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International Publié le vendredi 9 décembre 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Interview / Dénouement de l’élection présidentielle au Congo Roland Lumumba, très pessimiste

Le fils de Patrice Lumumba, Roland Lumumba, a séjourné à Abidjan où il était le parrain de la 3è édition du Festival de films sur les droits humains et la liberté d’expression (Ciné Droit Libre). Président de la Fondation Patrice Lumumba Démocratie et Développement et consultant pour le financement des projets en Afrique, Roland Lumumba parle de son père, du Congo, de Kadhafi et interpelle.
Vous êtes le président de la FPEL du nom de votre père, peut-on savoir ce qui a motivé la mise sur pied de cette fondation ?
Pendant une trentaine d’années de règne de Mobutu, un black-out a été fait sur le combat de Lumumba. La seule chose qui lui est reconnue, c’est la lutte pour l’indépendance. On cherchait donc à le faire connaître de la jeunesse congolaise. Ce qui a été un parcours du combattant. On a donc créé cette fondation pour la démocratie et le développement pour vulgariser et perpétuer sa pensée et son action en dehors du cadre de son parti.

Quelles actions mène la FPEL ?
On a trouvé une ferme expérimentale, on a créé une polyclinique parce qu’il n’y a pas la sécurité sociale au Congo. Si vous n’avez pas les moyens ou si vous êtes pauvre, on ne vous soigne pas tout simplement. On ne dit pas qu’on arrive à endiguer tous les besoins des Congolais, mais c’est notre façon d’y contribuer. On octroie des bourses scolaires et académiques, on aide des artistes dans des projets culturels parce que la plus grande richesse à côté du diamant, l’or, le coton, c’est la culture. On est très riche culturellement mais, il n’y a que la Rumba qui est mise en exergue. A ce niveau, on a essayé de donner un coup de pouce. On a fait quelques expositions ici et là en Côte d’Ivoire, on a commencé à faire des manifestations au Congo et notre projet pour l’année prochaine, c’est la création d’une banque des femmes pour le microcrédit.

Pensez-vous que la jeunesse congolaise s’est véritablement approprié les valeurs prônées par Patrice Lumumba et quels sont les objectifs de la FPEL ?
En dehors du Congo par méconnaissance et pour des raisons que je vous ai expliquées tantôt, ce sont beaucoup d’Africains qui s’approprient son œuvre. Le pouvoir de trente quatre années resté hostile à lui (Ndlr ; Lumumba) ne voulait pas faire la promotion de ses œuvres. Mais, il commence à avoir cette jeunesse qui a soif de connaissance, qui veut savoir ce qui s’est passé et pourquoi Lumumba est-il considéré comme héros ? Un des objectifs de la fondation était que le 17 janvier (Ndlr Lumumba assassiné le 17 janvier 1961) devienne une journée nationale, fériée et payée. Il y a quelques années, cela a été réalisé. C’est un objectif qui a été atteint. Les autres objectifs se résument à comment le faire mieux connaître (Ndlr ; Lumumba) et voir comment il peut rentrer lui et d’autres héros africains dans les manuels scolaires. Parce qu’on a constaté que la jeunesse congolaise et majoritairement la jeunesse africaine connaît plus les personnalités occidentales que nos héros. Si je demande à un jeune Ivoirien qui est Anne-Marie et Théogbakanja, il ne le saura pas. Or, ce sont deux Saints d’origine congolaise. Si je demande à un jeune Congolais qui est Soundjata ou la reine Pokou, il ne saura pas. Du nord au sud, de l’est à l’ouest, si je leur demande qui est Napoléon, De Gaulle, on peut écrire des pages. Il faut arriver à rectifier cela comme le demandait Lumumba : réécrire l’histoire par nous-mêmes. Pourquoi notre histoire doit-elle être racontée par celui qui nous a colonisés ?
C’est peut-être une des raisons pour laquelle j’ai accepté de parrainer ce festival (Ndlr ; Festival des films sur les droits humains et la liberté d’expression).

