“Il n’y a pas de justice des vainqueurs en Côte d’Ivoire”
Le Sénégalais Doudou Diène, expert indépendant de l’ONU a présenté mercredi dernier un rapport sur la situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire après deux missions menées dans différentes régions du pays. Dans cet entretien accordé à la radio de l’ONU à Genève, l’expert onusien revient sur les points saillants de son rapport.
ONUCI FM : M. Doudou Diène vous venez de présenter votre rapport au conseil des droits de l’homme. Quel est de façon générale l’état des droits de l’homme en Côte d’Ivoire?
Doudou Diène: Il y a deux considérations qu’il faut souligner. Tout d’abord la gravité de la situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, gravité de la profonde crise en Côte d’Ivoire. Mais gravité aussi à cause du niveau de violation des droits de l’homme. Le deuxième facteur important qu’il faut souligner sur les droits de l’homme, c’est que les mesures, les conditions et les voies et moyens sont en train d’être prises pour le rétablissement et le respect des droits de l’homme.
ONUCI FM: Par rapport à cette gravité de la situation, quels sont les différents types de violation de droits de l’homme que vous avez constatés sur le terrain?
DD : Le premier, c’es le défi de la sécurité. La société a été déstabilisée en profondeur depuis plus de dix ans. L’insécurité était la règle sur l’ensemble des territoires. La deuxième grave question, facteur des droits de l’homme, c’est l’impunité. C’est le fait que depuis plus de dix ans, la crise dite de l’impunité a prévalu dans ce pays. Des crimes ont été commis sans avoir de sanctions. Le troisième point, c’est l’impartialité. C’est-à-dire que la justice qui est en train d’être construite doit s’adresser à tous les crimes et à toutes les violations des droits de l’homme quelle soit leur origine culturelle, politique et religieuse.
ONUCI FM: Au départ, beaucoup avaient critiqué le nouveau régime de faire une justice des vainqueurs. Est-ce qu’avec l’évolution de la situation, vous avez noté une évolution positive ou bien c’est le statu quo?
DD : Je n’ai vu aucune justice des vainqueurs. J’ai vu un pays en train de se reconstruire dans la difficulté avec des moyens limités. Cette justice, pour qu’elle soit crédible et surtout pour qu’elle soit un facteur fondamental pour la réconciliation, elle doit être impartiale et que tous les actes de violation de droits de l’homme doivent faire l’objet de punition.
ONUCI FM: Vous avez dénoncé les actes des supplétifs des FRCI. Est-ce une forme d’impunité ou d’impuissance pour la restauration de l’autorité de l’Etat dans ce pays?
DD : Les FRCI constituent un point capital dans le processus de démobilisation et de réintégration qui est actuellement en cours. Mais ce que je voulais souligner, c’est que le problème est complexe. Parce que dans la reconquête par l’Etat de son espace institutionnel régalien, vous avez des situations où dans la plupart des régions de la Côte d’Ivoire, les juges, les gendarmes et les policiers n’ont ni armes, ni prisons, ni véhicules. Ceux qui ont les armes et les véhicules, ce sont les éléments des FRCI. Dans les zones que j’ai visitées, les FRCI coopèrent avec les nouvelles autorités pour les aider à rétablir la sécurité, l’ordre et la loi. Dans d’autres parties, c’est beaucoup plus fragile. La manière dont ils seront réintégrés sera capitale pour la justice et la réconciliation. Je crois que le processus est en cours.
ONUCI FM: Beaucoup d’ ONG ont dénoncé les exactions commises par les Dozos notamment dans l’ouest du pays. Quels sont les types d’abus que vous avez notés dans votre rapport et qui méritent l’attention de la communauté internationale?
DD : J’ai noté dans mon rapport que dans le climat général de violation de droits de l’homme depuis dix ans, les dozos ont joué un rôle qui a été documenté par les Organisations internationales et dans les rapports de l’ONU. Mais il est certain que certaines parties du territoire ivoirien, notamment quand je suis parti à Bouaké, on m’a démontré que, sans les dozos, il n’aurait pas été possible que les nouvelles autorités républicaines rétablissent l’ordre dans certaines villes de la Côte d’Ivoire. Je me suis donné la peine d’aller voir les dirigeants des dozos et après des discussions, j’ai plaidé pour qu’ils reprennent leur rôle traditionnel et qu’ils laissent l’appareil d’Etat remplir totalement sa mission.
ONUCI FM: Qu’en est-il de la situation pénitentiaire des partisans de l’ancien président Laurent Gbagbo?
DD : Ce dont je me félicite, c’est que leurs conditions de détention ont été dans la plus grande partie, normale. Deuxièmement, je me suis aussi félicité qu’un certain nombre de détenus sont en train d’être progressivement relâchés de leur lieu de détention pour retourner chez eux, en résidence surveillée. Ça, c’est un processus qui est extrêmement important. C’est la raison pour laquelle j’ai appelé les autorités ivoiriennes à faire l’équilibre le plus délicat, le plus sensible possible entre la nécessité de la punition, mais aussi de la réconciliation. Mais la question de l’impunité et de l’impartialité doivent être un principe fondamental.
