Emmanuel Noubissié Ngankam, chargé principal des opérations de la Banque mondiale, était l’invité spécial de la radio onusienne en Côte d’Ivoire. Dans cet échange, il évoque le programme de l’organisme en faveur de la Côte d’Ivoire.
ONUCI FM: Quels sont les secteurs financés par la Banque mondiale en cette période post-conflit?
Emmanuel Noubissié Ngankam: Les secteurs dans lesquels est engagé la Banque mondiale auprès du gouvernement de Côte d’Ivoire sont essentiellement, les secteurs des infrastructures pris au sens le plus large. C’est-à-dire les infrastructures routières, énergétiques, urbaines. Il y a également les secteurs de l’éducation, de la santé. Sans oublier un secteur qu’on pourrait considérer de transversale : celui du programme de sortie de crise qui est multisectoriel. Bien évidemment, je ne peux pas oublier d’évoquer le secteur de l’emploi des jeunes. Car nous finançons également une importante opération consacrée à l’emploi des jeunes.
ONUCI FM: Pourquoi ces secteurs? Il y a bien entendu d’autres secteurs ?
E.N.N. : Evidemment. Premièrement, la Banque mondiale ne peut pas tout faire et ne sait pas tout faire. Deuxièmement, elle intervient sur la base des priorités définies par le gouvernement de Côte d’Ivoire. Nous n’imposons pas nos vues au gouvernement. Donc, si nous intervenons dans tel ou tel secteur, c’est certainement parce que ces secteurs figurent parmi les priorités définies par le gouvernement de Côte d’Ivoire. Nous avons une allocation financière limitée pour la Côte d’Ivoire et pour tous les pays dans lesquels nous intervenons. Nous avons un volume de financement limité et compte tenu de cela et des besoins illimités, nous sommes obligés de faire des arbitrages, c'est-à-dire des choix. Les arbitrages que nous avons faits avec le gouvernement de Côte d’Ivoire nous ont emmenés à nous engager dans un certain nombre de secteurs dont ceux que j’ai évoqués plus haut.
ONUCI FM: Vous parliez tantôt du budget. Alors, à combien s’élève l’enveloppe globale destinée à tous ces projets dont vous venez de parler ?
E.N.N. : Aujourd’hui, le portefeuille de la Banque mondiale en Côte d’Ivoire s’élève environ à trois cent cinquante milliards de francs Cfa (350 000 000 000 F Cfa). C’est un portefeuille qui est amené à grandir. Nous sommes en train de préparer un important projet que nous avons appelé «Projet de renaissance des infrastructures » qui coûtera à peu près 50 milliards de francs Cfa. Nous préparons également un appui budgétaire qui devrait être approuvé par notre conseil d’administration en 2012 d’environ 35 milliards de francs Cfa. Nous préparons également un projet d’appui au programme national d’investissement agricole. Donc, un projet dans le secteur agricole d’à peu près 25 milliards de francs Cfa. D’ici à la fin de l’année 2012, ce portefeuille pourrait se situer autour de 450 milliards de francs Cfa. Ce qui n’est pas rien.
ONUCI FM: Au nombre des projets que vous financez, il y a ceux à haute intensité de main d’œuvre. Quels en sont les bénéficiaires ?
E.N.N. : Avant de parler des projets à haute intensité de main d’œuvre, je voudrais situer le contexte de ces projets. Il s’agit d’abord du Projet d’assistance post-conflit (PAPC) pour lequel je suis à Daloa pour une supervision. L’une des composantes de ce projet est consacrée à la réinsertion sociale et économique des jeunes, notamment les ex-combattants et les jeunes à risque. Dans ce projet, nous avons pensé qu’il était important de donner de l’espoir à un grand nombre de jeunes.
ONUCI FM: Environ combien de jeunes ?
