Faire cesser «l’orage des contestations sociales» et «des tristes aventures ambigües». C’est l’objectif que se sont fixés les évêques hier. Le diagnostic des hommes de Dieu ne souffre aucune contestation. Mais contestables auront été leurs propres prises de position dans les graves crises qui ont rythmé la vie politique et sociale ivoirienne depuis 2000. Ambigüe a été parfois la participation du clergé aux différentes tragédies. Condamnable a été aussi leur parti pris dans le débat politique. Toutes choses, qui ont contribué à ouvrir les fractures, au lieu de la refermer, à enflammer les passions au lieu de les adoucir, ou à pousser à la vengeance au lieu d’appeler au pardon. Quelques faits. En 2002, le général Robert Guéi est abattu, alors qu’il vient de trouver refuge à la cathédrale d’Abidjan. Le curé de la paroisse a souvent confirmé et regretté cet assassinat. En 2004, après la barbarie qui s’est abattue sur les militants de l’opposition, faisant 120 morts, selon un décompte de l’Onu, le clergé catholique refuse de prier pour les morts. Il accuse les leaders de l’opposition d’avoir conduit leurs militants « dans le couloir de la mort ». En 2005, en plein débat, sur la question de savoir si la Constitution permet ou non, à un président de la République, qui a épuisé son mandat de cinq ans de le prolonger ou non, l’Eglise a, encore une fois, pris le parti du pouvoir. Dépositaire de la morale divine, beaucoup de prêtres sont devenus, pendant les crises, des gardiens de la Constitution. Et l’on se souvient aussi du transfèrement, à la résidence présidentielle de l’époque, du Saint sacrement. Ce qui a divisé leurs fidèles, au moment où il s’agissait de prêcher la réconciliation des esprits et des cœurs. La religion, en général, est devenue par moments, un facteur de division, d’exacerbations des passions et des clivages au lieu d’être un catalyseur d’harmonie. Malgré tout, des guides religieux ont joué le jeu de la vérité, quand il était plus simple de faire le jeu des politiciens. Certains ont même écopé de sanction pour avoir osé s’ériger contre le pouvoir. Nul besoin, ici, de s’arrêter à des noms. Mais au moment où les évêques prennent une si importante décision, il est utile de rappeler ce passé contrasté. Un passé qui leur impose, humblement, eux aussi de demander pardon au peuple.
Benoit HILI
Benoit HILI