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Necrologie Publié le mercredi 19 octobre 2011 | Le Patriote

13e anniversaire de la mort de Djéni Kobina : Le parcours d’un tribun et d’un homme de conviction

© Le Patriote Par Emma
Cérémonie officielle de la Fête nationale au palais présidentiel: de nombreuses personnalités décorées en présence du Président Alassane Ouattara
Dimanche 7 aout 2011. Abidjan. Palais présidentiel du Plateau. Le Grand chancelier, Mme Henriette Dagri Diabaté a élevé les personnalités suivantes au rang de Commandeur de l`Ordre national a titre posthume : Samba Diarra, Colonel-major Adama Dosso, Frederic Guede Guinan et Djeni Kobina
Lundi 19 octobre 1998, siège du Rassemblement Des Républicains, à la rue Lepic de Cocody. Des cris de détresse fusent de partout. C’est la désolation extrême et les sanglots mal contenus. L’onde de choc venait de traverser toute la Côte d’Ivoire, diffusant la triste nouvelle. Georges Djéni Kobina, le premier secrétaire général des Républicains, venait de tirer sa révérence. Treize années après sa disparition, l’homme de grande culture, qui se considérait comme «un hussard de la République» est plus que jamais vivant dans notre esprit et dans notre quotidien. Né le 8 août 1937 à Gagnoa, ce haut diplômé des facultés de lettres de Nancy Lorraine et de Poitiers en France, «pur produit de l’Ecole de la République» instaurée par Jules Ferry, selon le mot de l’historien Fofana Lemassou, et dont le discours était marqué par les valeurs de démocratie, de liberté, de justice, ne demeurait pas moins un lion, comme son signe zodiaque. Homme de refus de l’arbitraire, de la dictature et des contre-valeurs, il n’acceptait jamais la mise en cage de ses idées et convictions. Premier secrétaire général du Synesci, Djéni Kobina connaît l’internement à la caserne de Séguéla en 1971, pour «mêlées subversives». Il y séjourne avec son ami de tous les jours, Albert Hoba et un certain… Laurent Gbagbo. Officier de reserve de l’armée à son élargissement, il ne renonce pas à ses convictions. Militant du PDCI, il occupe de hautes fonctions dans l’administration nationale, notamment les charges de directeur du cabinet. Premier adjoint au maire de Cocody et Secrétaire National du PDCI, il voit dans la restauration du Multipartisme, une aubaine pour son parti d’alors, de faire sa mue, afin de mieux humer les parfums des temps nouveaux. Avec ses collaborateurs de la mairie de Cocody, il crée le courant de la Rénovation du PDCI, pour aider la formation chère au premier Président ivoirien à faire son examen de conscience. L’initiative fortement appréciée par Félix Houphouët-Boigny, rencontre l’opposition ferme des caciques, notamment Laurent Dona Fologo et Emile Constant Bombet. Djéni est accusé de «trahison» et d’ «espionnage» pour le compte de l’opposition, précisément du Front Populaire Ivoirien. Djéni Kobina ne baisse pas les bras.

L’arrivée d’un nouveau Premier ministre, en l’occurrence Alassane Ouattara, un technocrate rompu à la bonne gouvernance et à la démocratie, lui donne des raisons d’espérer le changement à l’intérieur du parti, en adéquation avec le vent du Multipartisme.

….Et Djéni créa le RDR

Très vite, la confiance s’installe entre les deux personnalités et une amitié solide voit le jour.

A la vérité, Djéni Kobina avait une grande admiration pour Ouattara, qui, selon lui, «a montré que la mauvaise gouvernance n’était pas une fatalité pour la Côte d’Ivoire». Le fossé se creuse davantage avec les faucons du PDCI quand en 1992, du haut d’une tribune, Djéni Kobina demande la libération de Gbagbo et de ses camarades, incarcérés dans le cadre de la marche du 18 février. Pris à parti, le Fama ne renonce pas à son exigence. Ses adversaires politiques le voient comme un partisan du Premier ministre Ouattara. Djéni sonne la charge de plus belle: «Si bien gérer les affaires publiques signifie être Alassaniste, alors Djéni est Alassaniste». A la disparition de Félix Houphouët-Boigny et après la démission d’Alassane Ouattara, Djéni Kobina demande et obtient un congrès extraordinaire du PDCI en avril 1994. A ces assises, la parole lui est refusée, pour avoir émis la volonté de poser un préalable. L’histoire s’accélère face à ce que Djéni Kobina considère comme le refus de la liberté d’expression et de la démocratie. Le 27 juin 1994, avec ses amis dont Hyacinthe Leroux, Pierre Badobré, Diakité Coty, Amadou Soumahoro, Jean Malan, Hyacinthe Sarrassoro et Alexandre Ayié Ayié, ils déposent à la préfecture d’Abidjan, les statuts de ce qui deviendra, à partir du 27 septembre 94, le Rassemblement Des Républicains. Le divorce est consommé et le schisme est de taille. Ce jour-là, à la salle des Fêtes de l’Hôtel Ivoire, qui a refusé du monde, Djéni déroule «Le manifeste du RDR»: «Nous sommes fiers de vous annoncer que le RDR devient, dès aujourd’hui, un parti politique. Grâce à votre soutien sans faille, le RDR est enfin né et c’est vous qui l’avez mis au monde. Même dans sa crainte de reniement, vous avez porté courageusement le RDR, vous avez attisé la flamme qu’il portait en lui. Votre engagement n’a pas été vain, car ce 27 septembre 94 voit le couronnement de vos efforts… Le RDR se met au service de tous ceux qui veulent lutter contre l’injustice, le tribalisme, l’oppression, l’intolérance et la manipulation. Vous qui avez des convictions, le moment est venu de confirmer, par votre adhésion massive, la vague ininterrompue de votre témoignage de sympathie. Pour sauver notre pays, pour préparer un avenir meilleur à notre jeunesse, nous devons être prêts à tous les sacrifices».

