L’annonce de la disparition tragique de Jean-Michel Moulod, député-maire de Grand Bassam, a plongé nombre d’Ivoiriens dans l’émoi. Et depuis, que de spéculations sur cette mort qui du reste, n’est pas la première du genre. En effet, au mois d’août dernier, un bus de la ligne 19 avait terminé sa course dans la lagune Ebrié, faisant des dizaines de morts alors que quelques jours plutôt, une pinasse déversait elle aussi, son contenu d’êtres humains dans cette même lagune. Tous ces accidents et ces morts occasionnés par l’eau qui est pourtant source de vie, donnent lieu aux affabulations les plus stupéfiantes. Tantôt ce serait des Dieux qui seraient en colère, tantôt, ce serait des sacrifices en vue des joutes électorales futures quand d’autres veulent y voir des règlements de compte. En clair, on conçoit difficilement que des personnes décèdent aussi « facilement » surtout lorsque ces morts sont causées par l’eau. L’eau est généralement considérée comme le monde des esprits malveillants. Dans beaucoup de civilisations en effet, les cours d’eau sont considérés comme le siège d’entités dangereuses de sorte qu’y trouver la mort est ressenti comme une manifestation malveillante de ces entités spirituelles. A travers de telles affabulations, l’on a l’impression que trouver la mort dans un cours d’eau, d’une manière inattendue, n’est jamais fortuit. On trouve toujours une explication, juste pour incriminer un tel ou un tel autre. C’est à croire que les hommes veulent choisir la manière dont ils doivent mourir. Mais, tout ceci, est purement et simplement lié à la peur bleue que l’humanité en général et l’Africain en particulier développe vis-vis de la mort. Personne n’a envie de mourir, même pas les croyants, ces personnes à qui on fait miroiter un bonheur infini après la mort auprès de Dieu le père Tout- Puissant. La vie ici bas est semble t-il, si intéressante qu’en dépit du fait que les livres saints et les hommes de Dieu présentent tout le bonheur qui les attend dans l’au-delà, les hommes tremblent toujours devant la mort. Comment comprendre un tel état d’esprit? En effet, cette question est en partie résolue lorsqu’on évoque l’affectivité. Au fond, perdre un être cher est toujours douloureux. Mais, au-delà de cet aspect affectif, deux autres raisons liées à la croyance peuvent expliquer cet état de fait. Il y a d’une part ceux qui ne croient pas en l’existence du paradis et d’autre part les personnes qui même si elles croient en son existence, ne sont pas sûres d’y avoir accès si elles venaient à perdre la vie à un moment donné. Partons de la première catégorie c'est-à-dire les personnes qui ne croient pas du tout en l’existence du paradis. Les gens de cette catégorie ont non seulement peur de l’inconnu mais ne veulent pas laisser leurs biens et les plaisirs qu’offre le monde présent. Ces derniers sont les adeptes de la pensée selon laquelle après la mort, c’est le néant en qu’en conséquence il faut vivre le plaisir et pour le plaisir. Ces personnes sont tellement attachées à ce qu’elles possèdent que mourir apparaît comme une perte énorme. Quant aux partisans de la deuxième assertion, quoique croyant en l’existence du paradis, ils ne se sentent pas suffisamment prêts à affronter la mort. La raison est simple. Malgré les enseignements religieux, ils s’obstinent à demeurer dans le mal. Ainsi, ils ont peur de l’enfer. Quelle que soit la raison développée par les uns et les autres vis-à-vis de la mort, il faut comprendre tout simplement qu’elle n’est pas nécessairement liée à une quelconque entité ténébreuse. Mourir subitement ne signifie pas qu’on est victime d’un sort. Mourir dans la lagune peut être une question de destinée. D’ailleurs, les conditions d’une mort aussi tragique soient –elles, ne sont pas nécessairement le fait de la sorcellerie. Du reste, si des êtres viennent au monde par césarienne, pourquoi être surpris ou scandalisé lorsque des gens meurent par accident ou par noyade?
Francis Kouamé (stagiaire)
licea9@yahoo.fr
Francis Kouamé (stagiaire)
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