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Santé Publié le samedi 4 février 2012 | Nord-Sud

Arnaque ou bilan de santé ? : 20 examens médicaux en 10 minutes !

Ces derniers temps, dans presque tous les véhicules de transport en commun (Gbaka et wôrô-wôrô), des affiches font la publicité de bilans de santé à 5000 Fcfa : 20 analyses pour certains, 19 pour d’autres. Est-ce possible dans la mesure où le coût d’une seule analyse biologique dans un centre de santé ordinaire avoisine les 5000 Fcfa. Nous avons mené l’enquête.


Le bilan de santé à 5000 Fcfa ? Cela existe à Abidjan. Les analyses de la tête, du cœur et des vaisseaux sanguins, du coefficient intellectuel, des reins, du pancréas, des poumons, du taux de glycémie… se font en une dizaine de minutes. Ce sont au total 20 analyses que nous avons effectuées le mercredi 18 janvier 2012. Ce jour-là, à notre arrivée dans une clinique chinoise, au ‘’carrefour Mobil’’ des Deux-Plateaux, sur le boulevard Latrille, non loin de la gare des taxis intercommunaux, un jeune hom­me que nous avions eu au téléphone en composant un des numéros relevés sur une affiche nous attend. Il nous con­duit vers l’officine qui se trouve dans la cité située à la droite des feux tricolores en venant de Cocody. Sous un préau, à l’entrée de l’appartement, nous sommes surprise par la présence d’une vingtaine de personnes. Ce sont les membres de l’Ong fondatrice de la clinique, nous dit l’accompagnateur. Nous sommes installée dans le hall. Là, des patients attendent. Ils sont une dizaine, tous candidats au bilan de santé. Nous suivons les instructions et nous nous asseyons pour attendre notre tour. Vingt minutes plus tard, nous passons à la réception pour l’enregistrement. Il faut payer le frais du bilan : 5 000 Fcfa. Le réceptionniste prend notre poids et notre tension artérielle. Il nous demande de retirer tous nos bijoux et d’arrêter notre téléphone portable. Nous som­mes guidée dans une grande salle. C’est la salle d’attente. «Vous devez attendre ici avant de passer au scanner. C’est par ordre d’arrivée», explique-t-il. «Je pensais plutôt à des prises de sang», répondons-nous aussitôt. «Soyez pa­tiente. Vous verrez. J’ai l’habitude de venir ici et tout se passe bien», nous lance une patiente qui a suivi la scène. Un autre homme, âgé d’une cinquantaine d’années, nous fait savoir que depuis qu’il a découvert ce centre, il ne fréquente plus les autres hôpitaux. « Ici, les analyses ne coûtent presque rien. Les médicaments sont efficaces, mais surtout naturels. Il n’y a pas d’effets secondaires à craindre con­traire­ment aux médicaments vendus dans les pharmacies », ajoute le patient. Pendant que nous échangeons, un homme en blou­se blanche avec un stéthoscope au cou entretient la salle. Interrogé, il nous apprend qu’il est médecin et qu’il a suivi des étu­des en Chine. Une jeune da­me venue en consultation et attendant son tour lui signifie qu’elle a des douleurs au dos et à la poitrine. Il conclut immédiatement qu’elle souffre d’un ulcère d’estomac. «Ne mangez pas gras. Mangez au moins deux fruits par jour. Les fruits sont importants pour la santé », con­seille-t-il. Un jeune homme de vingt ans, très amaigri, pâle et aux cheveux décolorés, lui explique son mal : « je me sens fatigué depuis trois mois. Je jouais au foot mais j’ai tout arrêté du fait de ce mal pernicieux. J’ai fait le tour de plusieurs hôpitaux…» Le praticien réplique aussitôt : « tu n’es pas malade. Tu es juste fatigué. En disant que tu es malade, tu attires vers toi le mal sans t’en rendre compte. Nous sommes aujourd’hui vendredi 18 janvier. Au mois prochain, à la même date, tu rejoueras au ballon. C’est moi qui te le dis », conclut-il. Au même instant, no­tre tour de passer au scanner arrive. Nous nous introduisons dans une petite salle. Deux employés y sont. L’un est assis devant un ordinateur et l’autre devant une imprimante un peu plus loin. Il nous place un objet telle une pince au poignet droit, et une petite boule blanche en caoutchouc dans la paume gauche. Les deux accessoires sont reliés par un fil à l’unité centrale de l’ordinateur. «Fermez la paume s’il vous plaît», nous lance-t-il. Au bout de 10 minutes, il imprime des feuilles que le second rassemble et agrafe (voir fac-similé). Il les dispose par la suite dans une chemise cartonnée de couleur rose. C’est notre bilan de santé. Il nous retire les appareils et nous demande de rejoindre la grande salle d’attente. Quelque dix minutes après, nous sommes con­duite chez le médecin. Que dis-je, l’interprète. Car, sur sa blouse blanche, il est inscrit interprète. Après avoir jeté un coup d’œil sur les feuilles imprimées, il fait son diagnostic : «le scanner mon­tre que vous avez un déficit de vitamines dans vos éléments nutritionnels du corps. Vous avez une avitaminose. Les vitamines E, K, B1, B2, B9, B3, B6, B12 et D3 sont presque inexistantes dans votre corps». L’interprète que les autres patients appellent abusivement docteur nous fait savoir que nous avons un taux de cholestérol trop élevé. Tout com­me le glucose dans le sang. L’analyse de l’appareil se­xuel, toujours à partir des résultats du scanner traditionnel chinois, démontre une baisse de la production d’œstrogène et de prolactine. Quant au foie et à la bile, rien à signaler. Pareil pour les reins. Au niveau de l’analyse de la tête, du cerveau et des vaisseaux, il existe un risque d’accidents cardio-vasculaires. «C’est le scanner qui a permis de voir tous ces maux. Nous som­mes la seule clinique en Côte d’Ivoire à avoir cet appareil », nous confie-t-il. Après la détection des anomalies signalées par l’examen, place à l’ordonnance. L’interprète prescrit des médicaments d’origine chinoise. Il nous remet l’ordonnance et le dossier. Nous retournons dans la grande salle où un autre employé chargé de la vente des médicaments nous livre les prix. Chose bizarre, nous n’avons rencontré aucun chinois dans cette clinique !
Contrairement au dire de l’interprète, sa clinique n’est pas la seule qui propose ce type de service. D’autres affiches nous ont con­duite dans une officine similaire, cette fois, à Abo­bo non loin du rond-point de Samaké. Sauf que sur place, nous avons découvert que le centre était momentanément fermé pour réhabilitation. Preuve que l’affaire prospère.