Certains films projetés à l’occasion de ce festival comme «Lumumba, une mort de style colonial » contribuent-ils à une sorte de réécriture de notre histoire?
Ce festival essaie de nous réveiller. Mais, la réécriture doit se faire d’une façon classique avec les historiens, les enseignants, savoir comment mettre l’information au niveau du primaire, du secondaire et universitaire.

Les missions de la fondation se limitent-elles au Congo ?
J’ai fait des manifestations en Côte d’Ivoire en 2003, au Mali dans le cadre de la lutte contre la fracture numérique. On arrive à faire des programmes en Afrique et dans le monde.

Est-ce que comme hier, il y a un black-out sur tout ce qui est rattaché à Lumumba (ses enfants) par les gouvernants actuels?
Si on regarde le résultat, on n’est pas associé. Mais, ouvertement, il n’y a pas d’hostilité. Par contre Laurent Kabila a eu à travailler avec ma sœur qui a été ministre. Et après, rien.

Vous dénonciez la gestion des années Mobutu qui a fait reculer, selon vous, le Congo de plusieurs années en arrière. Quel est le constat que vous faites après lui ?
Mobutu nous a retardés de beaucoup d’années. Cela fait quatorze ans que Mobutu est parti mais le mal était si profond que ceux qui sont arrivés après lui n’arrivent pas à trouver le bon bout pour se relancer. Mais, il y a certains acquis par rapport à son temps. Quand on vous a enfermé pendant longtemps, vous êtes pressé d’aller de l’avant. Ce qu’on demande, c’est qu’il y ait de bons dirigeants qui aiment leur pays. Il y a certaines parties du continent qui se sont développées par rapport à d’autres ! Donc je suis optimiste, ça traîne certes mais ça va de l’avant, peut-être pas à la vitesse qu’on souhaite.

Gardez-vous ce même optimisme quand vous voyez le dénouement actuel de l’élection présidentielle au Congo ? Allons-nous vers une fin heureuse ?
Malheureusement, non. C’est mon point de vue personnel. J’aimerais que ça se passe sans heurts dramatiques. Mais, à quelques jours des élections, dans plusieurs villes, il a commencé à avoir des morts. Je le déplore énormément. Le 28 novembre passé, il y a eu pas mal de tricheries. Ce qui n’est pas fait pour apaiser les esprits. J’espère que le pire ne va pas arriver. Mais je n’en suis pas sûr.

‘’Démocratie, violence et réconciliation nationale’’ est justement le thème du festival que vous avez parrainé. Quel développement pouvez-vous en faire ?
Il faut que les dirigeants sachent leur mission. Qu’ils comprennent qu’à un moment de l’histoire, il faut qu’ils réfléchissent nation. Avec tout ce qui se passe dans le monde, on ne peut plus vivre en autarcie. Le monde d’aujourd’hui est un monde de groupement pour devenir plus fort, performant et avoir un marché plus grand. Notre salut passe par l’union peu importe qu’elle soit régionale ou continentale.

Comment décrivez-vous donc la mission du Mouvement national Patrice Lumumba pour intégrer cette pensée ?
Le parti de Patrice Lumumba est un parti comme les autres. On essaie de faire un travail de base. Quand tout l’environnement a été pollué et qu’on a appauvri tout le monde, sans argent, vous ne pouvez plus rien faire. Parce qu’on a corrompu l’âme. Se laisser corrompre avec un tee-shirt pour aliéner cinq années de ton existence pour un chef d’Etat ou pour un député, nous disons non. Raisonne, pense à ce que tu deviendras, à l’avenir de tes enfants, aux enfants de tes enfants cela vaut plus qu’un tee-shirt ou un chapeau que les candidats donnent ici et là. Qui corrompt ? Ce sont ceux qui ont volé l’argent de l’Etat ! Ils se cachent dans le multipartisme et avec l’argent volé, ils essaient de rester en tant que représentant du peuple qu’eux-mêmes ont torturé, affaibli et anéanti.

