape la poitrine, c’est ce qui continue pour certains, lorsqu’on continue à dire qu’on n’a rien fait, au contraire qu’on est persécuté, vous voyez que l’équation est totalement faussée.
D’un côté, la commission dialogue vérité et réconciliation qui se définit comme l’arbre à palabre. De l’autre, nous avons la justice qui est en cours. Comment faire la combinaison des deux processus pour parvenir à la réconciliation ?
Je pense que la commission dialogue vérité et réconciliation n’est en rien un tribunal. Ils ne prendront pas de décision. Ils viendront écouter tous ceux qui pensent être des victimes, qui pensent avoir été agressés et ils écouteront jusque aux demandes de pardon. Parce que je pense que des gens diront : « mea culpa, et même mea maxima culpa, je le regrette », etc. Quand ils vont le dire, cela sera dans leur dossier. Par ailleurs, on aura d’autres qui viendront dire : « nous, on n’a rien fait, enfin, pourquoi vous ne regardez pas jusqu’en 2002 ? ». D’autres encore disent déjà : « Regardons jusqu’au président Houphouët Boigny ». Peut-être d’autres aussi viendont dire : « Regardons jusqu’en 1960 »
A vous entendre, la principale menace sur la commission, c’est la mauvaise foi.
C’est justement, ce qu’il faudrait absolument balayer en donnant conscience à ceux qui viendont déposer. C’est-à-dire, leur faire comprendre de se fixer pour objectif de se pardonner. Parce que si, quelqu’un qui a fait du mal dit humblement, « je reconnais que l’ai fait », croyez-vous que la victime ne sera pas sensible à cela ? Mais si elle voit devant elle quelqu’un qui a fait du mal dans sa chair comme dans son âme, dire : « ne regardons pas en arrière, réconcilions-nous », cette réconciliation sera du faux, une réconciliation sur du sable. Et cela ne peut qu’irriter celui qui a le droit de dire : « écoutez, je veux réparation de ce qui m’a été fait » ! Il faut de l’humilité et il faut de la vérité. Je pense que si nos frères comprennent cela, ce sera un grand pas qui sera fait dans le travail de la commission.
Vous qui avez été ambassadeur, comment comprenez-vous que des Ivoiriens qui ont joué des rôles qui ne sont pas des moindres dans le déclenchement de la tragédie en Côte d’Ivoire et qui ont aujourd’hui trouvé asile au Ghana, puissent faire des déclarations attentatoires à la sûreté de leur pays d’origine ?
C’est contraire à toutes les bienséances diplomatiques que des exilés puissent, à partir de leur lieu d’exil, attaquer politiquement, militairement, par des discours incendiaires, leur pays. Le pays d’exil et ses responsables devraient mettre le holà à cela. Mais je suis très heureux que le président de la République ait fait le déplacement au Ghana, il y a moins d’une semaine, qu’il y ait eu un tête-à-tête avec son homologue ghanéen. Je reste persuadé que ce problème-là a été abondamment évoqué, et qu’un certain nombre de mesures seront prises pour que cela cesse. Pour vous répondre, ce n’est pas normal que des gens en exil puissent proférer des menaces contre leur pays d’origine ! Cela peut aller très loin au plan diplomatique, c’est-à-dire brouiller les relations amicales, fraternelles, de coexistence pacifique entre deux pays.
Au niveau diplomatique, existent-ils des procédures par lesquelles l’Etat ivoirien puisse interdire de tels actes commis depuis le Ghana par ses compatriotes ?
D’après ce que j’ai lu, on a tout simplement demandé au Ghana d’appliquer par exemple les sanctions qui ont été prises par les Nations Unies contre certaines personnes. La Ghana, comme tous les pays des Nations Unies, doit appliquer les sanctions qui sont prises. Ne serait-ce que ça. Si on met la main par exemple, sur un ancien leader « patriote » qui s’excite maintenant par téléphone, et qui étale son courage par le camouflage systématique, en demandant à ses amis « patriotes » qui n’ont rien à se reprocher de faire en sorte que la pays devienne ingouvernable, alors que lui-même est sous le coup d’une sanction de l’ONU, il revient au gouvernement ghanéen qui doit savoir où il est, ou en tout cas, qui doit le rechercher, pour le remettre à la justice internationale.
