A quelques jours des grandes pluies, le préfet d’Abidjan et coordonnateur de l’Organisation des secours (Orsec) parle des préparatifs du déguerpissement des personnes vivant sur des sites à risques.
Vous avez encore rencontré ce lundi à votre bureau les points focaux du plan Orsec dans les quartiers précaires. De quoi s’agissait-il ?
Il s’agissait de faire la sélection des personnes les plus exposées aux dangers. Le recensement que nous avons fait dans les zones sinistrées a été réalisé dans un rayon de 20 mètres de la source du danger. Et il a donné un chiffre assez important. Parmi ces personnes en danger, il y a celles dont nous avons la conviction qu’en cas de pluie importante, elles sont exposées à la mort avec leurs familles.
Quelle est leur situation exacte sur ces sites à risques?
Ces habitants sont en général près de bassins d’orage, de retenues d’eau. Il y a également ceux qui sont près de cuvettes où l’eau est emprisonnée. Et, quand il pleut, cette eau déborde et engloutit les maisons autour. Nous avons connu des drames similaires pendant les fortes pluies. Notre souhait, c’est que l’année 2012 ne trouve pas ces gens-là dans les zones à risques. A côté d’eux, il y a ceux qui se sont installés près des lits d’écoulement des eaux, c`est-à-dire, les zones de drainage d’eau. Malheureusement, quand il pleut, l’eau emporte tout. Nous l’avons déjà vu, ces situations ont aussi entraîné beaucoup de pertes en vie humaine, les années passées. Enfin, il y a les familles qui sont installées sur les flancs des collines, au bord des ravins. Lorsqu’il y a des glissements de terrain, il y a généralement des morts.
Quelles sont les communes les plus touchées par ces phénomènes ?
Nous en avons recensé cinq. Il s’agit de Cocody, Abobo, Adjamé, Attécoubé et Yopougon.
On a l’impression que cette année, le plan Orsec parle peu de recasement mais plutôt de dédommagement de familles à déguerpir.
Vous savez, les recasements sont des actions à moyen et long termes. Lorsque vous avez un site, il faut le viabiliser, y réaliser les ouvrages d’assainissement qui nous créent aujourd’hui d’énormes problèmes. Il faut aussi faire tous les aménagements nécessaires, avant de construire des maisons. Cela nous prend du temps. Or, aujourd’hui, nous sommes dans l’urgence. Il s’agit de sauver des vies, de déplacer au plus vite, ceux qui sont mal installés. Voilà pourquoi nous mettons en avant la délocalisation de ces personnes.
Le gouvernement a eu amplement le temps de penser à ces problèmes depuis la fin de la dernière saison de pluie. Pourquoi maintenant ?
Les choses ont commencé depuis longtemps. Il y a d’importants projets qui ont débuté. Mais les problèmes sont échelonnés. Il ne faut pas oublier que le gouvernement actuel s’est retrouvé dans une situation de crise où presque tout était à refaire. Et on ne peut pas tout refaire en même temps. Il a donc fallu bien commencer par quelque chose. De grands travaux ont été entrepris pour régler la question du bassin du Gourou (vers le carrefour de l’Indénié). Et, en amont du bassin du Gourou, il y a de grands travaux qui sont effectués vers l’Hôpital militaire d’Abidjan (Hma). Il y en a d’autres qui sont entrepris ailleurs pour que la situation n’empire pas en cas de pluie. Vous constaterez qu’à Abidjan, il y a des travaux de curage de caniveaux. Tout cela entre dans le cadre de la minimisation des effets négatifs des pluies diluviennes. Il est évident que ce sont des travaux qui vont s’étendre sur deux saisons. Cette année, une bonne partie est en train d’être faite. Les autres parties vont se faire avant la prochaine saison des pluies. Le langage va évoluer.
Concrètement, que va-il se passer ? Va-ton assister à des recasements des populations des zones sinistrées, ou à des départs volontaires ? En d’autres termes, le gouvernement aura-t-il les moyens de les obliger à partir ?