E.N.N. : Nous estimons que d’ici à la fin du projet en juin 2013, nous aurons touché à peu près 30 000 jeunes ex-combattants et jeunes à risque. Pour revenir à votre question sur les travaux de haute intensité de main d’œuvre, l’une des sous-composantes du volet réinsertion, économique et social des jeunes porte également sur les travaux de haute intensité de main d’œuvre. Ce volet est exécuté par l’Ageroute et le Programme de service civique national. Il consiste entre autres, à recruter les jeunes utilisés dans les travaux de maintenance des infrastructures routières. Ce sont des contrats qui durent à peu près six mois. Nous avons apporté une innovation dans le cadre de ces travaux d’intensité de main d’œuvre. Nous avons introduit un mécanisme qui veut simplement dire que le jeune qui épargne une certaine somme pendant la durée de son emploi, qui peut durer six mois, au terme de son emploi, équivalant de l’épargne qu’il aura constitué, lui est versé par la Banque mondiale. Si vous épargnez 100, la Banque mondiale vous apporte 100 000 en plus. Donc vous partez avec 200. Ce qui vous permet de démarrer une activité génératrice de revenus.
ONUCI FM: Vous parlez des jeunes, alors, comment se fait la sélection ? Autrement dit, qui peut être bénéficiaire de ces projets ?
E.N.N. : Dès le départ, nous avons ciblé les ex-combattants et les jeunes à risque. Les ex-combattants, nous essayons de les mobiliser à travers certains nombres de structures, notamment le ministère des Ex-combattants et des Victimes de guerre qui met à notre disposition un fichier. Nous procédons également à une sélection directe faite par l’Ageroute dans les localités où elle est installée, notamment à Daloa. Ensuite, elle fait une publication sur la base d’un certain nombre de critères liés au statut du jeune retenu. Enfin, elle procède à la sélection des jeunes qui sont utilisés dans le cadre de ce programme de travaux à haute intensité de main d’œuvre.
ONUCI FM: Vous financez aussi trois centres d’archivages de l’état civil à Daloa, Bouaké et Abidjan. Pour quel objectif ?
E.N.N. : Le projet d’assistance post-conflit (PAPC) finance également la construction et l’aménagement de trois centres d’archivage, notamment à Daloa, à Bouaké. Ces deux chantiers sont pratiquement achevés et le centre d’archivage de la Cour d’appel d’Abidjan sera construit à Grand-Bassam. Pourquoi financer des centres d’archivage ? D’abord, ce sont des centres d’archivage liés à des Cours d’appel. Mais, la raison fondamentale, c’est que dans le processus de sortie de crise, nous nous sommes rendu compte que l’un des facteurs aggravant de la crise en Côte d’Ivoire a été la question de l’identité et de l’état civil. Nous nous sommes rendus également compte que certains ivoiriens n’avaient pas d’état civil tout simplement parce que les souches de leur état civil qui devraient être archivées par l’autorité, notamment le ministère de la Justice n’a pas été fait. Du coup, il y a des ivoiriens qui ont perdu leur état civil tout simplement parce que les souches n’étaient pas correctement archivées. Alors, pour aider l’Etat de Côte d’Ivoire à reconstituer ou à garder la mémoire de ses citoyens à travers l’état civil, nous avons pensé qu’il était bon de financer la construction et l’équipement de ces centres d’état civil. Ce sera un équipement tout à fait moderne qui sera physique et électronique. Donc, même en ligne, vous pourriez consulter votre état civil. L’officier de l’état civil, le Procureur, ou le juge, pourra à partir d’un terminal, consulter l’état civil d’un citoyen. C’est une réponse à la crise qu’a connue la Côte d’Ivoire.
ONUCI FM: Une des priorités aujourd’hui du gouvernement ivoirien, est la réforme du secteur de la sécurité. Comment se fait-il que la sécurité ne fait pas partie des secteurs que vous financez sachant qu’elle est un facteur propice à l’investissement.
E.N.N. : Je vous ai dit tout à l’heure que, hélas, la Banque mondiale ne peut pas tout faire et la Banque mondiale ne sait pas tout faire. Et l’une des choses que nous ne savons pas faire et qui ne relève pas de notre mandat, c’est la sécurité. Mais il y a un vaste programme de reforme du secteur de la sécurité en Côte d’Ivoire et c’est essentiel. Le président de la République a d’ailleurs indiqué que la sécurité était sa principale priorité, suivra ensuite la réconciliation nationale. Mais hélas, la Banque mondiale, dans son expertise, n’a pas d’avantage comparatif en matière de sécurité. Nous avons des partenaires, que ce soit des partenaires multilatéraux comme les Nations-unies ou bien certains bilatéraux qui sont plus compétents que nous pour pouvoir accompagner l’Etat de Côte d’Ivoire dans la reforme du secteur de la sécurité.