Comment se fait-il que rien n’est fait jusque-là au niveau du président ghanéen ?
La diplomatie est lente. Mais les résultats de ce travail seront connus incessamment. Ce n’est pas pour rien que le président de la République a félicité notre ambassadeur au Ghana en disant qu’il faisait un très bon travail. Nous, nous sommes pressés. Soyons un peu patients. La diplomatie a l’allure de la tortue.
Les législatives, c’est pour très bientôt. Concrètement, comment va se faire le choix des candidats du Rhdp en aval ? Est-ce que ce sera l’affaire d’une conférence de présidents des partis, ou l’affaire des deux présidents Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié ?
Il y a trois nivaux de traitement de ce problème. Premier niveau, chaque parti choisit ses candidats…
C’est déjà fait.
Cela est donc fait au niveau de nos responsables. Deuxième niveau, c’est le directoire. Nous avons mis en place une commission électorale chargée de bâtir la méthodologie qui doit nous permettre, en fonction des circonscriptions, partout où cela est possible, d’avoir le ou les candidats du Rhdp. Prenons l’exemple de Gagnoa. L’Udpci par exemple peut me présenter à la députation, en même temps, le Pdci peut proposer Guikahué…
Comment vous avez reçu l’appel des Forces nouvelles au Rhdp et qu’est-ce qui est fait pour les intégrer dans le choix des candidats aux législatives?
Ils entrent en tant que alliés. Nous avons l’Upci, le Pit et les Forces nouvelles. L’histoire retient qu’après Marcoussis, nous avons travaillé en G7, c’est-à-dire, les quatre partis du Rhdp et les trois mouvements des Forces nouvelles. Il y a eu des moments stratégiques où ils ont pris un peu de recul, mais on peut dire que dans l’ensemble, depuis 2003, nous avons en permanence travaillé avec les représentants des Forces nouvelles. Alors, maintenant qu’ils sont nos alliés, ils seront logés à la même enseigne que tous les alliés du Rhdp. Dans leur cas spécifique, par rapport au rôle qu’ils ont joué dans ce pays pendant près de dix ans, ils peuvent eux aussi prétendre à des circonscriptions en disant : « C’est nous qui sommes leaders dans ces circonscriptions ». Là, le débat se fait au deuxième niveau, c’est-à-dire, au niveau du directoire du Rhdp, puis enfin, au niveau hautement politique, c’est-à-dire, au niveau de nos leaders.
Et les jeunes dans tout cela ?
Ils auront le destin qui est le leur.
C’est-à-dire ?
C’est-à-dire que le monde appartenant aux jeunes, vous vous rendrez compte que ces jeunes-là seront nombreux à avoir des postes de responsabilité.
Interview réalisée par Paul Koffi
et Benoit HILI
Monsieur le ministre, quelle lecture faites-vous aujourd’hui de la situation politique du pays, cent jours après la mise en place du gouvernement ?
Je pense que, fondamentalement, certains signes indiquent que notre pays est en train d’aller résolument vers la sérénité, vers la normalité, en clair, vers sa reconstruction. Le gouvernement pose un certain nombre d’actes qui indiquent clairement sa volonté d’effacer un peu toutes les affres que nous avons connues sous le régime des refondateurs. Sur ce point-là, je pense que les efforts du gouvernement sont à louer. Il reste, bien entendu, parce que la chose ne peut pas se faire comme sur un coup de baguette magique, un certain nombre de problèmes, notamment la sécurité tant en ville que dans nos campagnes. Il reste, deuxièmement, le comportement anti-républicain de ceux qui nous ont gouvernés pendant dix ans. Alors que toute la Côte d’Ivoire baigne dans une ambiance de réconciliation, nos frères d’en face, je veux parler de nos frères du Fpi, font comme une sorte de surenchère pour, ne serait-ce que leur participation à la reconstruction de ce pays qu’eux-mêmes ont eu à mettre par terre.
Vous parlez tantôt de la question de la sécurité, mais il y a également la santé, l’éducation et autres. N’avez-vous pas l’impression qu’en cent jours d’activités, le gouvernement a mis sous l’éteignoir, certaines urgences des Ivoiriens ?
