La belle investiture, le 27 septembre 2011.Toujours à Yamoussoukro. Celle de Charles Konan Banny, président de la Commission Dialogue-vérité-réconciliation (Crdv). Elle a succédé aux bruits d’autocélébration, un boucan ennuyeux du même genre qu’on nous a servi pour l’installation du nouvel arrivant au pouvoir. Dans la même capitale en plein transfert, grâce au président Laurent Gbagbo, déporté avec les siens dans les camps de concentration au Nord du pays, au terme de la journée noire du 11 avril 2010, après qu’on lui ait volé sa victoire à l’élection présidentielle de novembre 2010. L’esquisse du décor en valait la peine, pour aborder la question de la «réconciliation nationale», ou plutôt ce qu’on se limite jusque-là à ne désigner comme telle que dans des cérémonies folkloriques, sous des bâches délavés. Le président de la Crdv n’en est que trop conscient. Lui qui a juré de «remettre les Ivoiriens ensemble» doit faire en sorte qu’on ne se serve pas de lui pour amuser la galerie au son des grelots. C’est dire qu’on attend des actes concrets de réconciliation de sa part, près d’un mois après son «investiture». Ce mot qui plait tant. Banny sait que ceux qui sont en prison et ceux qui sont en liberté ne sont pas «ensemble». Il doit donc avoir le courage, au risque d’être limogé, mais dans la dignité, de demander la libération de tous les prisonniers politiques du pouvoir. Et de dire que la première condition de la mise en œuvre réelle de la «réconciliation nationale», c’est la libération de Laurent Gbagbo et des siens puis l’arrêt des persécutions et des poursuites contre son camp. Tant qu’il n’en sera pas capable, de peur des représailles de la dictature en place, de peur que le pouvoir n’utilise la chicotte pour lui montrer le chemin de la prison, le train de la réconciliation restera cloué sur place, vide, à la gare. Car, qui voudra accompagner dans son aventure incertaine un réconciliateur qui risque lui-même la prison s’il a la malchance de réussir sa mission qui est de dire la «vérité» ? Hélas, les choses semblent être bien parties pour se résumer à la fanfare de la cérémonie d’investiture. A priori, on ne remet pas en cause la volonté de Banny de réussir sa mission. Lorsqu’on se retrouve devant la foi d’un charbonnier, il faut oser prendre ses responsabilités devant l’histoire pour dire la vérité à ceux qui ne veulent pas l’entendre. Ou alors savoir démissionner lorsqu’on est entraîné, à dessein, dans une impasse d’où on ressortira avec un petit profil. On sait que les tenants actuels du pouvoir sont des spécialistes de la dérobade. Ils se cachent toujours derrière des boucs émissaires, pour éviter d’assumer leurs actes et leurs crimes. Banny doit oser. Dans ce jeu de cartes vraisemblablement truqué, il doit refuser d’être «le valet du roi». On attend plutôt de lui qu’il soit le «joker» qui sauvera la Côte d’Ivoire, en disant la vérité qui l’affranchira.
K. Kouassi Maurice
K. Kouassi Maurice