Notre souhait, c’est qu’on ne soit pas emmenés à obliger des personnes à sauver leur propre vie. Nous voulons, qu’en échangeant avec eux, qu’ils comprennent que c’est pour leur propre bien que nous sommes en train d’agir. Il faut que ces personnes fassent un minimum d’effort. Cette opération comporte des contraintes à la fois pour l’Etat et pour les personnes installées dans les zones sinistrées. Nous avons déjà rencontré la fédération des habitants de ces quartiers précaires. Il s’agit de travailler ensemble, de ne pas travailler contre Pierre ou contre Paul.
Quel est leur état d’esprit ? Sentez-vous qu’ils adhèrent à vos idées ?
Nous avons été agréablement surpris de constater que les intéressés eux-mêmes attendent qu’un minimum de choses soit fait pour leur permettre de se déplacer, parce qu’ils sont conscients qu’ils sont en danger. Nous leur avons donné la parole, et c’est cela aussi les échanges, c’est l’approche que nous avons tenu à faire. Pendant les rencontres, nous avons échangé sur leurs conditions de vie, leur situation, nous avons discuté sur les actions à mener pour changer les choses. Ce n’est pas une bonne image et pour la Côte d’Ivoire, et pour ceux qui sont dans ces zones qui vivent dans une insalubrité incroyable, et qui sont en danger de mort.
Que va-t-il se passer pour les habitants de Biabou 2 qui ont été déguerpis, vont-ils être recasés ?
L’espace de Biabou 2 a été repris par le ministère de la Construction. Donc on parle déjà de recasement. Le ministre de la Construction a mené un certain nombre d’actions pour faire en sorte que ce quartier revienne à l’Etat. Et il est en train de rechercher les voies et moyens pour l’aménagement de l’espace. S’il est aménagé dans deux ou trois mois, et que déjà certaines personnes peuvent y être recasées, ce sera tant mieux.
Quels sont les critères pour y avoir droit ? Ne craignez-vous pas que tout le monde veuille y partir vu que personne ne veut payer de loyers ?
On ne peut résoudre facilement un problème d’une aussi grande ampleur qui s’est créé au fil de plusieurs années. Je pense que si la raison habite les uns et les autres, on peut progressivement arriver à résoudre ce problème. Mais si on est déraisonnable et qu’on doit tous vouloir tout en même temps, il est évident qu’on ne s’en sortira pas et que, quelque part, un ressort peut être brisé.
Avez-vous défini les critères d’accès à Biabou2?
Nous allons échanger avec les habitants des quartiers précaires sur la question. Tout doit se passer dans les échanges.
Le site va accueillir combien de familles ?
Ce sont les spécialistes qui peuvent vous en parler. Il faut déjà savoir quelle est la superficie de terrain disponible. Il y a un pourcentage qui est destiné aux routes, aux voies d’accès, aux ouvrages d’assainissement à un certain nombre d’équipements publics. Car, on ne va pas que construire des maisons. Il faut qu’il y ait des hôpitaux, des écoles… C’est lorsque déduction sera faite de tout cela qu’on saura quelle est la superficie habitable.
Le temps ne vous est-il pas compté ?
Dans les prévisions météorologiques, cette année, les pluies vont être précoces. Elles sont prévues pour être abondantes, comme l’année dernière. Maintenant, est-ce que nous sommes dans le temps ? Dans nos prévisions, nous pensons que la seule chose qui pourrait faire défaut, c’est peut-être les moyens. Sinon, la conception du projet, le processus de délocalisation qui doit être fait logiquement fin avril, c`est-à-dire avec les grosses pluies, sont ok.
Avec les 150.000 F par famille?
Nous en avons discuté mais le montant reste à l’appréciation de l’Etat. Il faut attendre que ces moyens soient disponibles. Mais il y a une chose qui est certaine, c’est que le plan Orsec n’est pas focalisé sur les moyens de délocalisation et de déplacement définitif. Il est possible que beaucoup de dispositions soient prises, et que malgré tout, les pluies soient tellement abondantes que même là où on ne les attendait pas, elles fassent des dégâts. Dans ce cas, le plan a prévu un site de recasement temporaire par commune. Et une assistance aux personnes qui pourraient y être délocalisées. Il y a une chose que vous devez savoir sur les habitants des sites à risque. Même quand personne ne leur parle, certains se déplacent pendant la saison des pluies pour aller habiter dans des zones sécurisées. Malheureusement, elles se déplacent après avoir tout perdu. Ce que nous leur proposons, c’est se déplacer de manière organisée. C’est d’anticiper.