Je vais peut-être vous faire sourire, mais dans des régimes de terreur, les peuples sont relativement patients. Peut-être par peur, ils réclament très peu de choses. Lorsque vous vous rendez compte que le peuple exige, c’est qu’il se rend compte qu’il y a des ouvertures qui se font, c’est qu’il a confiance en ceux qui sont en train de gouverner. Et, ils sont plus pressés que d’ordinaire. C’est pourquoi, aujourd’hui, on se pose des questions sur l’école. Très bien, c’est une excellente chose. Il faut absolument que notre école renaisse. Mais enfin, pendant dix ans, nous avons vu l’école qu’on assassinait tant au niveau des étudiants que des professeurs. A l’époque, le peuple ne criait pas trop pour que l’école redevienne l’école. Parce qu’il y avait la terreur, parce que la peur possédait chacun d’entre nous et on regardait faire. Peut-être que les réclamations du peuple aujourd’hui sont des bons signes indiquant qu’il est possible, avec ceux qui nous gouvernent, qu’on peut reconstruire l’école, redonner espoir à notre pays à travers l’école. Il est de même du problème de la santé. Certaines mesures ont été prises. Je veux parler de la gratuité des médicaments, sur un certain nombre de choses …
Il y a des blocages à ce niveau.
Oui, parce que…Un penseur a dit que nos défauts sont des passants, puis des autres puis des maitres. Pendant dix ans, des gens se sont complu dans des comportements, ils ont eu certains défauts. Il fallait payer n’importe quel agent de la santé ne serait-ce que pour avoir droit à une urgence. Alors, aujourd’hui qu’on veut balayer toutes ces choses-là, et bien, ces défauts persistent. Ce qui fait que ces blocages dont vous parlez viennent certainement de ça. Les gens ont perdu l’habitude de faire leur travail tout simplement en tant qu’agents de l’Etat sans contrepartie immédiate, puisque l’Etat les rémunère.
Vous êtes enseignant, la fermeture de l’université se prolonge, n’êtes-vous pas inquiet ?
Pour la solution de ce problème, il y avait deux voies. Continuer, c'est-à-dire donner satisfaction à ceux qui disent qu’il n’y aura pas d’année blanche, mais dans les conditions qu’on sait, pas d’enseignement, pas d’évaluation dans un environnement d’hostilité totale entre apprenants et enseignants, dans des conditions d’infrastructures déplorables. C’était une voie et alors, on aura dit qu’il n’y a pas eu d’année blanche. Mais que d’années blanches en réalité que nous avons connues depuis quelques années, puisque les années se chevauchent. Je sais en tout cas dans l’Ufr qui est mienne, que des étudiants sont encore à leur année académique 2007, 2009, 2009. Ne sont-ce pas là des années blanches ? C’était là la première voie, celle que n’a pas choisie le gouvernement. La deuxième, c’est de dire, mettons un peu tout cela à plat, ça va nous coûter un an, peut-être deux ans. Mais après un ou deux ans, sur des bases solides, l’université peut repartir. Vous voyez l’énorme travail qui est en train d’être fait au niveau des infrastructures. Vous voyez que nos enseignants sont en train de réfléchir parce qu’il y a un certain nombre de rencontres, de séminaires de réflexion qui ont cours au niveau pratiquement de tous le corpus enseignant. Tout cela, pour voir si dans un an maximum, on ne peut pas repartir avec cette université qui a eu ses lettres de noblesse à un moment donné et qui, aujourd’hui, est dans la grisaille au niveau sous continental.
Comment comprenez-vous l’hostilité, voire l’insurrection dont fait preuve le Fpi aujourd’hui vis-à-vis du pouvoir Ouattara?