ONUCI FM: La filière café-cacao, parlons-en. Vous avez décrié, en son temps la gestion de cette filière. Aujourd’hui, l’administration Ouattara vient d’opérer une restructuration. En avez-vous une idée ?
E.N.N. : Oui. Il y a une reforme du secteur qui est en cours. Le président de la République a nommé le président du Conseil d’administration de l’instance de régulation. Ce décret parachevait la série de nomination des membres de l’instance de régulation. Cette réforme est voulue et impulsée par le gouvernement de Côte d’Ivoire. Elle est accompagnée par la Banque mondiale et un certain nombre de partenaires.
ONUCI FM: Est-ce que cette réforme est celle que les institutions de Bretton Woods ont souhaité ?
E.N.N. : Les institutions de Bretton Woods n’ont rien à imposer au gouvernement de Côte d’Ivoire. Elles accompagnent le gouvernement de Côte d’Ivoire et veillent à ce que les réformes mises en place et conduites par le gouvernement soient de bonnes réformes et ne viennent pas aggraver la situation économique déjà difficile dans laquelle se trouve le pays. Les institutions de Bretton Woods veillent à ce que cette réforme permette aux citoyens, notamment, aux planteurs de café et de cacao d’avoir un retour de son travail.
ONUCI FM: Avec cette réforme, est-ce que les paysans, selon vous, pourront jouir du fruit de leur labeur ?
E.N.N. : Pour l’instant, nous n’avons aucune raison d’en douter. Ce d’autant que dans la réforme, il est clairement indiqué que les revenus payés aux planteurs de cacao et de café, seront d’à peu près 60% du prix CAF. Ce qui est inédit. Jusqu’à une date récente en Côte d’Ivoire, le prix payé aux planteurs était autour de 30 à 40% maximum du prix CAF. Aujourd’hui, il est garanti aux planteurs à un prix d’à peu près de 60% du prix du marché international. L’Etat s’est également engagé à plafonner la fiscalité à peu près à 22% du prix CAF. Alors que jusqu’à une date récente, cette ponction était de l’ordre de 30 à 40%. Ce qui est aujourd’hui une avancée considérable. Nous n’avons aucune raison de douter de ce que cette réforme soit soutenue. Mais nous restons vigilants et nous jouons un rôle de conseiller auprès du gouvernement de Côte d’Ivoire, de manière à ce qu’il s’assure que les réformes mises en place atteignent un niveau d’irréversibilité.
ONUCI FM: Dans le secteur de l’énergie, est-ce que les choses vont comme vous le souhaitez ?
E.N.N. : Ce secteur a énormément de problèmes. Notamment l’énergie électrique qui est un facteur de compétitivité de l’économie de tous les pays. Il est important pour la Côte d’Ivoire, si elle veut continuer à attirer des investisseurs, d’améliorer la qualité de vie de ses citoyens. Elle doit fournir à ces citoyens, assez d’investisseurs, assez d’industriels et de l’énergie en quantité suffisante, mais également en qualité et à des prix abordables. Dans ce domaine, nous accompagnons également le gouvernement. Le secteur privé y est engagé. Vous avez dû suivre le lancement des opérations pour la construction de la troisième tranche d’Azito par un opérateur privé. Donc, on a besoin d’une synergie entre le gouvernement et le secteur privé à travers le partenariat public/privé et puis bien évidemment, les partenaires au développement comme la Banque mondiale pour accompagner le processus. Donc, la question de l’énergie, le gouvernement en est conscient. Nous en avons discuté avec les autorités de Côte d’Ivoire et nous les accompagnons dans le plan de restructuration et de réforme du secteur de l’énergie que ces autorités ont conçu et sont en train de réaliser.
ONUCI FM: Et le pétrole ?