Que dit le ministère de la santé ?

Nous avons tenté, en vain, d’avoir l’avis du président de l’ordre des médecins de Côte d’Ivoire sur le sujet. Il est en déplacement hors du pays, selon son secrétariat que nous avons joint. De leur côté, les responsables de l’Association des cliniques privées de Côte d’Ivoire (Acpci) n’ont pas souhaité se prononcer. « Seul le ministère de tutelle (Ndlr : le ministère de la Santé et de la lutte contre le Sida) est habilité à mettre de l’ordre dans le système sanitaire », ont-ils répondu. Au cabinet de la ministre Thérèse N’Dri-Yoman, nous sommes tombés sur un interlocuteur bien au fait du problème. Selon ce directeur qui préfère garder l’anonymat, le Programme national de médecine traditionnelle a initié récemment une rencontre dans le but de recenser les propriétaires des officines ‘’non con­ventionnelles’’ en l’occurrence celles que nous avons visitées. L’objectif est de mettre de l’ordre dans ce secteur afin de permettre à la population de se soigner sans danger. Car, un bilan de santé qui n’est pas fiable peut laisser sous silence une anomalie susceptible de tuer le patient dans le moyen ou le long terme. Le programme de médecine traditionnelle a décidé de voir de près ce qui se fait dans ces cliniques pour s’assurer de la qualité des soins qui y sont prodigués. « C’est d’abord l’approche. Il y aura une réunion d’échanges au cours de laquelle des directives leur seront données. Par la suite, si le programme constate qu’il y a des choses qui ne sont pas faites en faveur de la santé des populations, le ministère prendra ses responsabilités en intimant l’ordre à la police sanitaire d’agir », prévient l’autorité.
Adélaïde Konin
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