J’ai eu l’habitude de dire que ce parti, dans sa philosophie, a l’habitude de crier avant même qu’on ne le pince. Voilà un parti qui a eu à gouverner dans des méthodes antidémocratiques. Ils ont eu toute latitude pour exécuter leur programme, faire avancer leur projet de société. Et le résultat, on le connait. J’ai toujours eu le sentiment que ces gens-là sont incompétents. Ils ont eu l’habitude de crier, de vilipender tous ceux qui étaient en charge de la gestion de notre pays. Ils ont eu à dire que les responsables de ce pays, à un moment donné, étaient tous des tocards. Il y en a qui avaient, parait-il, deux ou trois gouvernements pour remplacer le gouvernement houphouétiste. Et ils ont eu le pouvoir. Le résultat est là : la carence, l’incompétence, l’incurie. Et ces gens-là, malgré cela, par la terreur, les voies de la violence, voulaient se maintenir au pouvoir. Ne le pouvant plus aujourd’hui, on crie, on se croit persécuté. Le dixième, le centième de ce qu’ils ont fait ne leur est pas fait, et ils crient en disant que la démocratie a foutu le camp, qu’on est en insécurité aujourd’hui, qu’on est persécuté, qu’il n’y a plus de droit, plus d’Etat, etc…Toute chose qui n’est que le résultat de la gestion qu’ils ont eue. Alors, je ne suis vraiment pas surpris de leur réaction. Ils étaient partis à l’idée que quels que soient les moyens utilisés, il fallait qu’ils restent 40 ans au pouvoir. Ils n’en ont pas fait dix. Ils se préparaient effectivement quitte à trucider le peuple, à rester au pouvoir. Ils n’ont pas pu le faire, ils ont perdu une guerre qu’eux-mêmes ont enclenchée. Et aujourd’hui, qu’est-ce qu’ils font ? Ils ne veulent pas voir ce régime reconstruire la Côte d’Ivoire. Ce qui est antipatriotique, inimaginable pour ceux qui se donnent la prétention de pouvoir gérer un pays. Alors, tout est bon pour eux de décrier le régime, de fomenter même à la limite des complots, puisqu’on entend ces bruits.
On ne vous a pas encore entendu sur la détention des anciens dirigeants. Le débat a cours sur la procédure judiciaire. Quelle est votre position ?
Je pense que les voies choisies pour le régime actuel sont meilleures. Pour tout ce qui est crime économique, cela peut se juger en Côte d’Ivoire. Les crimes de sang relèvent d’une autre juridiction, notamment au niveau de la Cour pénale internationale. Cela, on le savait depuis 2002, 2003 lorsqu’on a commencé à voir les grands massacres opérés par le régime de Gbagbo. Mais parler de la Cpi ne date pas d’aujourd’hui, ce n’est pas par rapport aux évènements post crise qu’on a commencé à parler de la Cpi. Rappelez-vous, un certain nombre de chefs d’Etat au niveau de l’Afrique ont eu à évoquer l’éventualité de la traduction de Gbagbo devant la Cour pénale internationale.
Les militants du Fpi rétorquent pour dire que l’enquête de la Cpi doit remonter jusqu’en 2002 afin que tous les anciens leaders de la rébellion soient, eux aussi, traduits devant cette Cour.
Qu’ils le disent alors
Ils l’ont déjà dit.
Ils disent « remontons à 2002 ». Moi, je propose par exemple qu’on remonte à 2000. Pourquoi pas 2000 ? Dès lors qu’ils ont pris le pouvoir, mais rappelez-vous, bon Dieu, ce qui s’est passé ici en octobre 2000 juste après les élections. Les massacres au stade Houphouët-Boigny, ne l’oubliez pas. Les viols à l’école de police, ne l’oubliez pas. Rappelez-vous ce qui s’est passé en novembre 2000. Rappelez-vous ce qui s’est passé en janvier 2001, le complot de la télévision et tous les massacres qui en ont suivi. Pourquoi ne va-t-on pas depuis 2000 jusqu’à maintenant ? J’ai entendu quelqu’un dire que les drames de la Côte d’Ivoire ne datent même pas de la dernière décennie, et qu’il faut remonter depuis le régime d’Houphouët-Boigny.
Donc, vous préconisez la période postélectorale ?
Non, le régime ivoirien a connu après la dernière élection présidentielle la guerre en Côte d’Ivoire. On n’avait jamais connu ça. On estime donc que tous les ingrédients ont été réunis à partir du moment où le président Gbagbo, à l’époque, avait refusé de reconnaitre sa défaite. Et qu’il a mis tous les moyens à sa disposition, dont les moyens de terreur, les moyens de guerre pour conserver son pouvoir. Cela a dégénéré et on a connu les massacres qu’on a enregistrés à Abobo, à Yopougon, à l’intérieur du pays. Dieu seul sait combien de charniers jonchent la terre ivoirienne. Il était donc bon que pour les crimes de sang, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre reviennent à la juridiction prévue à cet effet, c'est-à-dire la Cour pénale internationale.