Interview réalisée par Cissé Sindou et Raphaël Tanoh
Vous avez encore rencontré ce lundi à votre bureau les points focaux du plan Orsec dans les quartiers précaires. De quoi s’agissait-il ?
Il s’agissait de faire la sélection des personnes les plus exposées aux dangers. Le recensement que nous avons fait dans les zones sinistrées a été réalisé dans un rayon de 20 mètres de la source du danger. Et il a donné un chiffre assez important. Parmi ces personnes en danger, il y a celles dont nous avons la conviction qu’en cas de pluie importante, elles sont exposées à la mort avec leurs familles.
Quelle est leur situation exacte sur ces sites à risques?
Ces habitants sont en général près de bassins d’orage, de retenues d’eau. Il y a également ceux qui sont près de cuvettes où l’eau est emprisonnée. Et, quand il pleut, cette eau déborde et engloutit les maisons autour. Nous avons connu des drames similaires pendant les fortes pluies. Notre souhait, c’est que l’année 2012 ne trouve pas ces gens-là dans les zones à risques. A côté d’eux, il y a ceux qui se sont installés près des lits d’écoulement des eaux, c`est-à-dire, les zones de drainage d’eau. Malheureusement, quand il pleut, l’eau emporte tout. Nous l’avons déjà vu, ces situations ont aussi entraîné beaucoup de pertes en vie humaine, les années passées. Enfin, il y a les familles qui sont installées sur les flancs des collines, au bord des ravins. Lorsqu’il y a des glissements de terrain, il y a généralement des morts.
Quelles sont les communes les plus touchées par ces phénomènes ?
Nous en avons recensé cinq. Il s’agit de Cocody, Abobo, Adjamé, Attécoubé et Yopougon.
On a l’impression que cette année, le plan Orsec parle peu de recasement mais plutôt de dédommagement de familles à déguerpir.
Vous savez, les recasements sont des actions à moyen et long termes. Lorsque vous avez un site, il faut le viabiliser, y réaliser les ouvrages d’assainissement qui nous créent aujourd’hui d’énormes problèmes. Il faut aussi faire tous les aménagements nécessaires, avant de construire des maisons. Cela nous prend du temps. Or, aujourd’hui, nous sommes dans l’urgence. Il s’agit de sauver des vies, de déplacer au plus vite, ceux qui sont mal installés. Voilà pourquoi nous mettons en avant la délocalisation de ces personnes.
Le gouvernement a eu amplement le temps de penser à ces problèmes depuis la fin de la dernière saison de pluie. Pourquoi maintenant ?
Les choses ont commencé depuis longtemps. Il y a d’importants projets qui ont débuté. Mais les problèmes sont échelonnés. Il ne faut pas oublier que le gouvernement actuel s’est retrouvé dans une situation de crise où presque tout était à refaire. Et on ne peut pas tout refaire en même temps. Il a donc fallu bien commencer par quelque chose. De grands travaux ont été entrepris pour régler la question du bassin du Gourou (vers le carrefour de l’Indénié). Et, en amont du bassin du Gourou, il y a de grands travaux qui sont effectués vers l’Hôpital militaire d’Abidjan (Hma). Il y en a d’autres qui sont entrepris ailleurs pour que la situation n’empire pas en cas de pluie. Vous constaterez qu’à Abidjan, il y a des travaux de curage de caniveaux. Tout cela entre dans le cadre de la minimisation des effets négatifs des pluies diluviennes. Il est évident que ce sont des travaux qui vont s’étendre sur deux saisons. Cette année, une bonne partie est en train d’être faite. Les autres parties vont se faire avant la prochaine saison des pluies. Le langage va évoluer.
Concrètement, que va-il se passer ? Va-ton assister à des recasements des populations des zones sinistrées, ou à des départs volontaires ? En d’autres termes, le gouvernement aura-t-il les moyens de les obliger à partir ?
Notre souhait, c’est qu’on ne soit pas emmenés à obliger des personnes à sauver leur propre vie. Nous voulons, qu’en échangeant avec eux, qu’ils comprennent que c’est pour leur propre bien que nous sommes en train d’agir. Il faut que ces personnes fassent un minimum d’effort. Cette opération comporte des contraintes à la fois pour l’Etat et pour les personnes installées dans les zones sinistrées. Nous avons déjà rencontré la fédération des habitants de ces quartiers précaires. Il s’agit de travailler ensemble, de ne pas travailler contre Pierre ou contre Paul.