L’état de pauvreté dans lequel les populations ont été plongées ne facilite-t-il pas la corruption par ces élus ?
La pauvreté est venue avec le mauvais choix des dirigeants ou bien des dirigeants imposés par des coups d’Etat. La mauvaise gestion est venue avec la pauvreté et on a essayé d’entretenir la pauvreté pour pieux mater cette population. Qui pense à comment manger demain. Nous sommes contre cela.

Revenons à «Lumumba : une mort de style colonial», ce documentaire réalisé par l’Allemand Thomas Giefer qui fait parler les tueurs de Lumumba qui avouent le crime. Combien de fois l’avez-vous regardé et quel sentiment vous avez eu la première fois ?
Je l’ai regardé plusieurs fois. C’est une histoire connue pour nous autres. Mais, peut-être voir des gens se réjouir et qui jouissent de la disparition d’un proche en le justifiant avec cette froideur, ça nous fait réfléchir. Mais, c’étaient des choses un peu connues.

Croyez-vous qu’un jour justice sera faite pour Lumumba ?
Je le crois. Mais la justice pour Lumumba passera par un mieux-être pour les habitants de ce continent, pour mon peuple. C’est voir comment aller dans un sens positif. Ainsi sa mort ne sera pas vaine. C’est ainsi que je vois le sens positif. Ce n’est pas juger les petits plaisantins. Il faut certes le faire, il faut les juger car c’est cela la règle !

Approuvez-vous le terme de crime contre l’humanité sur Lumumba ?
Pour Lumumba, c’est un crime contre l’humanité. Parce qu’après sa mort, il y a eu des centaines de milliers de personnes qui sont mortes à cause de la disparition de Lumumba. Si c’était Lumumba et ses deux compagnons, on aurait dit trois personnes. Mais il y a eu guerre à la suite de cet assassinat. C’est un crime contre l’humanité.

Comment êtes-vous parvenu à forger votre mentalité ?
J’ai refusé de vivre dans l’amertume d’un enfant qui a perdu son père (Ndlr ; il était garçonnet à l’époque) en considérant qu’il (Ndlr ; Lumumba) était devenu le père de milliard de personnes. Et lui-même se définit ainsi quand il avait dit : «Je n’ai pas de père, pas de mère, je suis une idée, le Congo m’a façonné et je chercherai à ma façon à façonner le Congo». Oui, j’ai la douleur de la perte de mon père et j’aurais aimé avoir ses conseils quand je grandissais. Mais je n’ai pas eu cette chance et il était trop grand. Je le prends ainsi. De temps en temps, j’ai un petit pincement au cœur. J’aurais voulu le connaître. Je l’ai connu à travers les autres.

Avez-vous pardonné aux tueurs de votre père ?
Je pardonne mais je n’oublie pas. Pardonné, oui. Oublié, non. Il ne faut jamais oublier. Si on oublie, cela peut se répéter sous d’autres formes. Raison pour laquelle il faut pardonner mais ne pas oublier.

De Kadhafi vous dites que c’était un grand homme pour l’Afrique, méritait-il cette fin ?
Non. Je le vois sous un autre angle : Kadhafi, l’Africain, c’est un grand homme. Mais dans la gestion du bien, je laisse la latitude de juger. Est-ce que par rapport à ce qu’il a fait, il méritait ça. Je ne crois pas. Celui qui a tiré sur la gâchette est un Libyen. Mais nous avons tous vues. Il voulait créer la banque africaine, le satellitaire africain, la location d’un milliard par an à l’Occident. On a dit que c’est un problème interne. Il y a beaucoup de non dits. Il faut qu’on arrive à faire nos propres analyses par rapport à des gens qui ont influencé d’une façon ou d’une autre notre devenir commun.

Réalisée par Koné Saydoo
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