Propos recueillis LO
Le Sénégalais Doudou Diène, expert indépendant de l’ONU a présenté mercredi dernier un rapport sur la situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire après deux missions menées dans différentes régions du pays. Dans cet entretien accordé à la radio de l’ONU à Genève, l’expert onusien revient sur les points saillants de son rapport.
ONUCI FM : M. Doudou Diène vous venez de présenter votre rapport au conseil des droits de l’homme. Quel est de façon générale l’état des droits de l’homme en Côte d’Ivoire?
Doudou Diène: Il y a deux considérations qu’il faut souligner. Tout d’abord la gravité de la situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire, gravité de la profonde crise en Côte d’Ivoire. Mais gravité aussi à cause du niveau de violation des droits de l’homme. Le deuxième facteur important qu’il faut souligner sur les droits de l’homme, c’est que les mesures, les conditions et les voies et moyens sont en train d’être prises pour le rétablissement et le respect des droits de l’homme.
ONUCI FM: Par rapport à cette gravité de la situation, quels sont les différents types de violation de droits de l’homme que vous avez constatés sur le terrain?
DD : Le premier, c’es le défi de la sécurité. La société a été déstabilisée en profondeur depuis plus de dix ans. L’insécurité était la règle sur l’ensemble des territoires. La deuxième grave question, facteur des droits de l’homme, c’est l’impunité. C’est le fait que depuis plus de dix ans, la crise dite de l’impunité a prévalu dans ce pays. Des crimes ont été commis sans avoir de sanctions. Le troisième point, c’est l’impartialité. C’est-à-dire que la justice qui est en train d’être construite doit s’adresser à tous les crimes et à toutes les violations des droits de l’homme quelle soit leur origine culturelle, politique et religieuse.
ONUCI FM: Au départ, beaucoup avaient critiqué le nouveau régime de faire une justice des vainqueurs. Est-ce qu’avec l’évolution de la situation, vous avez noté une évolution positive ou bien c’est le statu quo?
DD : Je n’ai vu aucune justice des vainqueurs. J’ai vu un pays en train de se reconstruire dans la difficulté avec des moyens limités. Cette justice, pour qu’elle soit crédible et surtout pour qu’elle soit un facteur fondamental pour la réconciliation, elle doit être impartiale et que tous les actes de violation de droits de l’homme doivent faire l’objet de punition.
ONUCI FM: Vous avez dénoncé les actes des supplétifs des FRCI. Est-ce une forme d’impunité ou d’impuissance pour la restauration de l’autorité de l’Etat dans ce pays?
DD : Les FRCI constituent un point capital dans le processus de démobilisation et de réintégration qui est actuellement en cours. Mais ce que je voulais souligner, c’est que le problème est complexe. Parce que dans la reconquête par l’Etat de son espace institutionnel régalien, vous avez des situations où dans la plupart des régions de la Côte d’Ivoire, les juges, les gendarmes et les policiers n’ont ni armes, ni prisons, ni véhicules. Ceux qui ont les armes et les véhicules, ce sont les éléments des FRCI. Dans les zones que j’ai visitées, les FRCI coopèrent avec les nouvelles autorités pour les aider à rétablir la sécurité, l’ordre et la loi. Dans d’autres parties, c’est beaucoup plus fragile. La manière dont ils seront réintégrés sera capitale pour la justice et la réconciliation. Je crois que le processus est en cours.
ONUCI FM: Beaucoup d’ ONG ont dénoncé les exactions commises par les Dozos notamment dans l’ouest du pays. Quels sont les types d’abus que vous avez notés dans votre rapport et qui méritent l’attention de la communauté internationale?
DD : J’ai noté dans mon rapport que dans le climat général de violation de droits de l’homme depuis dix ans, les dozos ont joué un rôle qui a été documenté par les Organisations internationales et dans les rapports de l’ONU. Mais il est certain que certaines parties du territoire ivoirien, notamment quand je suis parti à Bouaké, on m’a démontré que, sans les dozos, il n’aurait pas été possible que les nouvelles autorités républicaines rétablissent l’ordre dans certaines villes de la Côte d’Ivoire. Je me suis donné la peine d’aller voir les dirigeants des dozos et après des discussions, j’ai plaidé pour qu’ils reprennent leur rôle traditionnel et qu’ils laissent l’appareil d’Etat remplir totalement sa mission.
ONUCI FM: Qu’en est-il de la situation pénitentiaire des partisans de l’ancien président Laurent Gbagbo?
DD : Ce dont je me félicite, c’est que leurs conditions de détention ont été dans la plus grande partie, normale. Deuxièmement, je me suis aussi félicité qu’un certain nombre de détenus sont en train d’être progressivement relâchés de leur lieu de détention pour retourner chez eux, en résidence surveillée. Ça, c’est un processus qui est extrêmement important. C’est la raison pour laquelle j’ai appelé les autorités ivoiriennes à faire l’équilibre le plus délicat, le plus sensible possible entre la nécessité de la punition, mais aussi de la réconciliation. Mais la question de l’impunité et de l’impartialité doivent être un principe fondamental.
Propos recueillis LO