E.N.N. : Sans trop nous immiscer, nous regardons de près ce qui se passe dans ce secteur. Dans le secteur de l’énergie pris au sens le plus large, que ce soit le pétrole, le gaz, l’énergie électrique, elle-même, nous sommes assez vigilants. Nous assistons le gouvernement de Côte d’Ivoire à prendre les bonnes décisions dans son intérêt, dans l’intérêt des investisseurs, dans l’intérêt de ses populations et dans l’intérêt du développement économique de la Côte d’Ivoire.
ONUCI FM: Vous êtes regardant sur tout ce qui se fait. Alors, il y a plus de six mois que le gouvernement Soro a été mis en place. Le gouvernement gère-t-il le pays selon l’orthodoxie financière, selon les règles de la bonne gouvernance ?
E.N.N. : Ce que nous pouvons vous dire, c’est que le gouvernement qui est en place en ce moment a hérité d’une situation extrêmement difficile. L’année 2011 qui vient de s’achever a été une année extrêmement difficile avec un taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) de -5,8% pour des raisons, tout à fait, objectives. Notamment la crise post-électorale qui s’est achevée en avril 2011. Donc, l’année fiscale qui coïncide avec l’année civile en Côte d’Ivoire n’a été en fait que de six mois. Nous en sommes parfaitement conscients et ça, ce sont des paramètres qui sont pris en compte quand il s’agit de porter un jugement sur les performances du gouvernement. Maintenant, 2012 sera-t-elle une année entière ? Nous l’espérons et le souhaitons.
ONUCI FM: Les indicateurs pour 2012, comment les voyez-vous?
E.N.N. : Je pense que les informations sont disponibles à ce sujet. Nos collègues du Fonds monétaire internationale l’ont dit, le gouvernement l’a dit, nous le disons également. L’année 2012 se présente sous de bons auspices pour la Côte d’ Ivoire. L’un des indicateurs généralement utilisé, c’est le taux de croissance du PIB qui devrait se situer autour de 8 à 9%. C’est une anticipation. Nous espérons que ce taux de croissance sera effectivement réalisé. Ce qui serait une performance tout à fait inédite.
Retranscrit par
Jean Eric ADINGRA
(Source Onuci Fm).
ONUCI FM: Quels sont les secteurs financés par la Banque mondiale en cette période post-conflit?
Emmanuel Noubissié Ngankam: Les secteurs dans lesquels est engagé la Banque mondiale auprès du gouvernement de Côte d’Ivoire sont essentiellement, les secteurs des infrastructures pris au sens le plus large. C’est-à-dire les infrastructures routières, énergétiques, urbaines. Il y a également les secteurs de l’éducation, de la santé. Sans oublier un secteur qu’on pourrait considérer de transversale : celui du programme de sortie de crise qui est multisectoriel. Bien évidemment, je ne peux pas oublier d’évoquer le secteur de l’emploi des jeunes. Car nous finançons également une importante opération consacrée à l’emploi des jeunes.
ONUCI FM: Pourquoi ces secteurs? Il y a bien entendu d’autres secteurs ?
E.N.N. : Evidemment. Premièrement, la Banque mondiale ne peut pas tout faire et ne sait pas tout faire. Deuxièmement, elle intervient sur la base des priorités définies par le gouvernement de Côte d’Ivoire. Nous n’imposons pas nos vues au gouvernement. Donc, si nous intervenons dans tel ou tel secteur, c’est certainement parce que ces secteurs figurent parmi les priorités définies par le gouvernement de Côte d’Ivoire. Nous avons une allocation financière limitée pour la Côte d’Ivoire et pour tous les pays dans lesquels nous intervenons. Nous avons un volume de financement limité et compte tenu de cela et des besoins illimités, nous sommes obligés de faire des arbitrages, c'est-à-dire des choix. Les arbitrages que nous avons faits avec le gouvernement de Côte d’Ivoire nous ont emmenés à nous engager dans un certain nombre de secteurs dont ceux que j’ai évoqués plus haut.
ONUCI FM: Vous parliez tantôt du budget. Alors, à combien s’élève l’enveloppe globale destinée à tous ces projets dont vous venez de parler ?