Le Fpi renchérit pour dire que si l’on traduit Laurent Gbagbo devant la Cpi sans les autres, il rendra le pays ingouvernable. Pensez-vous que ce parti a la capacité de rendre le pays ingouvernable ?
Ils ont une capacité de nuisance qu’ils ont démontrée, ça, personne ne le nie. Mais en même temps, qu’ils ont cette capacité de nuisance, l’Etat étant restauré, un Etat se défend quand il se sent agressé. Alors donc, raconter pour faire peur encore qu’on va rendre le pays ingouvernable, c’est à la limite, aujourd’hui, un effet de mode, c’est même un slogan qu’ils lancent. Lorsqu’ils prendront ce genre de responsabilité, ils assumeront. Quand on attaque un Etat, l’Etat se défend par les voies légales. Donc, ceux qui ont en tête de rendre ce pays ingouvernable, répondront de leurs actes.
N’est-ce-pas alors le cycle infernal de la violence inouïe qui se dessine à l’horizon ?
Tout dépend. Ce n’est pas la violence aveugle que nous avons connue ces dix dernières années. Par exemple, aujourd’hui, sommes-nous violents lorsqu’on a arrêté tous les responsables des crimes que nous avons connus après les élections ? Il y en a même qui sont dans les geôles dorés entre parenthèses.
A qui faites-vous allusion ?
A tous ceux qui sont à Korhogo, à Odienné, à Boundiali, peut-être à Bouna. Est-ce que c’est être violent que de les maintenir là où ils sont contrairement à ce que nous avons connu. Je le répète, ce n’est pas si vieux que ça, avant la justice se faisait par les escadrons de la mort vous le saviez. C’est cela la violence, les disparitions inopinées, ces tueries aveugles, l’impunité totale, on fait et puis il n’y aura rien. C’était les nouveaux discours qu’on entendait ici en Côte d’Ivoire, on va tuer et puis il n’y aura rien. On a banalisé la mort, la vie.
Comment comprenez-vous le silence du gouvernement vis-à-vis des agissements du Fpi ?
Est-ce que c’est du silence ? On enverra certains à la Cour pénale internationale, ce n’est pas un silence.
Nous parlons de certaines personnalités du Fpi qui multiplient les déclarations même en exil, soutenant qu’ils ne reconnaissent, jusque-là, pas encore la victoire du président Alassane.
Je ne sais plus s’ils parlent de la même voix. Les discours changent. Ceux qui sont partis en exil ont un discours. Ceux qui sont sur le terrain commencent à être habités par un peu de sagesse, puisqu’ils disent qu’on ne peut pas gouverner un pays où qu’on ne peut pas faire d’opposition à un régime d’un pays si on n’est pas dans ce pays. Il y a des fractures qui s’annoncent. C’est une forme de cacophonie en quelque sorte qui commence à s’installer. Cela ne doit pas nous faire perdre notre vigilance, dans la mesure où les barons qui sont à l’extérieur, qui sont en exil on ne sait d’ailleurs pourquoi, parce qu’ils ne disent pas pourquoi. Quand on n’a rien fait, on est tranquille. Beaucoup sont là, en Côte d’Ivoire, qui n’ont pas perdu un seul cheveu. Ceux qui sont partis savent pertinemment ce qu’ils ont fait. Et comme nous nous battrons contre l’impunité, s’ils viennent, ils répondront de leurs actes.
N’est-ce pas alors que l’équation de la réconciliation devient davantage compliquée avec tout cela ?
Je pense que cette réconciliation n’allait pas se faire comme si on mettait un fil dans du beurre. C’est très très compliqué. Je pense que si chacun est honnête, il s’agit de cela, si chacun est de bonne foi, il est tout à fait possible que la Côte d’Ivoire puisse connaitre sa réconciliation. Malheureusement, il y a et la mauvaise foi, et l’arrogance de ceux qui sont en face. Il y a une sorte de refus de reconnaitre ce qu’on a fait. On veut être pardonné, mais on n’a pas le sursaut, l’honnêteté suffisante pour dire effectivement, j’ai fauté, alors je demande pardon. On refuse cela. C’est pourquoi, votre question est pertinente, ça risque d’être difficile. Et dans ce cas-là, l’impunité devant être combattue, ils seront combattus.