Le temps des épreuves et du don de soi

Sacrifices, vous avez dit ! Djéni Kobina en donnera beaucoup et paiera un lourd tribut à son statut d’ «opérateur de grandes ruptures politiques et idéologiques». Dès ses premiers pas, le RDR fait mentir ses détracteurs qui le voyaient «prêcher dans le désert», tant les adhésions sont massives et de qualité. Déroutés, ces derniers voient en Alassane Ouattara, en poste au FMI, «l’inspirateur et l’instigateur du RDR». Qu’à cela ne tienne, Djéni Kobina continue de tisser sa toile et très vite, le RDR devient un parti national et 1995 voit la naissance du Front Républicain, l’alliance électorale avec le FPI de Laurent Gbagbo.

Commence alors pour «Le Fama de l’espèce démocratique», le temps des tracasseries et des diabolisations. Candidat aux législatives à Adjamé, avec la certitude de remporter le scrutin, Georges Djéni Kobina est déclaré subitement «Ghanéen» par les exégètes de l’ancien pouvoir. La Côte d’Ivoire est atterrée et sans voix. Comment le professeur d’histoire et géographie, proviseur, premier secrétaire général du Synesci, directeur de cabinet du ministère de la Sécurité, candidat aux législatives en 1990 à Cocody, 1er adjoint au maire de la même commune, officier de réserve de l’armée ivoirienne, peut-il devenir, du jour au lendemain, un «apatride»? Djéni Kobina ne se laisse pas distraire et continue de porter haut le combat de sa formation politique. Il a compris, avec l’ensemble de ses compatriotes, qu’il payait au prix fort son refus de la compromission, de la couardise et du louvoiement politique.

Pour ses convictions et sa fidélité sans faille au Président Ouattara et à ses militants, il a tout refusé. Une retraite dorée et une cassette d’un demi-milliard de nos francs ! Il n’avait que deux volontés, maintes fois affirmées: Voir Alassane Ouattara accéder au pouvoir d’Etat et voir la Côte d’Ivoire vivre le temps de la démocratie. C’est pourquoi, depuis 1994, il attendait le retour de l’enfant prodige, Alassane Ouattara, qu’il nommait affectueusement «le brave tchè», qui viendra mettra un terme au supplice. Malheureusement, Djéni Kobina ne verra pas le retour au bercail de Ouattara. Pas plus qu’il ne le verra monter au pinacle de l’Etat. Le 19 octobre 1998, la mort, la traitresse qui ne s’annonce pas, qui n’oublie pas et qu’on ne peut transférer sur autrui, parce qu’on «ne connaît ni l’heure, ni le jour, ni la date», pour emprunter au philosophe Vauvenargues, l’a fauché sans pitié. Depuis 13 ans donc, la vie du Fama Djéni Kobina n’est plus datée mais signée. Cependant, là où il se trouve, Djéni Kobina et les martyrs de la lutte sacrificielle, sans repos ni répit, ont vu Alassane Ouattara arriver au pouvoir. On peut le dire. Le tribun hors pair et l’homme aux convictions établies ne s’est pas trompé de combat. La victoire d’Alassane Ouattara sonne comme l’aboutissement de sa lutte pour la démocratie, la liberté et la justice. Mieux, comme un visionnaire, Djéni Kobina avait prévu le temps des retrouvailles entre le PDCI et le RDR, entre les vrais disciples de Félix Houphouët Boigny. Il le disait avec conviction le 27 septembre 1994: «si le PDCI fait son aggiornamento, alors il sera possible que nous nous retrouvions». Les Présidents Ouattara et Bédié ont vidé le contentieux qui les opposait et les enfants d’Houphouët Boigny sont à nouveau aux affaires, pour le développement et la renaissance de la Côte d’Ivoire. Djéni Kobina, si loin mais si près de nous!

Bakary Nimaga
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