S’il est vrai que les Africanistes ont toujours milité en faveur de la préservation et de la sauvegarde des valeurs culturelles noires, il n’en demeure pas moins que de nos jours, certaines de ces pratiques portent atteinte à la dignité humaine et aux droits de l’homme. C’est le cas des mutilations génitales féminines qui, ces derniers temps, font l’objet de critiques les plus acerbes alors qu’elles font partie des pratiques gardées jalousement par bon nombre de communautés depuis des siècles.Les campagnes qui sont menées en vue de mettre fin à cette pratique sont nécessaires si l’on veut voir les choses changer. Toutefois, si l’on veut aboutir à des résultats satisfaisants, il est important que l’on s’attache à saisir le sens de cette pratique dans les communautés où elle s’exerce. Car sa persistance n’est certainement pas le fait du hasard. Mais bien avant, il convient de clarifier les choses. En effet, il ne s’agit nullement de justifier encore moins d’adhérer à cette pratique, qui est certainement d’un autre âge. Notre souci milite en faveur d’une compréhension de ce phénomène. Et ce, en partant de l’idée que les populations concernées et les femmes présentées comme victimes se font de cette pratique qui d’ailleurs, fait partie de leur culture. Certainement qu’en partant de là, l’on comprendrait davantage les raisons de sa pérennité et de sa recrudescence. Même si l’entendement populaire croit que l’excision ou plus globalement les mutilations génitales féminines sont un moyen de lutte contre l’infidélité de la femme au foyer, il convient de saisir plus profondément cette pratique. Ainsi, chez certains peuples tels que les Wê, Malinké, et même en pays Baoulé, les fillettes sont soumises à cette pratique qui s’apparente à une initiation. Laquelle permet à la jeune fille d’accéder à une autre étape de la vie en société, celle de la maturité. C’est pourquoi, elle est même un motif de fierté chez les femmes elles-mêmes. Dans la mentalité de ces communautés, les mutilations génitales ne sont pas néfastes. Bien au contraire, cette pratique hisse la femme à un certain niveau social. C’est d’ailleurs après avoir passé l’étape de l’excision que la jeune fille se sent véritablement femme. Par cette pratique, elle devient digne de sa famille, de sa communauté et par là, elle a désormais le droit d’avoir un conjoint. Autrement dit, la femme non excisée court le risque d’être marginalisée et d’être la risée de la communauté toute entière. Dans ce sens, les femmes elles-mêmes, que l’on présente aujourd’hui comme des victimes de cette pratique, ne s’en plaignent pas du tout même s’il arrive parfois que certaines y laissent leur vie. C’est souvent qu’elles manifestent leur empressement de subir cette pratique pour bénéficier du respect et de la considération de la société. Sont-elles véritablement victimes du système auquel elles appartiennent? N’auraient-elles pas de responsabilité dans la pérennité de cette pratique qui, dit-on, leur cause plus de torts que de bien? Bien malin qui pourrait répondre à cette interrogation. En tout cas, il semble que cette pratique a la peau dure parce qu’elle relève d’une conception culturellement et psychologiquement bien structurée et acceptée de tous, y compris par celles qui la subissent. En fin de compte, cette pratique ne prendra fin que lorsque les femmes auront décidé de se rebeller contre le système qui les mutile.
Francis Kouamé (stagiaire)
Francis Kouamé (stagiaire)