Quel est leur état d’esprit ? Sentez-vous qu’ils adhèrent à vos idées ?
Nous avons été agréablement surpris de constater que les intéressés eux-mêmes attendent qu’un minimum de choses soit fait pour leur permettre de se déplacer, parce qu’ils sont conscients qu’ils sont en danger. Nous leur avons donné la parole, et c’est cela aussi les échanges, c’est l’approche que nous avons tenu à faire. Pendant les rencontres, nous avons échangé sur leurs conditions de vie, leur situation, nous avons discuté sur les actions à mener pour changer les choses. Ce n’est pas une bonne image et pour la Côte d’Ivoire, et pour ceux qui sont dans ces zones qui vivent dans une insalubrité incroyable, et qui sont en danger de mort.
Que va-t-il se passer pour les habitants de Biabou 2 qui ont été déguerpis, vont-ils être recasés ?
L’espace de Biabou 2 a été repris par le ministère de la Construction. Donc on parle déjà de recasement. Le ministre de la Construction a mené un certain nombre d’actions pour faire en sorte que ce quartier revienne à l’Etat. Et il est en train de rechercher les voies et moyens pour l’aménagement de l’espace. S’il est aménagé dans deux ou trois mois, et que déjà certaines personnes peuvent y être recasées, ce sera tant mieux.
Quels sont les critères pour y avoir droit ? Ne craignez-vous pas que tout le monde veuille y partir vu que personne ne veut payer de loyers ?
On ne peut résoudre facilement un problème d’une aussi grande ampleur qui s’est créé au fil de plusieurs années. Je pense que si la raison habite les uns et les autres, on peut progressivement arriver à résoudre ce problème. Mais si on est déraisonnable et qu’on doit tous vouloir tout en même temps, il est évident qu’on ne s’en sortira pas et que, quelque part, un ressort peut être brisé.
Avez-vous défini les critères d’accès à Biabou2?
Nous allons échanger avec les habitants des quartiers précaires sur la question. Tout doit se passer dans les échanges.
Le site va accueillir combien de familles ?
Ce sont les spécialistes qui peuvent vous en parler. Il faut déjà savoir quelle est la superficie de terrain disponible. Il y a un pourcentage qui est destiné aux routes, aux voies d’accès, aux ouvrages d’assainissement à un certain nombre d’équipements publics. Car, on ne va pas que construire des maisons. Il faut qu’il y ait des hôpitaux, des écoles… C’est lorsque déduction sera faite de tout cela qu’on saura quelle est la superficie habitable.
Le temps ne vous est-il pas compté ?
Dans les prévisions météorologiques, cette année, les pluies vont être précoces. Elles sont prévues pour être abondantes, comme l’année dernière. Maintenant, est-ce que nous sommes dans le temps ? Dans nos prévisions, nous pensons que la seule chose qui pourrait faire défaut, c’est peut-être les moyens. Sinon, la conception du projet, le processus de délocalisation qui doit être fait logiquement fin avril, c`est-à-dire avec les grosses pluies, sont ok.
Avec les 150.000 F par famille?
Nous en avons discuté mais le montant reste à l’appréciation de l’Etat. Il faut attendre que ces moyens soient disponibles. Mais il y a une chose qui est certaine, c’est que le plan Orsec n’est pas focalisé sur les moyens de délocalisation et de déplacement définitif. Il est possible que beaucoup de dispositions soient prises, et que malgré tout, les pluies soient tellement abondantes que même là où on ne les attendait pas, elles fassent des dégâts. Dans ce cas, le plan a prévu un site de recasement temporaire par commune. Et une assistance aux personnes qui pourraient y être délocalisées. Il y a une chose que vous devez savoir sur les habitants des sites à risque. Même quand personne ne leur parle, certains se déplacent pendant la saison des pluies pour aller habiter dans des zones sécurisées. Malheureusement, elles se déplacent après avoir tout perdu. Ce que nous leur proposons, c’est se déplacer de manière organisée. C’est d’anticiper.
Interview réalisée par Cissé Sindou et Raphaël Tanoh