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Politique Publié le samedi 7 janvier 2012 | Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation

Nouvel an 2012 : les vœux du président Charles Konan Banny (Commission dialogue, vérité et réconciliation)

© Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation Par DR
Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR)/ Nouvel an 2012 : le président Charles Konan Banny présente ses voeux aux Ivoiriens
Ivoiriennes, Ivoiriens,

Une nouvelle année s’annonce, pleine de promesses ! Et ces promesses rencontrent l’espérance de tous nos compatriotes, exaspérés et épuisés par plus d’une décennie de conflits et de dissensions internes. À l’orée de l’année 2012, je voudrais me faire l’écho de votre ardent désir de vivre dans la paix, dans une paix assurée, où les armes se seront tues définitivement.

La Côte d’Ivoire a fait de la paix un des traits majeurs de sa culture, parce que les peuples qui la composent ont retiré des tragédies qui ont jalonné leurs différents parcours, la haine de la violence et des affrontements meurtriers. Nous devons garder en mémoire les récits d’exodes qui ont émaillé l’histoire de la plupart de nos communautés. Leurs exodes et leurs longues pérégrinations à travers les terres inconnues et hostiles, ont toujours résulté de guerres effroyables dont les vaincus ont dû céder l’espace aux vainqueurs. Ce n’est jamais de gaieté de cœur qu’on abandonne son territoire pour mettre le cap sur de nouveaux horizons ! Cependant, dans son nouveau port d’attache, tout exilé acquiert la culture de la paix, parce qu’il en connaît le prix, mesuré à l’aune de sa chair et de son sang.

Cette culture de la paix, forgée et intériorisée avec patience par tous en Côte d’Ivoire, a été malheureusement remise en cause par le primat accordé aux intérêts politiques et partisans. Alors que la compétition politique, née de l’ouverture démocratique, devait raffermir la paix et la cohésion nationale, elle est devenue, au contraire, une nouvelle source de division. Cette situation regrettable appelle de notre part une réflexion collective et impartiale, afin d’identifier les causes qui entravent notre volonté commune de vivre ensemble et de déterminer de nouvelles règles de cohabitation pacifique.

Nous avons connu dix ans d’une drôle de guerre dont les élections présidentielles devaient marquer la fin. Malheureusement, les codes qui régissent les activités politiques n’ont pas été respectés, entraînant un énorme péril qui a ouvert une plaie béante au cœur de la Nation ivoirienne. C’est pour guérir cette plaie et mettre le pays à l’abri de nouvelles commotions que le Président de la République a institué la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR). Cette Commission a travaillé d’arrache-pied pour écrire la partition d’un hymne, celui de la réconciliation, qui ne pourra être convenablement exécuté que si chacun joue sa part avec cœur, si chacun joue en accord avec les autres.

Mais l’homme frappé par le malheur est naturellement impatient. Il attend des résultats immédiats pour apaiser ses angoisses et sa souffrance, nous le savons ! Et, quelle que soit la vitesse de réalisation de la mission qui nous a été assignée, elle semblera toujours trop lente à ceux qui sont dans l’attente d’une meilleure Côte d’Ivoire, d’une Côte d’Ivoire où il fait à nouveau bon vivre !

À tous ceux qui espèrent, je voudrais dire que leur espoir ne sera pas vain. En effet, tous ceux qui vivent en Côte d’Ivoire sont désireux de construire ensemble un univers radieux. C’est la leçon que je tire des contacts nombreux et quotidiens que j’ai eus avec les populations marquées par la crise. Les freins à la réconciliation ne viendront donc nullement des populations affectées par notre désunion. Seuls les instigateurs du désordre et de la haine voudront continuer à prospérer sur le terreau de la division. Nous ne les abandonnerons pas à leur projet. Par le dialogue et la persuasion, nous les amènerons à accepter de s’inscrire dans le sillage de notre action.

L’année 2012 sera celle de la mise en œuvre de notre plan d’action. Nous en attendons de grandes avancées pour la paix en Côte d’Ivoire. Ivoiriennes, Ivoiriens, Habitants de la Côte d’Ivoire, conformément à notre mandat, nous allons, avec vous, examiner courageusement les raisons qui nous ont conduits au bord du gouffre. Ayant découvert ou redécouvert les motifs de notre désunion, nous ferons en sorte que les préjudices subis soient intégralement réparés. Il n’est pas question de passer par pertes et profits la descente aux enfers de milliers de nos compatriotes. Nous entendons relever la dignité humaine et restaurer les droits de toutes les victimes du drame ivoirien. Nous promettons de recommander la juste réparation des préjudices.

Mais au-delà de cette action de justice “restaurative“, nous avons le devoir de poser les questions essentielles dont dépend l’avenir de la Côte d’Ivoire et des Ivoiriens : « Qu’entendons-nous faire de la Côte d’Ivoire ? Pour nous, qu’est-ce qu’être ivoirien ? » Ces questions graves devront trouver réponse, mais pas n’importe quelle réponse ! Il ne s’agira plus de développer le sentiment d’appartenance communautaire, ni de proposer l’émergence d’une Côte d’Ivoire vernaculaire, une Côte d’Ivoire qui serait une simple addition de groupes ethniques. Nous allons penser à une nouvelle nation ivoirienne qui tienne compte des contraintes de l’histoire et de la géographie. Pour cela, il nous faudra tous faire preuve de courage, de discernement et de confiance.

Si nous nous astreignons à une telle discipline, alors nous pouvons avoir la certitude que des perspectives heureuses s’ouvrent pour notre pays. Ce que je souhaite aux Ivoiriens, c’est d’être les artisans d’une véritable révolution humaine. J’appelle de mes vœux un renoncement aux idéologies étroites et un retour à la politique humanitaire de notre feu président, qui avait placé l’homme, tous les hommes, au centre de sa vision.

Pour ma part, j’ai vu Bangolo, Duékoué, Guiglo… portant encore les stigmates de la barbarie humaine ! J’ai lu dans les yeux des blessés d’Abobodoumé, le désespoir de personnes handicapées à vie ! J’ai vu sur les joues d’adultes accomplis, les larmes que la dignité s’efforçait de cacher ! J’ai vu l’être humain dégradé par les atteintes horribles à son intégrité physique ! À tous ces maux, je vois un seul et même remède : l’enracinement de l’esprit citoyen en Côte d’Ivoire.

Que l’année 2012 soit l’année où la naissance d’une Côte d’Ivoire citoyenne rendra vaines toutes les violations qui prennent pour prétexte la différence et fondent leur raison sur le sentiment d’appartenance ! Que 2012 soit l’année de l’avènement du citoyen ivoirien et, partant, l’année de la paix, de la confiance et de la réconciliation.

Charles Konan Banny
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