E.N.N. : Aujourd’hui, le portefeuille de la Banque mondiale en Côte d’Ivoire s’élève environ à trois cent cinquante milliards de francs Cfa (350 000 000 000 F Cfa). C’est un portefeuille qui est amené à grandir. Nous sommes en train de préparer un important projet que nous avons appelé «Projet de renaissance des infrastructures » qui coûtera à peu près 50 milliards de francs Cfa. Nous préparons également un appui budgétaire qui devrait être approuvé par notre conseil d’administration en 2012 d’environ 35 milliards de francs Cfa. Nous préparons également un projet d’appui au programme national d’investissement agricole. Donc, un projet dans le secteur agricole d’à peu près 25 milliards de francs Cfa. D’ici à la fin de l’année 2012, ce portefeuille pourrait se situer autour de 450 milliards de francs Cfa. Ce qui n’est pas rien.
ONUCI FM: Au nombre des projets que vous financez, il y a ceux à haute intensité de main d’œuvre. Quels en sont les bénéficiaires ?
E.N.N. : Avant de parler des projets à haute intensité de main d’œuvre, je voudrais situer le contexte de ces projets. Il s’agit d’abord du Projet d’assistance post-conflit (PAPC) pour lequel je suis à Daloa pour une supervision. L’une des composantes de ce projet est consacrée à la réinsertion sociale et économique des jeunes, notamment les ex-combattants et les jeunes à risque. Dans ce projet, nous avons pensé qu’il était important de donner de l’espoir à un grand nombre de jeunes.
ONUCI FM: Environ combien de jeunes ?
E.N.N. : Nous estimons que d’ici à la fin du projet en juin 2013, nous aurons touché à peu près 30 000 jeunes ex-combattants et jeunes à risque. Pour revenir à votre question sur les travaux de haute intensité de main d’œuvre, l’une des sous-composantes du volet réinsertion, économique et social des jeunes porte également sur les travaux de haute intensité de main d’œuvre. Ce volet est exécuté par l’Ageroute et le Programme de service civique national. Il consiste entre autres, à recruter les jeunes utilisés dans les travaux de maintenance des infrastructures routières. Ce sont des contrats qui durent à peu près six mois. Nous avons apporté une innovation dans le cadre de ces travaux d’intensité de main d’œuvre. Nous avons introduit un mécanisme qui veut simplement dire que le jeune qui épargne une certaine somme pendant la durée de son emploi, qui peut durer six mois, au terme de son emploi, équivalant de l’épargne qu’il aura constitué, lui est versé par la Banque mondiale. Si vous épargnez 100, la Banque mondiale vous apporte 100 000 en plus. Donc vous partez avec 200. Ce qui vous permet de démarrer une activité génératrice de revenus.
ONUCI FM: Vous parlez des jeunes, alors, comment se fait la sélection ? Autrement dit, qui peut être bénéficiaire de ces projets ?
E.N.N. : Dès le départ, nous avons ciblé les ex-combattants et les jeunes à risque. Les ex-combattants, nous essayons de les mobiliser à travers certains nombres de structures, notamment le ministère des Ex-combattants et des Victimes de guerre qui met à notre disposition un fichier. Nous procédons également à une sélection directe faite par l’Ageroute dans les localités où elle est installée, notamment à Daloa. Ensuite, elle fait une publication sur la base d’un certain nombre de critères liés au statut du jeune retenu. Enfin, elle procède à la sélection des jeunes qui sont utilisés dans le cadre de ce programme de travaux à haute intensité de main d’œuvre.
ONUCI FM: Vous financez aussi trois centres d’archivages de l’état civil à Daloa, Bouaké et Abidjan. Pour quel objectif ?
