Lundi 5 mars 2012, préfecture de Man, il est 9 heures du matin. Juriste de formation, Enarque, administrateur civil, le premier secrétaire général de la préfecture, Godezth Kokora Patrice Antoine, manie langage autoritaire, franchise et diplomatie. Il doit "faire entendre raison" à Ballo Mamadou qu'il a convoqué d'urgence dans son bureau. Ballo revendique le poste de secrétaire général de la Fédération des Commerçants de Côte d'Ivoire (Fesacci), section de Man. Une affaire de gros sous, aggravée par des influences politiques locales. Depuis plus d'une semaine, Ballo est en conflit ouvert avec Diakité Mohamed dit "Mamadi Chine". Tous deux se disputent rageusement le strapontin. L'histoire remonte à 2002. Ballo est élu secrétaire général de la Fenacci en remplacement de Diakité Sory. Son mandat de cinq ans arrive à échéance en 2007. Crise politique oblige, les élections n'auront pas lieu. En 2010, un congrès extraordinaire décide de maintenir pour un mandat de cinq ans, tous les secrétaires généraux de la Fenacci et le président national, Soumahoro Farikou. Le 2 février 2012, le président de la Fenacci, Soumahoro Farikou, prend une décision de suspension de Ballo Mamadou. Il fait de "Mamadi Chine" "le seul interlocuteur de la Fenacci section de Man ». Il lui confère "le droit d'agir avec toutes les prérogatives liées à sa fonction" afin d'organiser «une transition» qui doit conduire à un congrès. Une façon pour lui de mettre fin à "un bicéphalisme" qui "n'a que trop duré" et qui "ne permet pas le fonctionnement normal de la section". La décision est jugée illégale, nulle et de nul effet par Diakité Ballo qui évoque les conclusions du congrès de 2010. Il argue surtout que son adversaire est inéligible à la fonction de secrétaire général dans la mesure où, selon lui, nul ne peut prétendre à cette responsabilité s'il n'a pas cinq années d'adhésion à la Fenacci. Ce qui serait, toujours selon lui, le cas de Diakité Mohamed. Ce dernier habite à Man, dans le voisinage du ministre Sidiki Konaté des Forces nouvelles. De là à y voir une proximité avec les Forces nouvelles, ses adversaires franchissent le pas et le présentent aussi comme un Guinéen d'origine. Ce que dément "Mamadi Chine" qui est soupçonné par le camp rival d'avoir "corrompu les autorités". Ce que l'accusé réfute aussi. Et dit s’en tenir à la nomination faite par le président national de la Fenacci. On en est là. Ballo se dit prêt à partir, si et seulement si cela est décidé par une élection ou par un autre congrès. Les deux parties se regardent en chiens de faïence, au bord de l'affrontement par partisans opposés, en attendant une issue négociée ou par la force. Comme quoi, à Man, il n'y a pas que les politiques ou les cadres qui sont en conflit. Les commerçants doivent aussi être désarmés. La politique est passée par là.
Benoit HILI
Envoyé spécial à Man
Benoit HILI
Envoyé spécial à Man