On parle de dialogue-vérité et réconciliation, comment vous comprenez cela ?
Que les Ivoiriens réapprennent à se parler. Le dialogue, méthode que nous avons connue sous Houphouët-Boigny, ce sont les conseils nationaux où des jours et des jours, les Ivoiriens, dans leur totalité, et en fonction des différents secteurs de leurs occupations, venaient parler, discuter et ensuite, des décisions étaient prises. C’était l’époque où la politique, en tout cas, pour ce qui était du parti unique à l’époque, était une véritable camaraderie. Houphouët-Boigny tenait à ce que nous restions en politique, des camarades et des frères. Nous avons connu hélas cette transition où un adversaire politique était pratiquement devenu un ennemi. Ce sont toutes ces choses-là qu’il faut d’abord dénoncer. Il y en a qui ont parlé de catharsis lors du forum de 2001, c’est vrai, il faut de la contrition, il faut être honnête, humble, il faut reconnaitre…Cela est valable même dans nos traditions africaines. L’arbre à palabre, c’était pour que les gens viennent dire "mon frère, pardonne-moi parce que je t’ai fait ça". En ce moment-là, le frère peut pardonner. Mais lorsqu’on se tape la poitrine, c’est ce qui continue pour certains, lorsqu’on continue à dire qu’on n’a rien fait, au contraire qu’on est persécuté, vous voyez que l’équation est totalement faussée.
D’un côté, la commission dialogue vérité et réconciliation qui se définit comme l’arbre à palabre. De l’autre, nous avons la justice qui est en cours. Comment faire la combinaison des deux processus pour parvenir à la réconciliation ?
Je pense que la commission dialogue vérité et réconciliation n’est en rien un tribunal. Ils ne prendront pas de décision. Ils viendront écouter tous ceux qui pensent être des victimes, qui pensent avoir été agressés et ils écouteront jusque aux demandes de pardon. Parce que je pense que des gens diront : « mea culpa, et même mea maxima culpa, je le regrette », etc. Quand ils vont le dire, cela sera dans leur dossier. Par ailleurs, on aura d’autres qui viendront dire : « nous, on n’a rien fait, enfin, pourquoi vous ne regardez pas jusqu’en 2002 ? ». D’autres encore disent déjà : « Regardons jusqu’au président Houphouët Boigny ». Peut-être d’autres aussi viendont dire : « Regardons jusqu’en 1960 »
A vous entendre, la principale menace sur la commission, c’est la mauvaise foi.
C’est justement, ce qu’il faudrait absolument balayer en donnant conscience à ceux qui viendont déposer. C’est-à-dire, leur faire comprendre de se fixer pour objectif de se pardonner. Parce que si, quelqu’un qui a fait du mal dit humblement, « je reconnais que l’ai fait », croyez-vous que la victime ne sera pas sensible à cela ? Mais si elle voit devant elle quelqu’un qui a fait du mal dans sa chair comme dans son âme, dire : « ne regardons pas en arrière, réconcilions-nous », cette réconciliation sera du faux, une réconciliation sur du sable. Et cela ne peut qu’irriter celui qui a le droit de dire : « écoutez, je veux réparation de ce qui m’a été fait » ! Il faut de l’humilité et il faut de la vérité. Je pense que si nos frères comprennent cela, ce sera un grand pas qui sera fait dans le travail de la commission.
Vous qui avez été ambassadeur, comment comprenez-vous que des Ivoiriens qui ont joué des rôles qui ne sont pas des moindres dans le déclenchement de la tragédie en Côte d’Ivoire et qui ont aujourd’hui trouvé asile au Ghana, puissent faire des déclarations attentatoires à la sûreté de leur pays d’origine ?