E.N.N. : Le projet d’assistance post-conflit (PAPC) finance également la construction et l’aménagement de trois centres d’archivage, notamment à Daloa, à Bouaké. Ces deux chantiers sont pratiquement achevés et le centre d’archivage de la Cour d’appel d’Abidjan sera construit à Grand-Bassam. Pourquoi financer des centres d’archivage ? D’abord, ce sont des centres d’archivage liés à des Cours d’appel. Mais, la raison fondamentale, c’est que dans le processus de sortie de crise, nous nous sommes rendu compte que l’un des facteurs aggravant de la crise en Côte d’Ivoire a été la question de l’identité et de l’état civil. Nous nous sommes rendus également compte que certains ivoiriens n’avaient pas d’état civil tout simplement parce que les souches de leur état civil qui devraient être archivées par l’autorité, notamment le ministère de la Justice n’a pas été fait. Du coup, il y a des ivoiriens qui ont perdu leur état civil tout simplement parce que les souches n’étaient pas correctement archivées. Alors, pour aider l’Etat de Côte d’Ivoire à reconstituer ou à garder la mémoire de ses citoyens à travers l’état civil, nous avons pensé qu’il était bon de financer la construction et l’équipement de ces centres d’état civil. Ce sera un équipement tout à fait moderne qui sera physique et électronique. Donc, même en ligne, vous pourriez consulter votre état civil. L’officier de l’état civil, le Procureur, ou le juge, pourra à partir d’un terminal, consulter l’état civil d’un citoyen. C’est une réponse à la crise qu’a connue la Côte d’Ivoire.
ONUCI FM: Une des priorités aujourd’hui du gouvernement ivoirien, est la réforme du secteur de la sécurité. Comment se fait-il que la sécurité ne fait pas partie des secteurs que vous financez sachant qu’elle est un facteur propice à l’investissement.
E.N.N. : Je vous ai dit tout à l’heure que, hélas, la Banque mondiale ne peut pas tout faire et la Banque mondiale ne sait pas tout faire. Et l’une des choses que nous ne savons pas faire et qui ne relève pas de notre mandat, c’est la sécurité. Mais il y a un vaste programme de reforme du secteur de la sécurité en Côte d’Ivoire et c’est essentiel. Le président de la République a d’ailleurs indiqué que la sécurité était sa principale priorité, suivra ensuite la réconciliation nationale. Mais hélas, la Banque mondiale, dans son expertise, n’a pas d’avantage comparatif en matière de sécurité. Nous avons des partenaires, que ce soit des partenaires multilatéraux comme les Nations-unies ou bien certains bilatéraux qui sont plus compétents que nous pour pouvoir accompagner l’Etat de Côte d’Ivoire dans la reforme du secteur de la sécurité.
ONUCI FM: La filière café-cacao, parlons-en. Vous avez décrié, en son temps la gestion de cette filière. Aujourd’hui, l’administration Ouattara vient d’opérer une restructuration. En avez-vous une idée ?
E.N.N. : Oui. Il y a une reforme du secteur qui est en cours. Le président de la République a nommé le président du Conseil d’administration de l’instance de régulation. Ce décret parachevait la série de nomination des membres de l’instance de régulation. Cette réforme est voulue et impulsée par le gouvernement de Côte d’Ivoire. Elle est accompagnée par la Banque mondiale et un certain nombre de partenaires.
ONUCI FM: Est-ce que cette réforme est celle que les institutions de Bretton Woods ont souhaité ?
E.N.N. : Les institutions de Bretton Woods n’ont rien à imposer au gouvernement de Côte d’Ivoire. Elles accompagnent le gouvernement de Côte d’Ivoire et veillent à ce que les réformes mises en place et conduites par le gouvernement soient de bonnes réformes et ne viennent pas aggraver la situation économique déjà difficile dans laquelle se trouve le pays. Les institutions de Bretton Woods veillent à ce que cette réforme permette aux citoyens, notamment, aux planteurs de café et de cacao d’avoir un retour de son travail.
ONUCI FM: Avec cette réforme, est-ce que les paysans, selon vous, pourront jouir du fruit de leur labeur ?
E.N.N. : Pour l’instant, nous n’avons aucune raison d’en douter. Ce d’autant que dans la réforme, il est clairement indiqué que les revenus payés aux planteurs de cacao et de café, seront d’à peu près 60% du prix CAF. Ce qui est inédit. Jusqu’à une date récente en Côte d’Ivoire, le prix payé aux planteurs était autour de 30 à 40% maximum du prix CAF. Aujourd’hui, il est garanti aux planteurs à un prix d’à peu près de 60% du prix du marché international. L’Etat s’est également engagé à plafonner la fiscalité à peu près à 22% du prix CAF. Alors que jusqu’à une date récente, cette ponction était de l’ordre de 30 à 40%. Ce qui est aujourd’hui une avancée considérable. Nous n’avons aucune raison de douter de ce que cette réforme soit soutenue. Mais nous restons vigilants et nous jouons un rôle de conseiller auprès du gouvernement de Côte d’Ivoire, de manière à ce qu’il s’assure que les réformes mises en place atteignent un niveau d’irréversibilité.
ONUCI FM: Dans le secteur de l’énergie, est-ce que les choses vont comme vous le souhaitez ?
E.N.N. : Ce secteur a énormément de problèmes. Notamment l’énergie électrique qui est un facteur de compétitivité de l’économie de tous les pays. Il est important pour la Côte d’Ivoire, si elle veut continuer à attirer des investisseurs, d’améliorer la qualité de vie de ses citoyens. Elle doit fournir à ces citoyens, assez d’investisseurs, assez d’industriels et de l’énergie en quantité suffisante, mais également en qualité et à des prix abordables. Dans ce domaine, nous accompagnons également le gouvernement. Le secteur privé y est engagé. Vous avez dû suivre le lancement des opérations pour la construction de la troisième tranche d’Azito par un opérateur privé. Donc, on a besoin d’une synergie entre le gouvernement et le secteur privé à travers le partenariat public/privé et puis bien évidemment, les partenaires au développement comme la Banque mondiale pour accompagner le processus. Donc, la question de l’énergie, le gouvernement en est conscient. Nous en avons discuté avec les autorités de Côte d’Ivoire et nous les accompagnons dans le plan de restructuration et de réforme du secteur de l’énergie que ces autorités ont conçu et sont en train de réaliser.
ONUCI FM: Et le pétrole ?
E.N.N. : Sans trop nous immiscer, nous regardons de près ce qui se passe dans ce secteur. Dans le secteur de l’énergie pris au sens le plus large, que ce soit le pétrole, le gaz, l’énergie électrique, elle-même, nous sommes assez vigilants. Nous assistons le gouvernement de Côte d’Ivoire à prendre les bonnes décisions dans son intérêt, dans l’intérêt des investisseurs, dans l’intérêt de ses populations et dans l’intérêt du développement économique de la Côte d’Ivoire.
ONUCI FM: Vous êtes regardant sur tout ce qui se fait. Alors, il y a plus de six mois que le gouvernement Soro a été mis en place. Le gouvernement gère-t-il le pays selon l’orthodoxie financière, selon les règles de la bonne gouvernance ?
E.N.N. : Ce que nous pouvons vous dire, c’est que le gouvernement qui est en place en ce moment a hérité d’une situation extrêmement difficile. L’année 2011 qui vient de s’achever a été une année extrêmement difficile avec un taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) de -5,8% pour des raisons, tout à fait, objectives. Notamment la crise post-électorale qui s’est achevée en avril 2011. Donc, l’année fiscale qui coïncide avec l’année civile en Côte d’Ivoire n’a été en fait que de six mois. Nous en sommes parfaitement conscients et ça, ce sont des paramètres qui sont pris en compte quand il s’agit de porter un jugement sur les performances du gouvernement. Maintenant, 2012 sera-t-elle une année entière ? Nous l’espérons et le souhaitons.
ONUCI FM: Les indicateurs pour 2012, comment les voyez-vous?
E.N.N. : Je pense que les informations sont disponibles à ce sujet. Nos collègues du Fonds monétaire internationale l’ont dit, le gouvernement l’a dit, nous le disons également. L’année 2012 se présente sous de bons auspices pour la Côte d’ Ivoire. L’un des indicateurs généralement utilisé, c’est le taux de croissance du PIB qui devrait se situer autour de 8 à 9%. C’est une anticipation. Nous espérons que ce taux de croissance sera effectivement réalisé. Ce qui serait une performance tout à fait inédite.
Retranscrit par
Jean Eric ADINGRA
(Source Onuci Fm).