C’est contraire à toutes les bienséances diplomatiques que des exilés puissent, à partir de leur lieu d’exil, attaquer politiquement, militairement, par des discours incendiaires, leur pays. Le pays d’exil et ses responsables devraient mettre le holà à cela. Mais je suis très heureux que le président de la République ait fait le déplacement au Ghana, il y a moins d’une semaine, qu’il y ait eu un tête-à-tête avec son homologue ghanéen. Je reste persuadé que ce problème-là a été abondamment évoqué, et qu’un certain nombre de mesures seront prises pour que cela cesse. Pour vous répondre, ce n’est pas normal que des gens en exil puissent proférer des menaces contre leur pays d’origine ! Cela peut aller très loin au plan diplomatique, c’est-à-dire brouiller les relations amicales, fraternelles, de coexistence pacifique entre deux pays.
Au niveau diplomatique, existent-ils des procédures par lesquelles l’Etat ivoirien puisse interdire de tels actes commis depuis le Ghana par ses compatriotes ?
D’après ce que j’ai lu, on a tout simplement demandé au Ghana d’appliquer par exemple les sanctions qui ont été prises par les Nations Unies contre certaines personnes. La Ghana, comme tous les pays des Nations Unies, doit appliquer les sanctions qui sont prises. Ne serait-ce que ça. Si on met la main par exemple, sur un ancien leader « patriote » qui s’excite maintenant par téléphone, et qui étale son courage par le camouflage systématique, en demandant à ses amis « patriotes » qui n’ont rien à se reprocher de faire en sorte que la pays devienne ingouvernable, alors que lui-même est sous le coup d’une sanction de l’ONU, il revient au gouvernement ghanéen qui doit savoir où il est, ou en tout cas, qui doit le rechercher, pour le remettre à la justice internationale.
Comment se fait-il que rien n’est fait jusque-là au niveau du président ghanéen ?
La diplomatie est lente. Mais les résultats de ce travail seront connus incessamment. Ce n’est pas pour rien que le président de la République a félicité notre ambassadeur au Ghana en disant qu’il faisait un très bon travail. Nous, nous sommes pressés. Soyons un peu patients. La diplomatie a l’allure de la tortue.
Les législatives, c’est pour très bientôt. Concrètement, comment va se faire le choix des candidats du Rhdp en aval ? Est-ce que ce sera l’affaire d’une conférence de présidents des partis, ou l’affaire des deux présidents Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié ?
Il y a trois nivaux de traitement de ce problème. Premier niveau, chaque parti choisit ses candidats…
C’est déjà fait.
Cela est donc fait au niveau de nos responsables. Deuxième niveau, c’est le directoire. Nous avons mis en place une commission électorale chargée de bâtir la méthodologie qui doit nous permettre, en fonction des circonscriptions, partout où cela est possible, d’avoir le ou les candidats du Rhdp. Prenons l’exemple de Gagnoa. L’Udpci par exemple peut me présenter à la députation, en même temps, le Pdci peut proposer Guikahué…
Comment vous avez reçu l’appel des Forces nouvelles au Rhdp et qu’est-ce qui est fait pour les intégrer dans le choix des candidats aux législatives?
Ils entrent en tant que alliés. Nous avons l’Upci, le Pit et les Forces nouvelles. L’histoire retient qu’après Marcoussis, nous avons travaillé en G7, c’est-à-dire, les quatre partis du Rhdp et les trois mouvements des Forces nouvelles. Il y a eu des moments stratégiques où ils ont pris un peu de recul, mais on peut dire que dans l’ensemble, depuis 2003, nous avons en permanence travaillé avec les représentants des Forces nouvelles. Alors, maintenant qu’ils sont nos alliés, ils seront logés à la même enseigne que tous les alliés du Rhdp. Dans leur cas spécifique, par rapport au rôle qu’ils ont joué dans ce pays pendant près de dix ans, ils peuvent eux aussi prétendre à des circonscriptions en disant : « C’est nous qui sommes leaders dans ces circonscriptions ». Là, le débat se fait au deuxième niveau, c’est-à-dire, au niveau du directoire du Rhdp, puis enfin, au niveau hautement politique, c’est-à-dire, au niveau de nos leaders.
Et les jeunes dans tout cela ?
Ils auront le destin qui est le leur.
C’est-à-dire ?
C’est-à-dire que le monde appartenant aux jeunes, vous vous rendrez compte que ces jeunes-là seront nombreux à avoir des postes de responsabilité.
Interview réalisée par Paul Koffi
et Benoit HILI